Luc, 1, 26-38 – Marie

Les pages de la Bible nous parlent de Dieu et de l’humanité. Elles nous font découvrir un Dieu qui parle, un Dieu qui adresse un appel. Et lorsque cet appel trouve une réponse, alors une relation s’établit.

Et s’il y a un passage où cette réponse est la plus manifeste, c’est bien dans ce récit de l’Annonciation, lorsque Marie répond à l’appel que Dieu lui adresse par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Oui, nous laissons aujourd’hui Jean-Baptiste, qui nous a accompagnés pendant ce temps de l’Avent, pour nous intéresser aujourd’hui à Marie, un personnage bien différent.

Nous, les protestants, nous parlons peu de Marie, parce que nous sommes assez mal à l’aise avec la piété mariale, ou du moins avec une certaine forme de piété mariale qui fait intervenir les médailles miraculeuses ou les statues dans les processions. Notre foi protestante s’exprime d’une tout autre manière.

Mais il serait dommage que cette piété populaire nous détourne de Marie telle qu’elle apparaît dans l’Evangile, parce que, j’en suis convaincu, la façon dont Marie accueille la Parole de Dieu ne peut que renforcer les protestants dans leur foi.

Pour cela, voyons comment l’Evangéliste nous raconte cette scène de l’Annonciation.

D’abord, Marie n’a pas l’initiative de ce dialogue, c’est Dieu qui en a l’initiative, par l’intermédiaire de l’ange Gabriel.

Lorsque l’ange Gabriel vient à la rencontre de Marie, elle est fiancée à Joseph, ce qui signifie qu’elle est toute jeune et qu’elle habite encore dans la maison de ses parents, à Nazareth en Galilée, une région qui, vous vous souvenez, était l’objet d’un grand mépris. Marie est donc une jeune fille sans importance.

Sa réalité quotidienne la plus humble qui soit : elle habite dans une bourgade modeste, dans une région de second ordre, elle vit dans une famille toute simple, et même la salutation de l’ange est d’une grande banalité – dans le monde grec, « kairé », qui veut dire « Réjouis-toi ! », était une salutation aussi fréquente en grec que l’était le « shalom » en hébreu.

Et pourtant, rien n’est moins banal que cette scène de l’Annonciation. Même s’il s’agit d’une salutation courante, par ce simple mot, c’est une parole de Dieu qui est adressée à Marie.

Et Marie ne s’y trompe pas : après un moment de surprise, elle s’interroge sur la signification de cette salutation, elle en cherche le sens ultime. Elle montre par là qu’elle est attentive à l’action de Dieu dans sa vie et qu’elle s’apprête à y répondre.

L’interrogation de Marie sur cette salutation banale la conduit à y discerner une invitation à la joie : Marie dira plus loin : « Mon esprit a tressailli de joie en Dieu mon Sauveur ».

Le début de cet Evangile insiste sur la joie, un mot qui revient quatre fois. Et la joie de Marie vient du fait qu’elle a entendu une parole de Dieu et qu’elle est prête à accueillir le projet de Dieu pour elle.

Ce qui ôte à cette scène son caractère banal, c’est l’attitude de Marie : Marie est dans une attitude d’accueil qui n’a rien d’ordinaire.

Il faut dire que la parole que Dieu lui adresse n’est pas ordinaire non plus : elle annonce que Marie, une jeune fille insignifiante, par la seule intervention de Dieu, donnera naissance au Messie attendu. Et devant une promesse si surprenante, Marie prononce ces mots qui témoignent d’une confiance totale en déclarant : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

Oui, l’attitude de Marie est une réponse parfaite à la parole de Dieu pour elle, et elle n’est rien d’autre que cela.

Dans l’histoire, on a cherché à magnifier le personnage de Marie, et on a dit d’elle, suivant une traduction malheureuse, qu’elle était « remplie de grâce », comme si Marie était une sorte de divinité féminine.

Mais non, ce n’est pas le sens de l’expression utilisée ici. Marie ne possède pas en elle-même un pouvoir extraordinaire : ce qui la rend extraordinaire, c’est seulement sa disposition à accueillir cette parole de Dieu, à lui faire une place dans son cœur, et c’est cette parole de Dieu qui est extraordinaire.

Ce que cette expression veut dire, c’est que Marie est comblée par la grâce de Dieu simplement parce qu’elle a su l’accueillir. Marie ne possède rien en elle-même, tout ce qu’elle a, elle le reçoit de Dieu.

C’est en cela que le personnage de Marie peut parler aux protestants que nous sommes.

Marie a été choisie parce que le regard de Dieu n’est pas celui des hommes. Nous, nous avons tendance à être attirés par les paillettes, par ce qui saute aux yeux, mais il n’en va pas ainsi de Dieu : Dieu porte toute son attention sur l’humilité et la discrétion de Marie dans son humble bourgade de Galilée. Nous nous rappelons cette phrase du Petit prince : On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

Lorsque Dieu vient dans notre histoire, il rejoint nos réalités quotidiennes les plus banales, mais sa présence empêche que nos circonstances de vie restent dans cette banalité. Sa parole et notre réponse transfigurent nos vies et nous sauvent de la banalité du quotidien.

Noël que nous fêterons dans quelques jours vient nous rappeler que Dieu vient nous rejoindre dans la banalité de nos existences.

Noël, c’est la fête de l’Incarnation.  Ce n’est pas un Dieu Tout-Puissant qui est venu dans notre monde, mais un enfant. Et celle qui a rendu cela possible, c’est Marie. Elle a su répondre à un appel, elle a su accueillir la parole de Dieu, cette parole qui n’est pas une suite de mots dans un livre, mais une personne : Jésus-Christ. Et ce qui paraît d’une extrême banalité est en fait l’événement le plus extraordinaire de l’histoire humaine.

Que l’accueil dont a fait preuve Marie dans la simplicité de sa vie nous aide à vivre pleinement la fête de Noël.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

Contact