Marc 8, 27-35 – Une question déconcertante

 

Pasteur Bdernard Mourou

Depuis plusieurs dimanches, nous accompagnons Jésus sur des chemins nouveaux : après s’être concentré exclusivement sur la population juive, il rencontre et guérit maintenant des personnes qui n’appartiennent pas à cette communauté.

C’est ainsi que, juste avant l’épisode raconté dans notre récit d’aujourd’hui, Jésus a guéri un aveugle à Bethsaïda, dans une région frontalière de la Trachonitide. Et maintenant, après avoir franchi cette frontière, il repart avec ses disciples et pénètre plus profondément dans cette contrée païenne, vers Césarée de Philippe.

Césarée de Philippe doit son nom à Hérode Philippe, fils d’Hérode le Grand. Cette ville avait été construite à l’endroit où le Jourdain prend sa source. Toute cette région était peuplée majoritairement de païens. On y adorait le dieu Pan, et avant de s’appeler Césarée de Philippe, cette ville s’appelait Panias.

Dans cette terre païenne, Jésus et ses disciples trouvent une plus grande sérénité parce qu’ils sont libres des tensions religieuses qui traversent le monde juif.

Jésus choisit ce moment pour poser une question fondamentale. Cette question fondamentale, c’est la question de son identité : Au dire des gens, qui suis-je ? C’est une question capitale.

Jésus se soucie-t-il vraiment de ce que les gens pensent de lui ? En fait, s’il pose cette question à ses disciples, ce n’est pas parce qu’il doute de son identité, non, c’est parce qu’il veut les emmener plus loin.

Les disciples font ce que Jésus leur demande, ils répondent à sa question, ils lui rapportent l’opinion que les gens ont de lui, à savoir qu’il est vu comme un prophète.

Voir Jésus comme un prophète, c’est montrer envers lui une sympathie certaine, c’est l’associer à des personnages qui ont fait l’histoire d’Israël.

Les prophètes étaient indissociables de la royauté en Israël. Ils pouvaient participer à l’intronisation des rois. Nous avons tous à l’esprit Samuel qui choisit David comme roi, ou Nathan présent pour le sacre de Salomon. Tout naturellement, suivant cette même logique, le Messie, en tant que roi, devait lui aussi être annoncé, précédé. Par conséquent, si les contemporains de Jésus l’assimilent à un prophète, c’est qu’ils projettent sur lui l’espérance d’avoir trouvé celui qui annoncera le successeur du roi David.

La plupart de ses contemporains ne font pas preuve d’hostilité envers Jésus, mais pour autant ils ne le reconnaissent pas pour qui il était vraiment.

Aujourd’hui, lorsque nos contemporains entendent parler de Jésus, ils ont une conception très différente. Ils ne pensent en général pas à un prophète, sauf s’ils sont musulmans – l’islam tient en effet Jésus pour un prophète.

La plupart du temps, nos contemporains compareront plutôt Jésus à un sage, ou à un fondateur de religion, ou encore à un révolutionnaire, selon leurs propres orientations philosophiques. En fait, toutes ces réponses nous renseignent davantage sur ceux qui les donnent que sur Jésus lui-même. 

Alors oui, ces réponses sont différentes de celles qui étaient données il y a deux mille ans, mais en définitive, elles attestent toutes d’une même espérance. La personnalité de Jésus déconcerte autant aujourd’hui qu’il y a deux mille ans.

La première question de Jésus à ses disciples attendait un simple constat et elle ne les engageait aucunement. D’ailleurs les disciples n’ont eu aucune difficulté à lui répondre.

Mais Jésus va plus loin, il pose maintenant à ses disciples une seconde question : Qui dites-vous que je suis ? Il ne s’agit plus de savoir ce que les autres pensent, mais ce qu’eux-mêmes pensent. Cette seconde question engage les disciples.

C’est une question exigeante : elle attend une réponse personnelle, elle nécessite donc une prise de position et une remise en question. Jésus n’impose pas à ses disciples une manière de penser. Il respecte complètement leur liberté de conscience.

Qui est Jésus ? Pour vous, qui suis-je ?

Parmi les disciples, c’est Pierre qui, avec le tempérament spontané et impulsif qu’on lui connaît, qui donne la bonne réponse.

Mais cette bonne réponse, il convient de ne pas divulguer, afin que chacun puisse arriver par lui-même à cette vérité. Ni les miracles, ni aucune preuve tangible ne doit en effet être à l’origine de cette conviction.

La foi qui nous permet de confesser que Jésus est le Christ ne vient pas de nous ni de nos capacités humaines, elle est un don de Dieu. Elle ne s’appuie pas sur un signe extérieur, mais sur une révélation.

Cette question s’adresse aussi à nous. Que répondrons-nous ? Si nous répondons que Jésus est un prophète, un maître de sagesse, un fondateur de religion ou un révolutionnaire, c’est la preuve que nous dépendons encore de nos capacités naturelles.

Si nous avons bien suivi quand nous étions sur les bancs de l’école biblique, il est probable que nous aurons nous aussi la bonne réponse.

Quoi qu’il en soit, notre texte ne s’arrête pas là. Il fait une annonce surprenante, surtout pour les gens de l’époque : le Christ, le Messie, souffrira beaucoup et sera rejeté par les autorités religieuses.

En tous cas, celui qui vient de donner ce titre de Christ à Jésus s’élève contre cette idée. Cela lui vaut cette sévère réprimande de Jésus : Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. Alors qu’il vient de féliciter son disciple pour sa perspicacité, maintenant il le rudoie, il l’humilie devant les autres.

La question fondamentale reste la manière dont nous voyons Jésus. Mais comme pour Pierre, il ne sert à rien de s’accrocher à une « bonne » doctrine, car en matière de foi rien ne peut jamais être figé. Nos vérités du moment dépendent de notre compréhension actuelle, elles ne seront pas des vérités définitives car personne ne peut détenir la vérité. Comme Pierre, nous sommes faillibles et en chemin.

Amen

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