Marc 1, 1-18 – Le vrai sens de Noël

La période de l’Avent a commencé dimanche dernier. Elle marque le début d’une nouvelle année liturgique. Pendant cette année, l’Evangile de référence sera celui de Marc.

Cet Evangile se caractérise par son ton rude et abrupt. Bien sûr, à la rudesse de Marc on peut préférer l’ampleur liturgique de Matthieu, ou la douceur de Luc, ou encore les envolées spirituelles de Jean, mais cet Evangile, qui a le privilège de l’ancienneté, a aussi sa manière propre d’annoncer la Bonne Nouvelle 

A certains moments il peut même nous donner l’impression que nous avons affaire à un auteur malhabile. Dans certaines traductions, cette maladresse est parfois gommée, mais elle apparaît nettement dans le texte original.

On peut se dire que l’auteur de cet Evangile écrivait mal, mais on peut aussi voir dans cette maladresse une intention, un procédé littéraire destiné à attirer l’attention du lecteur sur le fait que le contenu est plus important que la forme. D’ailleurs, une étude approfondie de cet Evangile nous montre qu’il est construit avec une grande maîtrise, comme une tragédie.

A la différence des autres Evangiles, il entre tout de suite dans le vif du sujet, sans commencer par une introduction.

Ce ton lapidaire et sans détours apparaît dès les premières lignes : Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Il est même probable que l’expression Fils de Dieu ne figurait pas dans le texte initial et que notre phrase introductive ait été encore plus brève. Quoiqu’il en soit, c’est le texte final qui nous est parvenu.

Dès lors se pose la question : comment préparer Noël avec un texte aussi dépouillé ?

Ce qui est sûr, c’est qu’en quelques mots, tout est dit. Cette première phrase est un véritable programme. Elle affirme quatre choses sur le propos de cet Evangile : elle affirme sa nouveauté absolue, elle affirme que la nouvelle qu’il annonce est une Bonne Nouvelle – c’est le sens du mot Evangile en grec –, elle affirme que Jésus-Christ est le Messie attendu – c’est la signification de ce titre de Christ –, et elle affirme que la divinité de Jésus.

L’Evangéliste développera ces thèmes dans la suite. Il nous fera comprendre en quoi consiste la nouveauté de ce message, pourquoi il est une bonne nouvelle, en quoi Jésus est le Messie attendu et ce que cela signifie d’être Fils de Dieu.

Dès le début, nous voyons clairement que nous n’avons pas affaire ici simplement à la biographie d’un homme hors du commun, mais à une annonce, celle de la bonne nouvelle de l’Evangile. Dans une biographie, la forme est importante : l’auteur rédige une œuvre littéraire. En revanche, s’il s’agit d’annoncer quelque chose d’important, la forme importe peu, pourvu que les gens comprennent ce dont il est question.

Puisque donc nous avons affaire à une annonce capitale, ce qui compte avant tout, c’est qu’elle soit comprise par tous.

Et puis après cette phrase-programme, l’Evangéliste enchaîne non pas avec une généalogie ou avec la naissance de Jésus, mais avec un ancrage dans les Ecritures, sous la forme d’une citation, une citation à vrai dire un peu arrangée qui rassemble trois textes de provenance diverse : le livre de l’Exode, le prophète Malachie et le prophète Esaïe C’était un procédé fréquent à l’époque, et chacun des Evangiles est la relecture croyante d’événements qui se sont passés plusieurs dizaines d’années auparavant.

C’est alors que l’Evangéliste va pouvoir parler du précurseur de Jésus. Cette entrée en scène de Jean-Baptiste garde au texte toute sa tonalité abrupte parce que Jean-Baptiste est lui-même un personnage très rude : il crie dans le désert, il est vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage.

Ces quelques images mettent en évidence le tempérament de ce prophète par excellence, de celui dont on dira qu’il est le plus grand des prophètes. Jean-Baptiste prêche la repentance, c’est-à-dire la reconnaissance de l’incapacité et de la finitude humaine, qui était celle de ses contemporains et qui est aussi la nôtre vingt siècles plus tard.

Alors ce texte lapidaire peut-il nous dire quelque chose de Noël ?

En fait, il est vrai qu’il ne nous raconte pas l’enfance de Jésus. Pourtant, il nous dit ce qu’est véritablement Noël. La naissance de Jésus n’aurait pas tout son sens si elle ne trouvait pas son fondement dans cette annonce : Noël, c’est bien sûr la naissance de Jésus, mais cette naissance n’aurait aucun sens, si elle ne donnait pas à l’humanité la possibilité de vivre quelque chose d’absolument nouveau : une vie qui repose entièrement sur la grâce de Dieu ; cette naissance n’aurait aucun sens si elle n’était pas une bonne nouvelle ; cette naissance n’aurait aucun sens si cet enfant n’était pas le Messie attendu ; et enfin, cette naissance n’aurait aucun sens si Jésus n’était pas seulement homme, mais Dieu.

Et pour entrer dans ce programme, la repentance annoncée par Jean-Baptiste, c’est-à-dire la reconnaissance de notre incapacité et de la finitude inhérente à notre nature humaine, la repentance est incontournable.

Jean-Baptiste s’inscrit complètement dans la lignée des prophètes d’Israël, et pour bien le montrer, l’Evangéliste le met sur le même plan qu’Elie en soulignant que les deux hommes étaient habillés de la même façon.

Oui, la démarche de Jean-Baptiste s’inscrit dans le droit fil de l’Ancien Testament, car la repentance est un leitmotiv qui traverse toute la Bible hébraïque. L’histoire d’Israël est marquée par ce mouvement de balancier entre des périodes de fidélité à l’Alliance et des périodes où cette Alliance est abandonnée par le peuple.

Et en même temps, Jean-Baptiste est au service d’un message d’une nouveauté absolue : la grâce inconditionnelle de Dieu manifestée dans un enfant.

Que ce temps de l’Avent soit l’occasion pour nous de redécouvrir cette nouveauté absolue de Noël 

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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