Jean 14, 1-12 – Un testament spirituel

Pendant trois ans, Jésus a accompagné ses disciples et les a enseignés, mais ils n’ont pas toujours bien compris ce qu’il leur disait. Et maintenant il sait que son temps est compté, que sa mort approche, alors il tente de leur redit alors l’essentiel. Nous avons donc ici un long testament spirituel, un condensé de la foi chrétienne, dont le texte de ce dimanche constitue une partie.

Dans ce testament spirituel, il ressort trois choses.

Même si les disciples n’ont pas tout compris, ils perçoivent confusément que leur compagnonnage avec Jésus est sur le point de se terminer. Juste avant, Jésus leur avait annoncé ce qui allait se passer pour lui : Je ne suis avec vous que pour peu de temps encore. Vous me chercherez, […] vous ne pouvez pas aller là où je vais.

Il est clair. C’est l’annonce d’une séparation radicale. L’aventure est bel et bien finie. A cette idée, les disciples sont profondément attristés, parce qu’ils aiment Jésus, et aussi parce qu’ils entrevoient la possibilité d’échec, l’échec de cette aventure qui devait conduire à sauver le peuple d’Israël. Ils avaient tout abandonné pour ce projet, ils avaient tout misé sur cet espoir, et voilà que ce départ annoncé vient tout compromettre.

Mais Jésus leur dit qu’il ne les abandonnera pas et qu’ils pourront même entrer avec lui dans une plus grande communion. Ils doivent juste lui faire confiance.

Dans ce testament spirituel, il y a une invitation à la confiance.

Et puis Jésus leur fait une promesse : la promesse d’avoir une place dans la maison de son Père, c’est-à-dire un place en sa présence. Avec humilité, Jésus prend le rôle d’un intendant qui part pour préparer à l’avance l’accueil de ceux qu’il sert. Il précède ses disciples.

Saint Augustin, dans ses Confessions écrira que notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Dieu. Ce lieu de repos auprès du Père, nous y avons accès en tout temps, par la foi. Nous sommes sur terre, mais nous avons auprès du Père un lieu de refuge où nous jouissons d’une protection spirituelle.

Le peuple hébreu, après être sorti d’Egypte, est entré dans la terre promise. Celui qui était chargé de cette lourde tâche, c’était Josué. Or, lorsqu’il était jeune, Josué habitait dans la tente de la Rencontre, le lieu de la présence divine. C’était la meilleure préparation possible, et par la suite, il a montré son courage et il a mené à bien la tâche qui lui avait été confiée.

Comme le dit aussi l’épître que nous avons lue : nous formons une maison spirituelle qui repose sur Jésus-Christ. L’important, ce n’est pas de copier la vie que le Christ a vécue, mais d’être en communion avec lui. Le théologien Karl Barth donne cette définition de la foi chrétienne : il dit qu’elle est un événement qui se produit dans la rencontre du croyant avec celui en qui il croit, c’est-à-dire dans la communion, et non pas dans l’identification avec cet objet.

Dans ce testament spirituel, il y a une exhortation, non pas à faire, mais à être, à entrer dans une communion.

Dans l’Evangile de Jean, Jésus déclare à sept reprises Je suis : je suis le pain de vie, je suis la lumière, je suis la porte, je suis le bon berger, je suis la résurrection et la vie, je suis le vrai cep. Et là, Jésus dit à ses disciples : je suis le chemin, la vérité et la vie. Chacune de ces affirmations nous rappellent l’épisode du buisson ardent, où Dieu se révèle à Moïse en disant : Je suis celui qui suis.

Avant d’être la vérité, Jésus-Christ est d’abord ce chemin qui nous relie au Père. Les premiers chrétiens l’avaient bien compris puisqu’ils appelaient la doctrine chrétienne la Voie. Cette image du chemin signifie que notre amour pour Christ, comme tout amour, ne se vit pas dans l’instant, mais dans la durée. C’est dans la durée, dans la traversée du temps, que se révélera cet amour.

Jésus nous indique donc une route, une voie, pour atteindre une vérité qui sera toujours au-delà de nous, et qui, par conséquent, nous échappera toujours. La vérité ne nous est pas donnée d’un seul coup, mais elle est devant nous. A mesure que nous marchons sur ce chemin, nous progressons toujours plus vers la vérité.

Il y a bien une vérité, mais cette vérité, nous ne pouvons pas l’accaparer, nous ne pouvons que l’approcher de plus en plus. Nos vérités ne sont pas relatives, mais elles sont partielles. Elles n’entrent pas en concurrence les unes avec les autres, mais elles se complètent et donnent son harmonie à l’Eglise, une harmonie qui n’est pas synonyme d’uniformité, mais de diversité.

Lorsque Jésus dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie, les trois mots qu’il emploie ne sont pas à mettre sur le même plan. Les termes de vérité et de vie ont ici valeur d’explication. Il veut nous dire : le chemin, c’est moi, parce que je suis la vérité et aussi la vie, le chemin, c’est moi, parce que je suis le chemin qui vous conduira à la vérité de votre vie. Ce n’est pas instantané : c’est l’affaire de toute notre existence.

Dans ce testament spirituel, il y a une mise en garde contre le désir d’avoir tout, tout de suite.

Les disciples ne comprennent pas tout ce que Jésus leur a dit à ce moment-là, les questions de Thomas et de Philippe le montrent bien, mais le Saint-Esprit, après la Pentecôte, leur rappellera tout cela et c’est seulement à ce moment-là qu’ils entreront dans leur héritage, parce qu’ils comprendront ce qu’il y a dans ce testament spirituel. Et nous qui avons le Saint-Esprit, nous pouvons nous aussi nous approprier ce testament spirituel, ce testament qui nous invite, parce que nous sommes en communion avec Dieu, une communion qui s’inscrit dans la durée.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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