Jean 15, 1-8 – La clef

 

Pasteur Bernard Mourou

Les évangiles se réfèrent souvent au monde de l’agriculture, et dans la Galilée de l’époque, la vigne en est une composante essentielle.

Sur un pied de vigne, où finit le cep, où commence le sarment ? Il n’est pas possible de séparer les deux. Si l’on veut distinguer nettement le sarment et le cep, il faut couper le sarment et alors on pourra montrer le sarment en tant que sarment. Mais il ne sera plus vivant et sèchera rapidement.

C’est par cette image concrète et bien connue que commence notre texte. Puis imperceptiblement, comme souvent dans cet évangile selon Jean, le discours devient plus abstrait et plus difficile. L’Evangéliste se met à répéter toujours les mêmes mots : il est question d’amour, d’amitié, de commandement, de joie, de fruit, et nous sommes vite un peu perdus, il faut bien le dire.

Pourtant, il vaut donc la peine d’essayer de comprendre ce texte difficile, parce qu’il y a une promesse à la clef.

Si nous lisons attentivement ce texte, nous voyons que parmi tous ces mots qui sont répétés, il y en a un qui revient plus souvent que les autres : le mot amour.

Même les personnes éloignées des Eglises savent comme nous que le christianisme est la religion de l’amour. Mais c’est une chose de le savoir et une autre de le mettre en pratique. Car aimer autrui s’avère difficile quand l’autre n’est pas aimable.

Mais si c’est difficile, ce n’est cependant pas impossible, et l’intérêt de notre texte, c’est que justement il nous donne une clef pour nous permettre de vivre cet amour dans les situations les plus difficiles.

Cette clef, c’est la connaissance que Jésus-Christ nous donne de son Père : Tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Oui, Jésus nous transmet ce qu’il a lui-même reçu de son Père et il nous donne ainsi une connaissance de qui est Dieu.

Cette clef implique une obéissance, mais pas une obéissance servile, non, une obéissance intelligente, fondée sur l’écoute. Voilà pourquoi Jésus nous appelle ses amis.

A l’époque, la société reposait sur l’esclavage. Quand on ne faisait pas partie des hommes libres, on obéissait à un maître, on exécutait ses ordres, sans forcément chercher à les comprendre.

Au contraire de l’esclavage, l’amitié qui est évoquée dans ce texte est raisonnée. Deux amis savent pourquoi ils s’apprécient. Ils ont libres et ils peuvent formuler les raisons de leur amitié avec des mots.

L’amitié implique la fidélité. Ainsi, notre foi s’enracine dans des habitudes : par exemple l’habitude de fréquenter un lieu de culte, de lire la Bible, ou encore de prier.

La répétition de certains actes n’est pas obligatoirement une crispation sur ce qui a disparu. Elle peut être vécue différemment, comme un désir qui se renouvelle. Il s’agit alors de vouloir encore et toujours ce que nous avons déjà voulu une première fois. Si l’habitude a pour origine un désir véritable, elle ne sera pas sclérosante, mais créatrice d’autre chose.

Pour parler de cette nouvelle relation que Jésus-Christ instaure entre ses disciples et son Père, il est fait référence à la relation qui existe entre des amis, c’est-à-dire sur cette notion de liberté.

Cette connaissance résulte d’un nouveau commandement, qui consiste à nous aimer les uns les autres. Il se fonde sur une présence et sur une Parole. Il ne s’agit plus de faire, mais d’être, en écoutant cette Parole qui nous permet de rester reliés au cep.

Jésus ne demande pas à ses disciples de reproduire ses faits et gestes, de répéter servilement l’existence qu’il a menée sur terre, mais d’imiter la relation d’intimité et d’écoute qu’il avait avec son Père.

Dans cette relation d’amitié, Jésus insiste sur l’importance qu’il y a à demeurer dans son amour. Le verbe demeurer suggère à la fois l’idée d’une présence et celle d’une continuité.

Cette relation d’intimité avec Dieu ne restera pas sans effets : elle sera tôt ou tard source de joie. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.

Pour les prophètes de l’Ancien Testament, cette joie était le signe du salut qui devait advenir les derniers temps. Dans le livre d’Esaïe nous trouvons cette exclamation : C’est dans la jubilation que vous sortirez, et dans la paix que vous serez entraînés. Sur votre passage, montagnes et collines exploseront en acclamations, et tous les arbres de la campagne battront des mains.

Depuis la mort et la résurrection de Jésus-Christ, nous sommes entrés dans ce dernier temps, qui est un temps de joie.

Il ne s’agit pas de faire des activités pour trouver notre identité dans ce que nous faisons, mais tout simplement d’être, parce que nous avons déjà reçu de Dieu notre identité de filles et de fils.

Dans ce texte il est question d’une relation, de cette relation qui s’établit entre le Père, le Fils et nous. Il y a le Père, il y a nous, et entre les deux il y a Jésus, qui  fait le lien. Jésus est ce maillon indispensable qui nous empêche de nous refermer sur nous-mêmes.

Car si le manque d’amour est le début de tout désordre, sa présence est le fondement d’une vraie harmonie. C’est ce que notre texte nous propose d’atteindre.

Nous ne sommes pas nous-mêmes la source de l’amour et c’est ce qui explique nos difficultés à aimer les autres. Mais si nous sommes connectés à la source de l’amour par la connaissance que Jésus-Christ nous donne du Père, nous pouvons espérer pouvoir faire passer à travers nous cet amour de Dieu qui est le fondement du christianisme.

Amen

 

 

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