Actes 2, 1-11 – Le rappel de l’alliance

Pour nous chrétiens, la Pentecôte évoque d’abord la fête du Saint-Esprit. Mais la Pentecôte, comme la plupart des fêtes chrétiennes, trouve son origine dans le judaïsme. Si nous oublions cela, nous risquons de mal comprendre ce qu’en dit le livre des Actes.

Revenons donc aux origines de cette fête : avant de devenir une fête chrétienne, la fête de la Pentecôte était une fête agricole, c’était la fête des récoltes ; et puis, au fil du temps, toujours dans le judaïsme, elle était devenue le rappel de l’alliance que Dieu avait conclue avec son peuple par le don de la Loi.

En quelque sorte, la Pentecôte, pour les Juifs, venait compléter la Pâque : la Pâque commémorait la leur libération, la sortie hors d’Egypte, le pays de la servitude, le pays de l’esclavage, et la Pentecôte leur donnait la possibilité de bien vivre leur nouvelle liberté, avec ce nouveau cadre de vie que leur donnait la Loi.

Et de fait, la Pentecôte chrétienne reprend cette idée : elle aussi est un rappel de l’alliance que Dieu a conclue avec nous. C’est la raison pour laquelle nous avons l’habitude de confirmer les catéchumènes le dimanche de Pentecôte.

Jésus s’est manifesté aux disciples pendant une période de quarante jours, puis il disparaît de leurs yeux : c’est l’Ascension, que nous avons fêté il y a dix jours.

Et puis vient le jour de la Pentecôte : le Saint-Esprit que Jésus avait promis à ses disciples leur a été donné alors qu’ils étaient réunis à Jérusalem. Oui, en ce jour de Pentecôte, les disciples sont tous réunis au même endroit. Ce détail souligne leur petit nombre et leur vulnérabilité ; on sent qu’après la mise à mort de Jésus, ils ressentent le besoin de se regrouper, de rester ensemble, dans une attitude de repli et de méfiance après l’exécution de leur Maître.

Mais l’Eglise n’a pas vocation à être un club fermé ; en ce jour de Pentecôte la fidélité de Dieu ne s’est pas démentie, et les disciples reçoivent tous le Saint-Esprit qui leur avait été promis.

Et si Jésus a été soustrait aux regards des apôtres sans heurts ni fracas, il n’en va pas de même de la venue du Saint-Esprit. C’est un véritable spectacle son et lumière que nous décrit l’Evangéliste : un bruit venu du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent, voilà pour le son, et des langues de feu qui viennent se poser sur chaque disciple, voilà pour la lumière. En cela, la Pentecôte contraste avec l’Ascension.

Ce spectacle est là pour rappeler le don des tables de la Loi à Moïse, qui était au fondement de la Pentecôte juive : lorsque Moïse avait reçu les tables de la Loi sur la montagne du Sinaï, il y avait eu des voix, des éclairs, le son d’un cor très puissant, un feu comme la fumée d’une fournaise, et un violent tremblement de terre ; le son et la lumière étaient tellement impressionnants que le peuple, qui était dans le camp en bas de la montagne, tremblait de peur.

Eh bien, la venue du Saint-Esprit rappelle le don de la Loi, et donc la venue du Saint-Esprit rappelle que Dieu a fait alliance avec son peuple et reste fidèle à cette alliance.

Jeanne, Dieu a fait alliance avec vous lors de votre baptême et aujourd’hui, en demandant la confirmation de votre baptême, vous entendez le rappel de cette alliance. Benjamin, Dieu fait alliance avec vous par le baptême que vous allez recevoir aujourd’hui.

Dans ce récit de la Pentecôte, le Saint-Esprit apparaît essentiellement comme un grand communicateur, et son action se transmet aux disciples : il les fait parler, et ce qu’ils disent est compris de chaque personne présente, quelle que soit la langue qu’elle parle.

Le Saint-Esprit fait parler et il fait entendre. C’est le fondement de toute communication réussie. Et c’est ce que rappelle notre liturgie avec la prière d’illumination avant la lecture des Ecritures et la prédication ; cette prière d’illumination demande à ce que le prédicateur et les auditeurs soient éclairés par le Saint-Esprit ; car, pour qu’il y ait Parole de Dieu, il ne suffit pas que les Ecritures soient lues, il faut encore qu’elles soient lues avec l’éclairage que donne le Saint-Esprit.

Oui, le récit de la Pentecôte est un véritable spectacle son et lumière, mais ces sons et ces lumières ne créent pas de désordre, au contraire, le Saint-Esprit permet de clarifier les choses, le Saint-Esprit a pour rôle de donner la compréhension et le discernement, et c’est ce qu’il fait ici, en donnant le discours et sa compréhension.

Si l’on ne garde pas à l’esprit que ce spectacle son et lumière n’est là que pour rappeler le don de la Loi à Moïse sur le Sinaï, on risque de faire un contresens sur le Saint-Esprit, parce que le Saint-Esprit intervient dans le croyant avec une grande discrétion et dans l’intériorité ; il révèle ce qui est déjà déposé en nous en nous faisant nous ressouvenir de tout ce qui est important, de tout ce qui vient de Dieu ; c’est une œuvre de clarification que fait le Saint-Esprit, et ce travail se fait dans le temps, avec une grande discrétion.

Donc si nous lisons ce récit de la Pentecôte sans prendre soin de le replacer dans son contexte culturel juif, nous risquons de faire un contresens sur la personne du Saint-Esprit, d’attendre des manifestations sonores et bruyantes. Mais ces manifestations sonores et bruyantes ne seront obtenues que par un mimétisme qui ne pourrait être que préjudiciable car non authentique.

Le Saint-Esprit vient dans le respect de chacun pour le rejoindre dans son identité. Dans l’Eglise, nous ne sommes pas appelés à l’uniformité, mais à l’unité dans la diversité, ce qui est tout autre chose. Chacun est respecté dans qui il est, et cela, c’est une des manifestations authentiques du Saint-Esprit, et c’est le contraire de la division.

Deux mille ans plus tard, en ce dimanche de Pentecôte, Jeanne, par la confirmation de votre baptême, et Benjamin, par le baptême que vous demandez, vous entrez dans cette grande chaîne de témoins qui vous relie à l’Eglise universelle, cette grande chaîne de témoins qui traverse l’espace et le temps. L’Esprit Saint vous aidera, comme il aide chacun d’entre nous, à vivre votre vie chrétienne dans la fidélité et dans l’audace de la foi.

Amen.

Bernard Mourou

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