Jean 1, 1-18 – Une lumière au coeur de la nuit

Nous l’avons attendue. Au cœur de l’hiver, au cœur de la nuit, la fête de Noël est maintenant là, avec ses lumières : ici, les bougies sur la couronne de l’Avent ; chez vous, les guirlandes du sapin ; dehors, les vitrines et les rues illuminées.

Certains esprits chagrins reprochent à cette fête de Noël d’être devenue une fête païenne n’ayant plus aucun rapport avec la fête chrétienne. Il est vrai que le sens de Noël n’est plus évident pour beaucoup de gens. Pourtant, les Noëls d’aujourd’hui nous rappellent une vérité évangélique : ils nous rappellent la présence de la lumière dans l’Ecriture : la lumière qui enveloppe les bergers la nuit dans les champs ; la lumière de l’étoile qui les guide vers la crèche.

Cette lumière, il en est aussi question dans ce prologue de Jean, proposé comme lecture en ce jour de Noël. Comme l’Evangile de Matthieu qui a été lu dimanche, le prologue de Jean aborde l’origine de Jésus.

Mais il l’aborde différemment : ici il n’y a pas de narration, pas de récit ; il n’est question ni de l’enfance ni de la famille de Jésus.

C’est un des textes les plus tardifs du Nouveau Testament. Il vient en introduction de l’Evangile, comme une hymne, c’est-à-dire un poème religieux.

L’auteur de ce prologue ne cherche pas l’origine de Jésus-Christ dans le monde de la Création. Même si le terme employé est celui de « genèse », le commencement dont il est question ici n’a rien à voir avec le commencement du monde tel qu’il est raconté dans le livre de la Genèse : il n’y a pas de récit, pas d’histoire.

Ce commencement n’a rien à voir non plus avec le récit de Matthieu ou de Luc, qui racontent la naissance et l’enfance de Jésus auprès de ses parents Marie et Joseph ; ici il n’y a pas de récit, pas d’histoire ; le prologue de Jean ne raconte rien, il n’est pas narratif comme le reste de l’Evangile.

Il nous montre simplement que Jésus-Christ est là avant la Création, mais il s’est aussi rendu présent dans cette Création. Jésus-Christ est là avant la Création. Et pourtant il a pris part à la nature de la créature en venant dans le monde. Il rejoint l’histoire humaine au moment où il s’incarne. Et la fête de Noël, c’est justement la fête de l’Incarnation.

Mais il ne faut pas se méprendre : Le texte de ce Prologue n’est pas simple, et dans une première lecture, il nous résiste. En fait, il reprend des termes utilisés dans la philosophie classique ou dans le stoïcisme.

Des termes qu’il ne sert à rien de vouloir analyser un par un : C’est une fausse piste. C’est une fausse piste parce que son auteur s’inscrit en faux contre toute spéculation philosophique. Il a un autre objectif : Il veut nous présenter une personne et nous inviter à la contempler.

En fait, l’auteur met en défaut tous les philosophes, et il le fait avec une grande audace : il le fait en se plaçant sur leur propre terrain.

Oui, ce texte, pour le comprendre, il faut le lire au second degré. Ici tous les mots de la philosophie ne trouvent leur sens ultime que dans la personne de Jésus-Christ. Tous les mots de la philosophie sont ternes au regard de la lumière qui émane de Jésus-Christ.

L’auteur nous dit en quelque sorte : Vous qui voulez savoir en quoi consiste la lumière et ce que signifie être éclairé, venez contempler Jésus-Christ. Vous qui voulez savoir en quoi consiste la vie et ce que vivre signifie, venez contempler Jésus-Christ. Ce texte est une critique subtile des philosophies connues, et le croyant le moins averti en matière de philosophie est aussi avancé que le penseur le plus éminent.

Une des philosophies du moment était la philosophie gnostique. C’était une philosophie dualiste, c’est-à-dire qu’elle voyait le monde comme le lieu d’un combat entre les forces du bien et les forces du mal : il y avait un dieu du bien et un dieu du mal. Cette philosophie exerçait une certaine fascination sur beaucoup de milieux chrétiens.

Les gnostiques employaient fréquemment ce terme de logos, que notre version traduit par le mot verbe, et que l’on peut rendre aussi par le mot parole. Le logos, c’est la Parole créatrice. Le logos est porteur de sens : c’est la faculté par laquelle l’être humain désigne les choses et les explique.

Or notre auteur nous dit que rien de ce qui existe ne peut renier son origine dans le logos : Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. Dire cela, c’est nier le fait qu’il y aurait un dieu du bien et un dieu du mal. Dire cela, c’est battre en brèche le dualisme de la philosophie gnostique.

La lumière, dans le Prologue de Jean, ne vient pas d’une philosophie. Cette lumière, c’est Jésus-Christ lui-même ; Jésus-Christ est lui-même la lumière. Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme.

Et Noël, c’est la venue de Jésus dans notre monde. Par sa seule présence, Jésus-Christ illumine chaque être humain.

En venant dans le monde, Jésus épouse notre humanité ; il vient nous rejoindre dans notre obscurité. Désormais nous ne sommes plus seuls dans nos ténèbres ; Jésus-Christ se révèle à nous sous la forme d’une parole accessible, d’une parole porteuse de sens, d’une parole qui nous fait vivre parce qu’elle ne nous condamne pas.

Bien sûr, en venant dans le monde, il a pris le risque d’être rejeté, et il l’a été. Mais ce Prologue de Jean nous rappelle que les ténèbres n’ont aucune prise sur la lumière et que là où la lumière brille, il n’y a pas de ténèbres. Oui, là où la lumière de Jésus-Christ brille, il n’y a pas de ténèbres. Sa présence fait disparaître les ténèbres.

Cette lumière de Noël, que nous rappellent les bougies, les guirlandes et les vitrines de nos rues, c’est la présence de Jésus-Christ dans notre monde, c’est la présence de Jésus-Christ dans nos vies. Dans le monde et dans nos vies, sa seule présence dissipe les ténèbres. Elle éclaire quiconque ne la refuse pas.

En ce jour de Noël, venons et contemplons Jésus-Christ, qui est la lumière de nos jours et donne un sens à nos vies.

Amen.

 

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