Matthieu 10, 26-33 – Une Eglise de témoins

Dans les dernières années du Moyen Age, ces années qui marquèrent la fin d’un monde, il y avait en Allemagne un moine qui connaissait bien les Ecritures. Etre moine dans ces années-là, c’était mener une vie tranquille, une vie protégée, à l’abri des préoccupations matérielles qui étaient le lot du plus grand nombre.

 

Mais ce moine était profondément insatisfait. Il avait conscience d’être un pécheur. Pour lui, Dieu se caractérisait par ses actes et sa volonté, et il était donc logique que l’être humain devait lui répondît aussi par les actes et la volonté.

 

D’un caractère scrupuleux et consciencieux, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour vivre d’une manière qui puisse plaire à Dieu, mais il n’y arrivait pas et il vivait de ce fait dans un tourment perpétuel, parce qu’il savait qu’un jour il mourrait et que Dieu le jugerait. Rien ne pouvait le rassurer quand il pensait à ce jour terrifiant.

Et puis un jour, un passage de ces Ecritures s’illumina pour lui : c’était ce verset de l’épître aux Romains : Le juste vivra par la foi. Ce jour-là, il eut la révélation du message évangélique.

Ce qu’il découvrit, ce ne fut pas un jugement plus clément, mais l’absence totale de jugement. Et cette révélation changea radicalement sa vie. Alors cette révélation, il voulut la faire connaître.

Ce moine, vous l’avez tous reconnu, c’était Martin Luther.

Cette révélation va le mettre en action. C’est ainsi que le 31 octobre 1517, il affiche ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg. C’est cet événement dont nous fêterons le 500e anniversaire dans trois ans, parce qu’il est considéré comme le début officiel du protestantisme.

Pour le moine Martin Luther, ce sera le début d’une aventure qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Très vite, il perdra la maîtrise de sa vie. Mais sur ces chemins surprenants, il restera toujours fidèle au message évangélique.

C’est ainsi que, quatre ans plus tard, devant la diète de Worms, il aura cette parole célèbre qui expliquera sa détermination sans failles : Je suis lié par les textes de l’Écriture que j’ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr, ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que Dieu me soit en aide !

Aujourd’hui, le contexte ecclésial est différent, mais le texte de ce dimanche nous invite à avoir cette même détermination sans faille pour transmettre le message évangélique.

Car ce message libérateur que nous avons reçu, comment pourrions-nous le garder pour nous ? Nous sommes appelés à parler, à ne pas nous taire, et à devenir ainsi une Eglise de témoins. Et pourtant, il faut bien le reconnaître, nous nous montrons parfois très discrets et très timorés. Il y a bien sûr des raisons à cela.

D’abord, nous ne pourrons parler que si nous avons reçu nous aussi la révélation du message libérateur de l’Evangile. Sinon, il nous manquera toujours l’enthousiasme nécessaire pour rendre nos paroles crédibles.

Ensuite, la deuxième raison, c’est la difficulté qu’il y a à faire passer ce message, parce qu’il peut susciter de l’hostilité ou de l’indifférence. Même si elle ne persécute pas les chrétiens comme dans certaines périodes de l’histoire, notre société occidentale a tendance à marginaliser ceux qui affichent leur différence.

Alors par trois fois, il nous est dit ne craignez pas, soyez sans crainte, et chaque fois il nous est dit pourquoi il ne faut pas avoir peur. 

D’abord, ce qui est su de quelques-uns, c’est-à-dire de nous, doit l’être de tous. Il ne s’agit pas de garder pour nous une vérité qui peut aider aussi les autres à vivre. Ce je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits, ces toits en terrasse qui convenaient si bien à délivrer une parole entendue par tous ceux qui passaient dans la rue. Rien ne doit arrêter le message libérateur de l’Evangile.

Le cercle de Jésus et de ses disciples pouvait faire penser à une société fermée, à une société secrète. Des sociétés secrètes, il en existait à l’époque, comme les esséniens, et plus tard les gnostiques, qui séduiront beaucoup de chrétiens. Et parfois, il arrivait à Jésus d’adresser à ses disciples des paroles qu’il n’adressait pas aux foules. Mais l’Eglise n’a pas vocation à être un club fermé : ce qu’elle a reçu, elle le proclame le plus directement et le plus simplement possible.

C’est dans l’ordre des choses ce message soit transmis au plus grand nombre. Voilà la première raison qui nous est donnée pour nous inciter à ne pas avoir peur.

Puis il nous dit aussi une deuxième fois de ne pas craindre : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. En fait, nous sommes placés devant une alternative : soit nous craignons une multitude de dangers et nous menons une vie angoissée, soit nous craignons Dieu seul, et rien ni personne d’autre ne peut nous menacer, dans la mesure où rien n’échappe à Dieu, pas même les cheveux de nos têtes, dont nous serions bien incapables de dire le nombre.

C’est la deuxième raison pour ne pas craindre : Dieu est au-dessus de tous.

Et enfin, il nous dit une troisième fois : Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux, ces moineaux qui comptent parmi le plus petits volatiles, plus petits que les colombes que les plus pauvres étaient autorisés à donner en sacrifice à la place de plus gros bétail. 

Et voilà la troisième raison : il s’agit de ne pas avoir peur parce que nous sommes précieux aux yeux de Dieu.

Nous sommes donc invités à parler, à témoigner, sans avoir peur, parce que notre foi est digne d’être transmise, parce que Dieu est de notre côté, et parce que nous sommes précieux pour lui.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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