Marc 1,7-11 – La différence

Dimanche 11 janvier 2015 – Temple de Manosque

Prédication du pasteur Bernard Mourou

Cette semaine, la France a connu une tragédie. Des gens sont morts, parce qu’ils étaient journalistes, parce qu’ils étaient policiers, parce qu’ils étaient intellectuels, parce qu’ils étaient juifs. Nous nous sentons solidaires de leurs familles. 

J’entendais ce matin à la radio un rabbin qui disait que les enfants juifs, aujourd’hui, voyaient leur école et leur synagogue comme un lieu dangereux. Est-ce que nous pouvons accepter cela ? Moi je ne peux pas. 

Dans une période aussi difficile, il faut être clair, tout en évitant d’être simpliste. Il faut défendre notre culture et notre liberté d’expression, tout en veillant à ne pas faire d’amalgame, à ne pas voir derrière chaque musulman un terroriste. 

Le fondamentalisme porte toujours préjudice à la religion dont il se réclame. Et nous avons aussi nos propres fondamentalistes, même si eux se contentent de terroriser les consciences… 

Pour ma part, tous les musulmans que je connais, sans aucune exception, comprennent leur religion comme une religion de paix. Et à Manosque, nous en avons eu une preuve concrète lors des dernières manifestations interreligieuses, auxquelles la communauté musulmane de Manosque s’est pleinement associée : la lumière de Bethléem ou la fête de Hanouka.

Etre clair sans être simpliste, c’est important, et c’est ce que l’Evangile de Marc, que nous lisons cette année, nous apprend à faire. Le plus court des Evangiles se lit en deux petites heures – je vous engage tous à faire chez vous une lecture suivie de cet Evangile. 

Oui, comme un bon prédicateur, l’Evangéliste cherche à faire court, à se concentrer sur l’essentiel. Alors, peut-être serons-nous frustrés de ne pas trouver plus de détails sur tel ou tel personnage, sur tel ou tel événement. 

De Jean-Baptiste, notre texte ne nous dit rien, il ne nous laisse qu’avec une parole, une parole qui est en même temps une annonce : Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. C’est tout. C’est très peu. C’est très peu et en même temps c’est beaucoup, parce que Jean-Baptiste, en annonçant Jésus, insiste sur la différence qui existe entre eux deux.

Juste avant, l’Evangéliste avait fait une brève présentation de Jean-Baptiste : il avait parlé de son aspect extérieur – un vêtement en poil de chameau et une ceinture de cuir – et de son mode de vie – une vie dans la rudesse du désert avec pour toute nourriture des sauterelles et du miel sauvage. En quelques mots, il avait dressé pour nous l’image d’un ascète. 

Oui, l’Evangile nous présente Jean-Baptiste comme un ascète qui vit dans les pierres du désert de Judée, c’est-à-dire comme un homme donc bien différent de Jésus, qui vient de la verdoyante Galilée et qui ne dédaignera pas les plaisirs de la vie, ce que ses ennemis ne manqueront d’ailleurs pas de lui reprocher. 

C’est un fait, Jean-Baptiste et Jésus sont différents par leurs caractères et par leurs modes de vie, mais la vraie différence n’est pas là. La vraie différence, ce court texte nous le dit clairement, la vraie différence porte sur le baptême : celui de Jean n’est pas le même que celui de Jésus.

Oui, notre texte nous dit que ce qui fait la différence entre Jean-Baptiste et Jésus, ce n’est finalement pas le vêtement ou le lieu de vie, c’est le baptême : celui qui est dispensé par Jean n’a pas les mêmes effets que celui Jésus. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.

Ceux qui viennent vers Jean pour se faire baptiser reconnaissent publiquement leurs péchés : le baptême de Jean est un baptême de repentance ; il ne change rien chez ceux qui le reçoivent : il atteste simplement de leur repentance et de leur bonne volonté ; Jean-Baptiste a simplement repris un symbole de purification qui existait déjà dans le judaïsme.

Il n’en va pas de même du baptême de Jésus : il donnera le Saint-Esprit à ceux qui le recevront. Jean-Baptiste le sait et le dit : Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. La suite du texte lui donne raison : Jésus, en remontant de l’eau, vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. 

Nous n’avons pas trop de difficultés à concevoir Dieu le Père parce que nous pouvons nous représenter un Dieu qui a tout créé ; nous n’avons pas non plus trop de difficultés à nous représenter Jésus-Christ parce que les Evangiles nous parlent de lui et de la vie qu’il a vécue ; en revanche, il est moins simple de nous représenter le Saint-Esprit, parce que nous ne pouvons pas le voir.

Alors, si la grande nouveauté c’est le Saint-Esprit, je vous invite à réfléchir à cette question : Qu’est-ce le Saint-Esprit pour nous ? 

Il y a un paradoxe, une apparente contradiction : le Saint-Esprit est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes, il nous connaît mieux que nous nous connaissons nous-mêmes ; et en même temps il reste extérieur à nous. Dans notre texte, il apparaît de manière visible, sous la forme d’une colombe qui vient se poser sur Jésus.

Ceux qui viennent vers Jean-Baptiste pour recevoir son baptême sont toujours sous la Loi. Elle vient s’opposer aux désirs subjectifs de l’être humain. Jésus-Christ, lui, apporte la grâce, et c’est le Saint-Esprit qui va maintenant jouer ce rôle pour le croyant. Il y a un point commun entre le Saint-Esprit et la Loi, le Saint-Esprit nous évite aussi de voir les choses spirituelles selon notre propre subjectivité. Oui, le Saint-Esprit nous conduit à une remise en question permanente de notre manière de voir.

Dans le culte, avant la prédication, notre liturgie prévoit une prière que nous appelons prière d’illumination, une demande pour qu’à la fois le prédicateur et les auditeurs ne gardent pas leur propre manière de voir, mais soient éclairés par le Saint-Esprit. En tant que protestants, nous considérons en effet que la Parole de Dieu, c’est l’Ecriture associée au Saint-Esprit. Le Saint-Esprit nous éclaire, il nous permet de comprendre le texte biblique, il met le texte biblique en rapport avec notre propre existence et il le rend vivant pour nous.

Et nous pourrions bien sûr dire beaucoup d’autres choses sur le Saint-Esprit. Dans le quotidien de nos existences, soyons attentifs et découvrons toujours plus comment il nous sort de nos enfermements, ces enfermements qui conduisent parfois à la violence. Compte tenu de l’actualité, je terminerai sur cette belle image de la colombe, ce symbole de la paix. Que cette paix nous anime dans les moments difficiles que nous traversons.

Amen.

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