Jean 14, 23-29 – Le Saint-Esprit

Le ministère de Jésus arrive à son terme, et les disciples se mettent à l’interroger. Il y a d’abord la question de Pierre qui l’interroge sur ce qui va se passer bientôt ; après vient celle de Thomas, à propos du chemin qui mène au Père ; puis celle de Philippe, sur la personne du Père ; et enfin celle de Jude, qui vient après toutes les autres. C’est notre passage : Jude pose la question de la révélation ; il veut savoir pourquoi la Révélation s’adresse seulement aux disciples et pas à tous, pourquoi le plus grand nombre ne reconnaît pas Jésus.

Comme pour les questions précédentes, on perçoit une inquiétude dans la question de Jude : l’inquiétude de voir que le message de Jésus n’est pas reçu par tous.

Cette fois-ci, Jésus va profiter de sa question pour parler non pas du Père ou de lui-même, mais du Saint-Esprit.

Nous parlons de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Si avons l’impression de savoir à peu près de qui nous parlons lorsque nous parlons du Père et du Fils, il n’en va pas toujours de même pour le Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit, on en parle peu. Et puis il y a parfois à son sujet un certain flou, et ce flou conduit parfois à dire à son sujet tout et n’importe quoi. Le Saint-Esprit, soit on n’en parle pas, soit on en parle mal.

Ici des choses importantes sont dites sur le Saint-Esprit. Jésus attire d’abord l’attention des disciples sur l’importance de la Parole, cette Parole extérieure à eux, cette Parole qui ne vient pas d’eux. Pour recevoir cette Parole, les disciples ne devront pas être remplis d’eux-mêmes, mais ouverts à ce qui peut venir les bousculer et leur faire voir les choses autrement.

C’est là qu’intervient le Saint-Esprit. Jésus l’appelle d’un nom nouveau, un nom qui n’apparaît que dans l’Evangile de Jean : le Paraclet. La plupart des traductions ne traduisent pas ce terme. Alors, que signifie ce terme en réalité ?

En grec, le mot paraclet ne renvoie pas au domaine religieux, mais au domaine juridique. Il désigne une personne que l’on appelle à son secours, et donc la personne à qui l’on s’adresse pour être défendu dans une action de justice : c’est-à-dire l’avocat. Le paraclet a pour rôle de parler en faveur de son client, en faveur de celui qu’il défend.

Pour que cette défense soit la plus efficace possible, il doit y avoir une identité de vues entre l’avocat et la personne qu’il défend. Un bon avocat est toujours un fin psychologue ; il doit pouvoir arriver à penser comme son client. Aujourd’hui, un avocat a une liberté totale pour défendre son client, il peut absolument tout dire, y compris des choses fausses, si son client choisit cette posture. Le Paraclet, c’est donc ce défenseur qui nous connaît parfaitement.

Puis Jésus apporte un autre élément : non seulement le Saint-Esprit sera un défenseur pour les disciples, mais pour eux il sera aussi un enseignant, il les enseignera.

Cet enseignement, le Saint-Esprit ne le donnera pas de lui-même, comme par magie, cet enseignement, il le donnera en se servant de ce que les disciples auront vécu. Il les fera se ressouvenir de tout. Le Saint-Esprit ne travaille pas à partir de rien ; par exemple, il arrive que le Saint-Esprit nous rappelle tel passage des Ecritures, mais il ne peut le faire que si auparavant nous avons lu ces Ecritures. Le Saint-Esprit opère un rôle de clarification. Le Saint-Esprit ne révélera pas aux disciples quelque chose qui n’est pas déjà en eux.

Avant l’ère de la photo numérique, je développais moi-même mes photos. Le moment que je préférais, c’était le moment où je plongeais le négatif dans le bain révélateur et où l’image apparaissait. Nous sommes comme un négatif : nous avons en nous des connaissances qui nous viennent de Dieu et qui nous sont cachées à nous-mêmes ; le Saint-Esprit est comparable à ce bain révélateur dans lequel le négatif est immergé pour que l’image soit révélée ; il est ce révélateur : il révèle ce qui est en nous et qui sans lui est illisible, caché. Le Saint-Esprit fait un travail de discernement à partir de ce qui existe déjà, il ne nous fait découvrir ce qui existait déjà en nous.

Le Saint-Esprit nous fait ressouvenir de ce qui vient de Dieu. Il n’est donc pas une force magique, qui serait à notre disposition, un peu comme dans le film La guerre des étoiles, où il y avait cette phrase culte : Que la force est avec toi.  Dans ce cas, le Saint-Esprit ne serait qu’une idole. Non, le Saint-Esprit n’est pas une force magique, et ce serait une erreur de nous dispenser de lire les Ecritures ou d’étudier. Le Saint-Esprit vient simplement mettre de l’ordre et de la clarté dans notre entendement. Le philosophe Paul Ricœur disait qu’apprendre, c’était reconnaître.

Le Saint-Esprit nous fait ressouvenir de ce qui vient de Dieu. Il n’est donc pas lié à nos sentiments. De même que la paix que Dieu donne n’est pas une paix qui n’est nécessairement perceptible au niveau des sentiments, de même le Saint-Esprit n’est pas nécessairement perceptible au niveau de nos sens. Nos sens sont incapables de percevoir Dieu. Souvent nous nous rendons compte de l’action du Saint-Esprit après coup, lorsque la mémoire a fait son travail.

Le Saint-Esprit nous fait ressouvenir de ce qui vient de Dieu. Il n’a donc rien à voir avec la spontanéité. Au contraire : Il se sert de la mémoire de l’homme. Il travaille dans le temps. Il travaille avec le temps. Il opère un travail de maturation.

Le Saint-Esprit n’est rien de tout cela. Le Saint-Esprit est dans cette communication des choses divines, parce que l’Ecriture seule n’est pas la Parole de Dieu : pour que l’Ecriture devienne Parole de Dieu pour nous, il faut qu’elle soit entendue à la lumière du Saint-Esprit. Pour qu’il y ait Parole de Dieu, il faut les Ecritures et le Saint-Esprit. C’est pour cela que dans notre liturgie, avant la lecture des textes et la prédication, il y a la prière d’illumination, qui demande que le Saint-Esprit éclaire le prédicateur et aussi l’assemblée : celui qui parle et ceux qui écoutent.

Le Saint-Esprit nous met simplement en relation avec la source divine. C’est pourquoi il est difficile de parler du Saint-Esprit : il s’efface lui-même lorsque cette relation est établie. Le Saint-Esprit est uniquement dans cette relation.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

 

 

 

Contact