Marc 9, 33-41 – Avoir de l’ambition

Capharnaüm, sur les bords du lac de Tibériade, un lieu de repos pour Jésus et ses disciples. A Capharnaüm, ils sont un peu à la maison. C’est là qu’ils viennent toujours se ressourcer une fois qu’ils ont fini de parcourir les chemins de Galilée, et c’est un moment propice pour faire le point.

C’est justement ce moment-là que Jésus choisit pour revenir sur ce qui s’est passé juste avant qu’ils arrivent : cette discussion qui animait les disciples sur le rang et l’importance de chacun.

A vrai dire, la question que leur pose Jésus ne les met pas vraiment à l’aise, on les sent gênés et honteux. Ils étaient animés par l’ambition personnelle, qui suscite toutes sortes de sentiments plus ou moins avouables, dont le principal est la jalousie 

Dans une société qui se veut de plus en plus compétitive, l’ambition est la préoccupation de beaucoup. Et comme chacun sait que l’Evangile est toujours à contre-courant, vous vous attendez peut-être de ma part à ce que je condamne l’ambition.

Eh bien non, je ne condamnerai pas l’ambition, parce que si nous lisons attentivement ce texte, nous ne voyons nulle part que Jésus la condamne.

Il ne dit pas aux disciples : « Ne cherchez pas à être les premiers, c’est mal ». Non, il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il fasse ainsi ». Autrement dit, Jésus prend en compte l’ambition des disciples. Jésus ne leur dit pas : « L’ambition, c’est mal », mais il leur dit : « Voici de quelle manière vous devez manifester votre ambition ».

Et c’est là que l’Evangile est à contre-courant, parce que pour la plupart des ambitieux écrasent les autres pour briller à leur place. Mais faire cela, c’est avoir une ambition pervertie, et une telle ambition ne produit que frustrations, guerres et révoltes.

En fait, Jésus veut faire comprendre à ses disciples, et à nous aujourd’hui, comment doit se manifester la véritable ambition : c’est une ambition qui nous conduira à respecter les autres en se mettant à leur service et en les faisant profiter de nos dons.

Et comme Jésus aime être concret, il place devant eux un enfant. Là aussi, évitons les contresens : à cette époque, l’enfant-roi n’existe pas, à cette époque, l’enfant, c’est un être inférieur et méprisé. Donc Jésus ne cherche pas à attendrir les disciples en leur mettant sous les yeux un être innocent et attachant, mais un être négligé, méprisé, sans aucun droit. En procédant ainsi, Jésus montre aux disciples qu’il s’agit de se mettre au service du plus faible parmi les plus faibles.

Oui, ce serait mal comprendre l’Evangile de croire qu’il nous interdit l’ambition, au contraire. Le croyant peut avoir de l’ambition, il peut même en avoir plus que quiconque, parce que sa raison de vivre surpasse toutes les autres causes. Simplement, cette ambition, comme toute capacité humaine, doit être convertie. Il ne s’agit plus de déployer toute notre énergie pour écraser l’autre et faire de ce monde un enfer, mais il s’agit de déployer toute notre énergie pour mettre les dons reçus au service des autres pour rendre ce monde plus bienveillant.

Mais allons encore plus loin. Tout à l’heure la liturgie de cette célébration a mis l’accent sur le fait que chaque tradition apportait un don aux autres, et c’est vrai, nous sommes tous au bénéfice les uns des autres. Alors ayons de l’ambition pour nos Eglises respectives, mais ayons de l’ambition à la manière de Jésus, c’est-à-dire en déployant toute notre énergie, non pour démontrer à toute force que notre tradition est la meilleure, mais en respectant les autres Eglises et en les mettant au bénéfice des dons inhérents à notre propre tradition 

Amen.

Bernard Mourou

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