Jean 20, 19-31 – Apparitions

 

Pasteur Bernard Mourou

Xavier vient de recevoir le baptême. Il est arrivé au bout d’un assez long processus, celui de la catéchèse : il y a eu l’école biblique, puis le caté. Et pourtant, pour lui ce jour ne marque pas la fin de quelque chose, mais un début. Le baptême, c’est l’entrée dans une nouvelle vie.

Alors voyons ce que le texte d’aujourd’hui, qui parle de la résurrection de Jésus, peut nous dire sur la vie de tout  baptisé : celle de Xavier, pour qui c’est un événement tout récent, et pour nous, qui avons reçu le baptême il y a plus ou moins longtemps.

Le matin, dans notre récit, trois disciples ont vu un tombeau vide, c’étaient Marie Madeleine, Pierre et Jean. Puis Marie a eu une apparition de Jésus-Christ.

Mais il ne faut pas oublier les autres disciples. Où en sont-ils ? Eh bien ils ne vont pas très bien.  Ils s’inquiètent pour leur sécurité. Ils se disent que si leur Maître a été mis à mort, cela pourrait bien être bientôt leur tour. C’est pourquoi ils préfèrent ne plus sortir de chez eux et ils verrouillent toutes les portes de la maison.

Et là, dans cette maison dont toutes les issues sont fermées, Jésus se rend présent à eux. Cette apparition se révèle très différente de celle qu’a eue Marie Madeleine le matin même. Elle avait d’abord pris pour le jardinier et il lui avait fallu un certain temps pour reconnaître Jésus. Ici, les disciples le reconnaissent tout de suite.

Nous voyons qu’après la découverte du tombeau vide, c’est une même logique qui conduit le texte. Dans la mesure où la réalité matérielle se révèle insuffisante pour parler des choses spirituelles, l’Evangéliste écarte de son récit les phénomènes observables. Ici nous n’avons pas la description d’un phénomène physique.

L’Evangéliste montre que désormais Jésus-Christ n’est plus soumis à la finitude de l’existence humaine à laquelle il a été soumis pendant son séjour sur terre. Les disciples n’ont plus un rapport immédiat à Jésus-Christ. Le temps et la mémoire font leur œuvre et sont désormais une composante essentielle de cette relation.

C’est pourquoi dans les Evangiles le Ressuscité n’apparaît qu’à des croyants, et que des divergences se font jour entre les différents récits d’apparitions. Les évangiles selon Matthieu et selon Luc racontent deux apparitions : chez Matthieu Jésus-Christ apparaît à deux femmes, puis aux autres disciples ; chez Luc il apparaît à deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, puis aux autres disciples ; L’évangile selon Marc, quant à lui, rapporte trois apparitions qui relèvent d’un aout tardif.

Ces divergences nous montrent que les apparitions du Ressuscité ne sont pas des faits objectifs, mais des manifestations de la foi.  Elles ont une signification spirituelle.

Cherchons donc la raison de cette apparition.

Elle a lieu le premier jour de la semaine, c’est-à-dire un dimanche, le jour du rassemblement liturgique hebdomadaire. Lorsque cet évangile selon Jean est rédigé, à la fin du Ier siècle, le dimanche est en effet devenu le jour de la Résurrection. Et même si nous avons tendance à l’oublier il a toujours la même signification : chaque culte de l’année vise à nous rappeler la mort et la résurrection du Christ.

C’est donc au moment où les chrétiens sont rassemblés que  Jésus-Christ se rend présent à eux d’une manière inhabituelle. Pour nous aussi, lorsque nous nous rassemblons, le Christ se rend présent d’une manière particulière, même s’il est bien sûr toujours à nos côtés.

Mais cette apparition ne se réduit pas à une vision : Jésus-Christ adresse une parole aux disciples. Il leur dit : la paix soit avec vous, shalom. C’est une salutation de tous les jours, comme lorsque nous disons bonjour. Mais derrière cette salutation banale se cache aussi une annonce de paix, qui est le sens du mot shalom.

Et pour que cette salutation ne passe pas inaperçu, Jésus-Christ la répète deux fois. Elle fait passer les disciples de la peur à la joie. C’est seulement après cette double annonce qu’il envoie ses disciples en mission en faisant souffler sur eux le Saint-Esprit et en leur donnant le pouvoir remettre les péchés, c’est-à-dire la légitimité d’annoncer à leur tour cette paix qui vient de Dieu.

Cette apparition a donc un effet bénéfique sur les disciples, sauf que… l’un manque à l’appel.  Thomas  n’est pas là.

Il vit donc maintenant en décalage et bien sûr il n’arrive pas à partager leur joie. C’est comme s’il se trouvait quelque peu exclu du groupe.

Huit jours plus tard, les portes de la maison sont toujours verrouillées. C’est alors que les disciples ont une nouvelle apparition, et cette fois-ci Thomas est là. Huit, c’est le chiffre de la plénitude et de la résurrection.

Dans cette apparition, Jésus-Christ porte les traces des clous. C’est une manière pour l’Evangéliste de nous montrer qu’il y a un lien entre la crucifixion et la résurrection.

Jésus-Christ répète cette salutation – c’est la troisième qu’il la prononce : shalom, la paix soit avec vous.

Dès que Thomas entend cette parole, il n’a plus besoin de preuves et il confesse Jésus-Christ comme son Seigneur et son Dieu. Dès lors, il fait de nouveau partie intégrante du groupe.

Deux mille ans après ces événements, nous sommes dans la même situation que Thomas : nous n’avons pas vu le Ressuscité. Thomas personnifie les croyants des générations à venir. Personne parmi nous n’a vu le Ressuscité. Nous sommes de ceux qui n’ont pas vu mais qui ont cru. Thomas nous permet d’être sur un pied d’égalité avec les premiers disciples.

Comme le Christ a pu rejoindre les disciples enfermés dans leur maison, il peut nous rejoindre dans tous nos enfermements et nous emmener vers la liberté.

Cette apparition de Jésus-Christ aux disciples n’a pas sa fin en elle-même : elle vise à les envoyer pour qu’ils annoncent le message évangélique. Aujourd’hui, c’est la même chose qui se joue dans nos rassemblements liturgiques : le Christ, par le Saint-Esprit, nous donne la paix et fait de chaque baptisés le témoin de ce message libérateur.

Amen

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