Jean 6, 24-35 – Nourriture spirituelle

 

Pasteur Bernard Mourou

Le passage de l’Evangile que nous avons lu est précédé par un récit célèbre où Jésus multiplie les pains, quand Jésus a nourri une foule immense, de plusieurs milliers de personnes, avec les cinq pains et les deux poissons d’un jeune garçon. Il a calmé la faim de toute cette foule. L’évangéliste en avait fait un signe, c’est-à-dire qu’il lui a donné une signification spirituelle.

Et puis ses disciples traversent le lac de Galilée. Jésus les rejoint. Mais le lendemain, sans que l’on sache vraiment comment, la foule est parvenue à les trouver.

Cette foule s’étonne de voir Jésus parvenu déjà de l’autre côté du lac et lui demande quand il est arrivé là.

Jésus répond à côté de leur question, il déplace le propos de la nourriture matérielle à la nourriture spirituelle : Ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété. Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle. L’important pour Jésus, ce n’est pas d’être vu comme celui qui a donné une nourriture matérielle, mais comme celui qui peut donner une nourriture spirituelle.

Ici il est question de la faim de la foule comme il était question de la soif lorsque Jésus était entré en dialogue avec une femme samaritaine au bord d’un puits deux chapitres plus tôt.

La faim et la soif, ces deux besoins vitaux de l’être humain, peuvent être compris dans un sens matériel comme dans un sens spirituel, et les deux récits jouent sur cette ambiguïté.

Dans notre texte il est donc question de nos besoins vitaux. L’être humain est confronté à la fois à la faim matérielle et à la faim spirituelle. Mais de la seconde il n’est pas toujours conscient. Jésus part du domaine matériel, plus facile à comprendre par tous, pour aller vers le domaine spirituel.

Alors Jésus explique à ces gens ce qu’ils doivent faire prendre conscience leur faim spirituelle.

Mais quand l’évangéliste fait dire à Jésus qu’ils doivent travailler à l’œuvre de son Père, ils ne comprennent pas, ils croient qu’il s’agit de faire quelque chose pour Dieu. L’être humain a toujours tendance à croire qu’il doit faire quelque chose pour avoir la faveur de Dieu.

Alors Jésus reste sur cette question. Il leur explique qu’ils n’ont pas besoin de faire quelque chose, mais juste de croire en lui.

En effet, pour eux comme pour nous, il ne s’agit pas de faire quelque chose pour Dieu, mais d’être à même de recevoir ce pain venu du ciel qui nous est promis comme un don. L’œuvre de Dieu c’est de croire en Jésus-Christ. Cela suffit.

L’évangile est un prolongement du Premier Testament. Notre texte établit un parallèle avec la manne qui a été donnée aux Israélites dans le désert dans le livre de l’Exode.

La manne était une nourriture étrange, bizarre. Le mot manne vient de l’hébreu man hou, qui signifie qu’est-ce que c’est ? Comme la manne, la nourriture spirituelle que nous donne le Christ peut nous paraître étrange, elle aussi.

La manne était une nourriture insipide. Comme la manne, la nourriture spirituelle que nous donne le Christ est moins attrayante que ce à quoi nous sommes habitués.

Mais la manne a permis aux Israélites de subsister. Comme la manne, la nourriture spirituelle que donne le Christ nous permet de subsister.

Qu’est-ce que ce pain spirituel signifie pour nous aujourd’hui ? L’apôtre Paul écrivait aux Romains : La foi vient de la prédication et la prédication, c’est l’annonce de la parole du Christ.

Cette affirmation s’inscrit dans le droit fil de ce qui nous est dit de la manne dans le livre du Deutéronome : Dieu t’a fait avoir faim et il t’a donné la manne que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te faire connaître que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur – de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur.

Il y a un lien manifeste entre nourriture spirituelle et Parole que Dieu nous adresse par le Christ. La Parole de Dieu ne doit pas être confondue avec la Bible, comme le font parfois à tort certains protestants. La Parole de Dieu, c’est le Christ lui-même, dont la Bible témoigne. C’est lui qui nous permet de subsister, qui nous maintient en vie, dans le désert du monde, comme les Israélites ont subsisté à travers leur long périple.

Dans le culte, cette Parole se manifeste de deux manières : c’est  la parole de la prédication – ce que les Réformateurs appelaient la parole audible, et c’est aussi la parole de la Sainte-Cène – ce que les Réformateurs appelaient la parole visible.

Dans les toutes premières années de l’Eglise, les chrétiens rappelaient le Dernier repas en participant à de véritables repas en commun. Mais comme très vite il y a eu des excès, on a séparé le sacrement lui-même, pris sous la forme du pain et du vin, du repas en commun. Paul les évoque déjà dans sa Première épître aux Corinthiens.

Tout à l’heure nous allons partager la sainte Cène et, comme le dit notre liturgie, par la foi et l’action du Saint-Esprit le pain et le vin deviendront les signes de la présence de Christ parmi nous.

Dieu nous parle de nombreuses manières et aussi lors du culte. Nous y recevons la parole audible de la prédication et la parole visible du sacrement. Cette nourriture spirituelle moins attrayante que d’autres sollicitations, mais elle étanche véritablement notre faim et notre soif spirituelles.

Amen

 

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