Marc 1,21-28 – L’autorité de Jésus

Dimanche 1er février 2015 – Chapelle de Sisteron – Temple de Digne

 

Prédication du pasteur Bernard Mourou

 

Jésus vient d’appeler ses premiers disciples. Maintenant il commence son ministère. Chaque Evangéliste a sa propre manière d’aborder ce début de ministère. Nous allons voir comment l’Evangile de Marc procède.

Jésus se trouve chez lui, en Galilée, à Capharnaüm, une localité qui vit de la pêche sur les rives du lac de Tibériade. Capharnaüm, c’est un peu sa ville. C’est là qu’il reviendra avec ses disciples après chacun de ses déplacements missionnaires. 

Et là, dans cette localité de Capharnaüm, le jour du sabbat, Jésus va dans la synagogue. C’est le lieu le plus approprié, le plus naturel, pour aborder les questions religieuses. Et en plus, la synagogue de Capharnaüm, c’est un peu sa synagogue.

Et là, dans cette synagogue, on lui donne la parole, comme c’était l’usage : le jour du sabbat, on avait l’habitude de lire les Ecritures, puis on invitait un des participants à en faire un commentaire. Il n’y avait donc pas que les scribes qui pouvaient prendre la parole dans une synagogue. Mais ils sont quand même là. Ils sont là pour nous faire comprendre quelque chose d’essentiel à propos de Jésus.

Cette différence essentielle entre Jésus et les scribes, c’est leurs façons d’enseigner qui va la révéler : De Jésus, l’Evangéliste nous dit que les gens étaient frappés par son enseignement, parce qu’il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Oui, ce qui caractérise Jésus, c’est son autorité, qui contraste avec celle des scribes. Mais dire cela nous amène à nous poser une question cruciale : si Jésus avait cette autorité, pourquoi a-t-il connu l’échec ? Pourquoi n’a-t-il pas convaincu tout le monde ? Pourquoi a-t-il été condamné ?

Si cette question surgit, c’est parce que notre société a une conception confuse de l’autorité. Pour nous aujourd’hui, celui qui a de l’autorité, c’est celui qui impose efficacement ses idées aux autres, celui qui arrive à ses fins. 

Notre confusion par rapport à l’autorité tient au fait que, aujourd’hui, nous avons tendance à confondre autorité et pouvoir. Jésus avait de l’autorité, mais il s’est heurté aux pouvoirs établis. En fait, Jésus a de l’autorité, mais il n’a pas de pouvoir. Le pouvoir, vous vous souvenez, il y a renoncé lors de la tentation au désert.

En quoi Jésus avait-il de l’autorité, et quelle était son autorité ? 

Dans ce récit, l’autorité de Jésus ne vient pas du miracle qu’il fait, de cet exorcisme qui frappe les imaginations. Bien sûr, les gens présents dans la synagogue ce matin-là sont frappés de son autorité après avoir vu ce miracle, mais l’Evangéliste prend bien soin de nous dire avant que Jésus avait cette autorité, et que cette autorité était liée à son enseignement. 

Jésus parle avec autorité à l’esprit impur. C’est parce que Jésus a cette autorité qu’il fait ce miracle, et non parce qu’il fait ce miracle qu’il prend de l’autorité. Son autorité vient de son enseignement. Ce qui fait la différence, ce ne sont donc pas ses miracles, mais ses paroles.

Pour un premier miracle, Jésus ne commence pas avec ce qu’il y a de plus facile. L’homme qui a cet esprit impur est agressif et irrespectueux : il est irrespectueux d’abord vis-à-vis des membres de sa communauté en parlant en leur nom et il est irrespectueux envers celui qui est habilité par la synagogue à commenter les textes ; qui est-il pour dire : Que nous veux-tu ? Ensuite il continue avec un discours confus, qui rappelle celui des gens atteints de troubles psychiques. Mais à l’époque, on avait une autre façon de lire la réalité et on employait d’autres catégories et on parlait d’esprits. 

Cet homme affirme des choses contradictoires : Tu es venu pour nous perdre et Tu es le Saint de Dieu. Jésus aurait pu expliquer à cet homme, sur un mode rationnel, ce qu’il en était. Mais non, il se garde bien d’entrer en débat avec cet homme, parce qu’on ne discute pas avec un fou. Aux propos de cet homme, il ne répond pas par des arguments, mais par un ordre : Tais-toi ! Sors de cet homme ! 

Non, Jésus n’argumente pas comme auraient pu le faire les scribes, mais il ordonne, et sa parole est suivie d’effets. En linguistique, on parle d’une parole performative, c’est-à-dire d’une parole qui fait ce qu’elle dit. Le livre d’Esaïe insiste sur le fait que la parole de Dieu ne revient pas à Dieu sans avoir produit d’effet, sans avoir réalisé ce qu’il voulait, sans avoir atteint le but qu’il lui a fixé

La confusion que l’on fait aujourd’hui dans notre société entre autorité et pouvoir donne à beaucoup de nos concitoyens un regard critique sur notre société et sur ceux qui y exercent des responsabilités : on déplore que plus personne n’ait d’autorité et on demande des « leaders » charismatiques. 

Pourquoi en est-on arrivé là ? Eh bien, justement, l’autorité qu’avait Jésus répond à cette question. Jésus était tout le contraire d’un « leader » charismatique : il ne tenait pas son autorité de lui-même, mais de son Père céleste ; il avait une vraie autorité.

La vraie autorité s’appuie toujours sur autre chose que sur la personne qui l’exerce ; elle repose toujours sur quelque chose d’extérieur à l’être humain : elle peut reposer sur des valeurs, quand il y en a encore ; elle peut reposer sur une histoire commune, quand on a encore un intérêt pour le passé ; elle peut reposer sur une religion, et c’est pour cela que le monde politique a souvent cherché à récupérer la religion pour asseoir son pouvoir. 

Mais dans une société où les institutions sont mises à mal, celui qui occupe une position d’autorité a de plus en plus de mal à s’appuyer sur elles. Les institutions sont défaillantes et jouent moins bien leur rôle.

L’autorité de Jésus ne vient pas de lui-même, mais elle s’appuie sur le meilleur fondement qui soit : son Père céleste, c’est-à-dire Dieu lui-même. Voilà la grande différence. Les scribes, eux, se sont enfermés en eux-mêmes et dans leur propre compréhension des textes. Dans les études qu’ils en font, ils n’ont pas de regard pour la transcendance, ils se privent ainsi d’un regard extérieur à eux-mêmes, et c’est pour cela que leur enseignement est confus, sans pertinence : ils sont incapables d’en dégager un sens qui soit évident pour tous. Ils ne sont attentifs qu’à ce que pensent leurs semblables, on s’en rend bien compte en lisant le chapitre 11 de cet Evangile.

Avec Jésus, c’est différent : ce qu’il dit ne vient pas de lui-même. Son message est clair, simple, limpide : c’est le message de la grâce qui annonce que Dieu est amour et qu’il pardonne. Nous devons veiller à ne pas reconnaître et à ne pas exercer quelque forme d’autoritarisme que ce soit, mais à ne reconnaître et à n’exercer qu’une seule forme d’autorité : celle que Jésus nous as apprise, une autorité qui ne prend pas son origine dans l’être humain, mais en Dieu.

 Amen.

 

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