Jean 4,1-42 – Une rencontre improbable

Samedi 24 janvier 2015 – Eglise des Siéyes à Digne

Prédication du pasteur Bernard Mourou

Jésus et la Samaritaine, c’est l’histoire d’une rencontre improbable. 

Nous retrouvons Jésus sur les chemins, mais cette fois-ci il traverse la Samarie, une région problématique pour les juifs. 

De par sa situation géographique, la Samarie était le passage obligé pour aller de Galilée en Judée, mais pour les juifs, c’était un objet de soucis et de contrariétés : les Samaritains étaient une population mélangée qui avait une religion abâtardie, une religion qui avait gardé certains traits communs avec le judaïsme, mais qui s’en écartait aussi, par exemple par le choix du mont Garizim comme centre cultuel. Et même si les Samaritains vivaient au milieu de vestiges qui rappelaient l’histoire d’Israël, comme ce puits de Jacob, cela ne diminuait en rien le mépris dont ils étaient l’objet, au point que pour un juif, traverser la Samarie, c’était prendre le risque de se rendre impur.

Mais voilà que Jésus, ici, traverse la Samarie. Le voyage a été fatigant et il fait une pause. Il a soif, il n’a pas mangé, la lumière est éblouissante et il est seul – les disciples sont peut-être allés chercher de quoi manger. 

D’ordinaire, un juif n’adresse pas la parole à une femme, et encore moins à une samaritaine. Et si les Samaritains étaient méprisés, cette femme l’était doublement : elle était méprisée par les juifs, en tant que Samaritaine, et elle était aussi méprisée par ses propres coreligionnaires, à cause des compagnons successifs qu’elle a eus. C’est pour ça qu’elle vient chercher de l’eau à midi, au moment de la journée où les gens restent chez eux, à l’abri de la lumière et de la chaleur, le seul moment où elle est sûre d’éviter les mauvaises langues.

On n’adresse pas la parole à une telle femme. C’est inconvenant. Mais Jésus a soif, et son humilité lui permet de transgresser tous les codes sociaux : très naturellement, il lui demande à boire, ce qui provoque chez elle une grande surprise. 

Quand on parle de la Samaritaine, c’est souvent cet aspect-là qu’on retient, celui d’une femme à la vie dissolue, mais on a tendance à passer sous silence un autre aspect de ce personnage, tout aussi important, sinon plus : le grand respect dont elle a fait preuve. 

Dans la surprise de cette femme, on peut voir une méfiance, mais on peut voir aussi, plus probablement, une marque de respect et une grande prévenance à l’égard d’un inconnu : on s’en rend compte lorsqu’elle dit à Jésus qu’il n’a rien pour puiser.

Pour bien comprendre, il faut rappeler ici un détail de la vie quotidienne : la suspicion des juifs envers les Samaritains était si totale qu’elle concernait même leurs récipients : un juif considérait que s’il utilisait le récipient d’un Samaritain, ça le rendait impur.

On comprend alors pourquoi cette femme relève le fait que Jésus n’a pas de récipient : elle est consciente que s’il utilisait son récipient à elle, il deviendrait impur aux yeux de ses coreligionnaires. 

Oui, bien que samaritaine, par cette attitude de grand respect, cette femme montre qu’elle est toute prête à reconnaître Jésus comme le Fils de Dieu. 

Mais pour cela, il va falloir qu’elle change son regard et ses priorités. Et c’est à cela que Jésus va s’employer tout au long de la conversation qu’il aura avec elle. 

Plus que pour n’importe quelle autre femme, aller chercher de l’eau est une véritable corvée. Cette eau est devenue le centre de ses préoccupations, elle occupe toutes ses pensées. Alors, Jésus cherche à déplacer son attention, à changer sa manière de voir. Et c’est quand elle ne sera plus focalisée sur cette eau à aller chercher, qu’elle pourra recevoir la vie.

Au cours de la conversation, le regard de cette femme sur Jésus change. Cela se fait graduellement : elle voit d’abord Jésus comme un juif, probablement à cause de son apparence ; puis elle l’appelle Seigneur, ce qui est une simple marque de respect et n’a pas une connotation religieuse ; après elle se rend compte du mystère qui entoure sa personne ; ensuite elle l’appelle prophète, c’est-à-dire qu’elle discerne chez lui une dimension religieuse ; et enfin elle croit bien reconnaître en lui le Christ, c’est-à-dire l’objet de toutes ses attentes, parce que les Samaritains avaient ceci de commun avec les juifs qu’ils attendaient eux aussi la venue d’un Messie. 

Ce récit de la Samaritaine nous parle, aujourd’hui, dans le contexte de notre célébration œcuménique, parce qu’au cœur de ce récit, il y a cette notion de respect : malgré ses origines et sa vie chaotique, cette femme a su faire preuve d’un très grand respect face à la différence, face à l’autre avec un grand A, et ça lui a fait changer sa manière de voir. 

Il en va de même pour nous, chrétiens de différentes confessions, catholiques, orthodoxes, protestants, nous qui sommes réunis aujourd’hui dans cette église de Digne : Le respect que nous saurons avoir les uns à l’égard des autres, le respect de nos différences, changera notre manière de voir, pour que nous puissions toujours plus recevoir cette eau dont parle Jésus, cette eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.

Amen.

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