Jean 10, 11-18 Ecouter

 

Pasteur Bernard Mourou

La critique des chefs religieux apparaît très tôt dans l’histoire d’Israël, comme en témoigne le chapitre 34 d’Ezéchiel, qui dresse contre eux un véritable réquisitoire en les comparant à de mauvais bergers, des bergers qui ne se préoccupent pas des brebis dispersés dans les montagnes, à la merci des bêtes sauvages.

Notre texte prend appui sur ce passage pour montrer que Jésus, contrairement aux chefs religieux d’Israël, est le bon berger, ou pour être plus fidèle à la langue grecque, le beau berger, une expression qu’il faut comprendre dans le sens de celui qui convient à la situation, celui qui est compétent et qui sait répondre aux besoins du troupeau dont il a la charge.

Juste avant, Jésus s’était présenté comme la porte des brebis. Et puis sans transition notre texte est passé à  une autre image : celle du berger.

A première vue, nous pouvons penser que cette image de la porte n’a pas vraiment de rapport avec celle du berger.

Même si nous ignorons en partie comment les auteurs ont rédigé leurs évangiles, nous savons toutefois que, respectueux de l’héritage reçu, il leur arrive fréquemment d’utiliser des textes préexistants et de procéder à des assemblages en les collant bout à bout. Il ne faut donc pas nous étonner que parfois le lien entre ces différentes juxtapositions puisse nous échapper.

Mais pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de chercher leur point commun.

Le seul que nous pouvons trouver entre l’image de la porte et l’image du berger, c’est l’enclos dans lequel les moutons sont parqués la nuit. En effet, dans un enclos il y a forcément une porte qui permet de faire entrer les bêtes.

La nuit, les moutons étaient parqués dans des enclos pour être protégés des loups. Dans un même enclos, on rassemblait plusieurs troupeaux, appartenant à des bergers différents. Ce n’était pas le berger qui surveillait ses bêtes, mais un gardien, le mercenaire de notre texte. Et le matin, chaque berger venait récupérer les bêtes qui lui appartenaient.

Comme les bergers, ces gardiens assuraient eux aussi la protection des troupeaux qui leur étaient confiés, mais ils différaient des bergers sur un point : ils n’avaient pas la même proximité avec les bêtes.

Or, c’est la faille du système, car la nuit le danger est encore plus grand que le jour, dans la mesure où le loup est plus actif.

Ce détail est en cohérence avec les évangiles, où la nuit est toujours vue de manière négative. Jésus dit que la nuit, personne ne pourra plus travailler.

Quand le pire survient, quand un loup décime les troupeaux, il ne cherche pas la porte de l’enclos, mais il saute par-dessus la clôture, par effraction, et il a d’autant plus de chance de parvenir à son but si les bêtes sont mal gardées.

Mais ici je suis en train de parler beaucoup du loup, or bizarrement ce n’est pas ce que fait notre texte : il néglige complètement l’animal et se focalise sur l’être humain, en parlant de voleurs et de bandits.

Ce n’est pas innocent. Derrière ces expressions de voleurs et de bandits, ce sont effectivement des êtres humains qui sont visés. Il s’agit bien sûr les pharisiens, qui prônent des voies d’accès malhonnêtes au Divin, qui font croire aux gens que la vie religieuse, c’est d’observer scrupuleusement tatillonne toutes les injonctions qu’ils trouvent dans les Ecritures. Ils en ont dénombré 613.

Entre ces pharisiens et Jésus, il n’y a aucun point commun. Le message des pharisiens est de dire que le peuple doit appliquer scrupuleusement un grand nombre de commandements, alors que celui de Jésus consiste simplement à annoncer qu’il n’y a rien à faire pour obtenir salut parce qu’il est donné par Dieu.

Tout message religieux ne peut pas être mis sur le même plan parce que tout message religieux n’apporte pas forcément une libération. Seul Jésus-Christ a le message de la grâce.

Jésus est ce berger qui gardera les bêtes en sécurité parce qu’elles le reconnaissent.

Mais concrètement, comment cela se produit-il ? Est-ce qu’elles le reconnaîtront en le voyant ? Est-ce à travers ce qu’elles voient du berger : son apparence, ses vêtements ? Non. Ce n’est pas une affaire d’apparence, de physionomie ou de vêtements. En fait, c’est sa voix qui permet à ses bêtes de le reconnaître.

Oui, pour être en sécurité, les bêtes doivent savoir discerner la voix qui leur veut du bien. Cela nous rappelle que le tout premier commandement qui a été donné au peuple de Dieu, avant les Dix paroles (ce que nous appelons les Dix commandements), c’est le Shema Israël : Ecoute, Israël.

Mais si les bêtes connaissent la voix de leur berger, c’est parce qu’elles l’ont souvent entendue et qu’elles en ont l’habitude. Elles y parviendront au terme d’un long conditionnement.

Oui, ce qui fait la différence entre Jésus et les pharisiens, c’est une voix.

Grâce à leur faculté d’écoute, les bêtes seront en sécurité. Et cette sécurité leur permettra de vivre dans la liberté. Elles ne sont donc pas tenues de rester dans l’enclos : elles pourront entrer et sortir. C’est parce que Jésus est le véritable berger, celui qui délivre le message de la grâce, que nous jouissons de la liberté, comme les bêtes qui peuvent entrer et sortir par la porte, cette porte de la liberté que les pharisiens ignorent parce qu’eux n’ont pas expérimenté cette liberté.

Quant à nous, si nous sommes attentifs, nous saurons reconnaître cette voix qui nous veut du bien. Et si nous l’écoutons, nous serons en sécurité, nous pourrons vivre dans la liberté, et avec saint Augustin, nous pourrons dire : Aime, et fais ce que tu veux.

Amen

 

 

 

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