Matthieu 1, 18-25 – L’origine de Jésus-Christ

Les premiers mots de l’Ancien Testament abordent la question de l’origine : A l’origine, Dieu créa le ciel la terre, c’est la première phrase de la Genèse.

Et voici que l’Evangile de Mattieu aborde lui aussi la question de l’origine, par ces mots : Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ.

En faisant commencer son Evangile par la question de l’origine, l’Evangéliste veut rappeler les premières lignes de l’Ecriture juive. Le Nouveau Testament commence comme l’Ancien : par la question de l’origine. Mais dans l’Evangile ce n’est plus l’origine du monde dont il est question, mais l’origine de celui qui était là avant la création du monde.

Après l’inscription de Jésus-Christ, à travers une généalogie, dans une lignée qui commence avec Abraham et se termine avec Joseph, l’Evangéliste aborde maintenant son enfance auprès de Joseph et Marie.

Une généalogie, puis le récit d’une enfance, c’est la manière dont notre Evangéliste nous donne à connaître l’origine de Jésus. Connaître l’origine de Jésus-Christ, c’est connaître son identité et c’est bien de son identité qu’il est question dans ce récit de l’enfance.

L’Evangéliste inscrit Jésus-Christ dans une histoire qui l’a précédé. Jésus-Christ ne vient pas faire table rase du passé : il assume pleinement cette histoire qui le rattache à l’humanité et cette humanité, il la rejoint.

Cela nous est souligné par ce nom d’Emmanuel, qui veut dire Dieu avec nous et qui nous vient d’un texte d’Esaïe. Dieu avec nous, c’est un thème qui traverse tout l’Evangile de Matthieu, dont la dernière phrase est cette promesse de Jésus : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

Oui, l’origine de Jésus a quelque chose à voir avec l’histoire des humains. Dans l’Antiquité, les peuples païens parlaient aussi de l’origine de leurs dieux. Parfois, les dieux se mêlaient aussi aux humains. Et pourtant, lorsque les Evangiles se réfèrent à l’histoire des hommes, ils le font d’une manière différente et originale.

Car aucune mythologie, lorsqu’elle aborde l’origine des dieux, ne parle du foyer familial. Ici, l’Evangéliste nous parle d’un couple, un couple de juifs pieux semblables à beaucoup d’autres couples juifs de cette époque.

  • Marie, tout d’abord ; chez Matthieu, elle est plus en retrait que chez Luc et ce n’est pas à elle que l’ange s’adresse, mais à Joseph ; mais comme Luc, Matthieu souligne son attitude d’accueil du début à la fin.
  • Joseph joue finalement un plus grand rôle que Marie ; il montre un grand respect pour Marie : alors que la logique aurait voulu qu’il la répudie publiquement, il a soin de veiller à sa réputation ; on nous dit qu’il était un homme juste ; mais il l’est d’une manière originale, puisque ce qui lui vaut ce qualificatif, c’est le fait qu’il n’obéit pas à la Loi de Moïse, qui prévoyait la condamnation des coupables ; ce qui lui vaut ce qualificatif, c’est le fait de mettre l’amour au-dessus de la Loi ; enfin, il est réceptif à la Parole que Dieu lui adresse et il obéit sans tergiverser.
  • Et puis il y a l’Esprit Saint ; il est l’acteur principal, il insuffle la vie.

Ce couple paraît tout à fait ordinaire. Et pourtant, il ne l’est pas. Car dans ce récit, Joseph et Marie ne sont pas seuls, il y a un troisième protagoniste : ce troisième protagoniste, c’est le Saint-Esprit ; c’est lui qui fait de ce couple ordinaire un couple extraordinaire, capable d’accueillir cet enfant qui ne ressemble à aucun autre ; c’est dans ce foyer touché par la grâce que Jésus est accueilli.

Chacun des trois protagonistes est indispensable ; chacun a un rôle bien spécifique :

  • Marie accueille Jésus comme le don de Dieu pour elle.
  • Joseph inscrit Jésus dans une filiation humaine en lui donnant un nom.
  • Le Saint-Esprit inscrit Jésus dans une identité divine.

Voilà pour les protagonistes. Passons maintenant au récit lui-même.

C’est un récit complètement surprenant. Nous ne nous en rendons plus compte parce que nous sommes habitués à entendre le récit de la Nativité.

Nous avons un couple qui semble normal jusqu’au moment où le récit fait intervenir le Saint-Esprit en évoquant la naissance virginale de Jésus.

La naissance virginale de Jésus rend perplexes beaucoup de gens. Mais l’Evangile n’est pas un compte-rendu médical ou scientifique : c’est l’affirmation d’une conviction, l’affirmation d’une foi.

L’Evangéliste affirme sa conviction, qui n’était pas une évidence pour tous ceux qui ont croisé Jésus : cette conviction, c’est que Jésus est à la fois pleinement homme et pleinement Dieu. Il s’inscrit dans une lignée humaine, mais il a aussi une origine divine ; c’est une origine inaccessible, sur laquelle l’être humain n’a aucune prise ; oui, Jésus-Christ trouve son origine en Dieu lui-même.

Cette double identité de Jésus, à la fois divine et humaine, n’est pas sans effet : elle a une conséquence pour le croyant, elle a une conséquence pour nous aujourd’hui ; si l’Evangéliste nous parle de l’identité de Jésus, c’est pour nous faire prendre conscience de notre propre origine et de notre propre identité.

Par Jésus-Christ nous sommes enfants de Dieu, c’est-à-dire que nous sommes reconnus par Dieu et que nous lui ressemblons. Cette double identité de Jésus nous donne notre propre identité, et cela change tout.

Par Jésus, Dieu est présent dans l’humanité. Il a incarné l’être humain véritable, c’est-à-dire l’être humain tel que Dieu l’a voulu. Dès lors, Dieu n’est plus seulement le Tout-Autre, le Très-Haut, mais il est aussi le Tout-Proche, le Très-Bas. C’est cela que nous allons fêter à Noël.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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