Luc 9, 18-24 – La foi en héritage

Au début de ce récit, nous trouvons Jésus en prière. C’est dans toute l’intensité de ce moment de recueillement qu’il est conduit à s’adresser à ses disciples en leur posant cette question : « Qui suis-je aux dires des foules ? »

Ces circonstances montrent que Jésus a mûrement réfléchi à sa question et que le dialogue qui s’établit entre lui et les disciples est capital.

Bien sûr, si Jésus leur pose cette question de savoir ce que les foules pensent de lui, ce n’est pas parce qu’il voudrait se rassurer ou qu’il croirait ses disciples mieux renseignés que lui à ce sujet. Non, il veut simplement les emmener plus loin, en leur faisant découvrir par eux-mêmes où ils ont sont sur le chemin de la foi.

A la première question, les disciples n’ont aucune difficulté à donner une réponse. Tant qu’il s’agit seulement de rapporter ce que d’autres disent de Jésus, ils n’ont pas à s’engager pour eux-mêmes, ils peuvent rester dans le domaine des faits : certains pensent ceci, d’autres pensent cela, les uns disent Jean-Baptiste, les autres Elie.

Répondre à cette question, ce n’est pas très difficile, c’est à la portée du premier venu : il s’agit juste de faire un constat de la réalité. Seulement voilà, il fallait s’en douter, Jésus n’en reste pas là : il poursuit son entretien avec une seconde question, et contrairement à la première celle-ci est redoutable : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Redoutable, parce qu’elle exige une prise de position personnelle, elle exige de celui qui répond qu’il se dévoile. Mais elle permet aussi de prendre conscience de sa foi ou de son absence de foi.

Et parmi les disciples, celui qui va relever le défi, c’est Pierre, pierre dont on connaît la fougue et l’intrépidité. C’est lui qui se lance, et sa réponse est une véritable confession de foi : « Le Christ de Dieu. »

« Le Christ de Dieu », cela signifie le Messie qui vient de Dieu, celui que le peuple d’Israël attend pour être sauvé. Le mot Christ est le mot grec qui correspond au mot hébreu masyakh, qui a donné Messie. Jusque-là, les gens les mieux disposés à l’égard de Jésus le tenaient pour un prophète, mais aucun ne lui avait encore attribué ce titre de Messie.

En disant que Jésus est le Christ de Dieu, Pierre a formulé sa foi. Il est indispensable de mettre des mots sur ce que nous croyons, de formuler de manière intelligible ce qui fait l’objet de notre foi. Même si les mots ne rendent compte qu’imparfaitement des réalités spirituelles, il faut pouvoir mettre des mots sur notre foi. C’est pourquoi à chaque culte, après la prédication, la communauté chrétienne confesse toujours sa foi.

Même si Jean-Baptiste a eu un immense succès dans le peuple, même si Elie était considéré par les Juifs comme le plus grand des prophètes, celui qui devait précéder la venue du Messie, dire que Jésus est le Christ de Dieu, ce n’est pas du tout la même chose que de dire : Jésus est un prophète. Un prophète parle au nom de Dieu, mais il reste un homme. En revanche, lorsque Pierre dit que Jésus est le Christ de Dieu, il signifie qu’il est le Messie qu’Israël attend, celui que les prophètes d’Israël ont annoncé.

Confesser comme Pierre que Jésus est le Christ de Dieu, c’est dire beaucoup plus que de dire qu’il est simplement un prophète. Lorsqu’il confesse que Jésus est le Christ de Dieu, Pierre confesse en fait que Jésus est l’aboutissement de toutes les prophéties d’Israël, la réalisation de toutes ses attentes et de toutes ses espérances. C’est une affirmation qui ne peut pas laisser indifférent. Reconnaître Jésus comme le Christ de Dieu, c’est reconnaître la divinité de Jésus.

Cette prise de conscience ne vient pas de Pierre lui-même : c’est une révélation que Dieu lui a faite.   Pierre n’a pas réfléchi lorsqu’il a fait cette confession, elle lui est venue du cœur, comme une évidence, parce qu’elle était déjà en lui. La question de Jésus a seulement permis de la révéler à Pierre, de lui en faire prendre conscience, en l’obligeant à la formuler dans un langage clair, pour qu’elle vienne en lumière.

Mais cette confession de foi, Pierre n’a pas pu la formuler dès sa première rencontre avec Jésus : il lui a fallu du temps pour qu’elle vienne au jour, tout ce temps que Pierre a passé à ses côtés, tout ce temps qui lui a donné à connaître les discours et les actes de Jésus.

Pierre aurait-il pu confesser sa foi s’il n’avait pas eu en mémoire les discours et les actes de Jésus ? Non, bien sûr. Si Pierre a pu faire cette confession de foi, c’est parce qu’au moment où il a entendu cette question, il avait en mémoire les discours et les actes de Jésus ; si Pierre a pu faire cette confession de foi, c’est parce qu’il avait vécu suffisamment longtemps auprès de lui ; si Pierre a pu faire cette confession de foi, c’est grâce à son compagnonnage avec lui, si Pierre a pu faire cette confession de foi, c’est parce qu’il était devenu familier de Jésus.

Un jour, cette question que Jésus a posée aux disciples, c’est à Allyson qu’on la posera ; on lui dira : « Pour toi, qui est Jésus ? »

Et Allyson aura alors la possibilité, en toute liberté, de s’approprier l’héritage spirituel inhérent à son baptême. Et ce sera une joie pour ses parents et pour l’Eglise si un jour Allyson peut faire une telle confession de foi.

Mais pour cela, il faudra qu’Allyson ait été familiarisée avec la foi ; il faudra qu’elle ait eu connaissance de cet héritage qui puise ses racines dans la tradition juive, sinon, cette question « Qui dis-tu que je suis ? » ne produira chez elle que de l’indifférence.

Pierre a pu faire cette confession de foi parce qu’il connaissait le Christ et son enseignement. Et c’est votre responsabilité, vous ses parents, vous son parrain et sa marraine, qu’Allyson puisse grandir en se familiarisant avec les choses de la foi.

C’est une grande responsabilité, mais c’est une belle responsabilité aussi. Il ne s’agira pas de vouloir montrer à Allyson une foi idéalisée, mais simplement de lui faire voir la foi qui est la vôtre et qui, comme chez tout croyant, peut être aux prises avec le doute et les hésitations. Ce qui compte, c’est de lui montrer une foi authentique. Oui, ce qui sera déterminant, c’est l’authenticité de votre authenticité.

Amen.

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