Matthieu 2, 1-22 – De l’or, de l’encens et de la myrrhe

Nous fêtons aujourd’hui la fête de l’Epiphanie. L’Epiphanie, c’est la manifestation de Jésus aux hommes, la promesse accomplie : Jésus est né. Après avoir été annoncé à travers les prophéties, la dernière étant celle de Zacharie, voici que des hommes vont maintenant le reconnaître comme le Fils de Dieu. Comme le Messie attendu.

Dans le christianisme oriental, l’Epiphanie est une fête plus importante que chez nous en Occident. Dans l’Eglise arménienne, à l’occasion de l’Epiphanie, les fidèles se saluent en s’adressant cette parole les uns aux autres : Christ est né et s’est manifesté ! A quoi l’on répond : Pour vous et pour nous, grande nouvelle !

Au moment où cette reconnaissance a lieu, dans notre Evangile, Jésus est encore très petit. C’est pourquoi, ceux qui les premiers voient dans cet enfant le Messie attendu, font preuve d’une grande clairvoyance. Pourtant, ce ne sont pas des juifs, mais des étrangers : ce sont des mages venus d’Orient. Et ils parviennent à le reconnaître à travers leur propre culture, à travers leur propre science.

Les mages viennent de l’Orient. L’Orient est un terme vague qui peut signifier plusieurs contrées : l’orient peut signifier le sud de l’Arabie ou, plus probablement, la Perse. Quoi qu’il en soit, quel que soit le lieu de leur origine, une chose est sûre : ces mages viennent de très loin. Leur culture n’est pas celle du peuple juif, et pourtant, c’est eux qui, les premiers, reconnaissent Jésus.

Nous le voyons, dès les premières lignes, l’Evangile de Matthieu fait preuve d’une remarquable ouverture d’esprit ; dès les premières lignes, il donne à la naissance de Jésus une portée universelle ; dès les premières lignes, il nous montre que la manifestation de Jésus s’offre en adoration à tous les hommes, quelle que soient leur origine et leur culture.

Et pour marquer leur adoration, pour signifier leur reconnaissance de Jésus, ces mages venus d’Orient apportent à Jésus des présents exotiques. Ils apportent rois sortes de présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Chez nous, à l’occasion de la naissance d’un enfant, la famille et les amis apportent des présents aux parents, mais le plus souvent, ce sont des vêtements, ou encore des hochets ou des jouets adaptés à l’âge de l’enfant, des jouets qui l’amuseront et qui l’éveilleront à la vie. Ici, les mages apportent aussi des présents. Mais avez-vous remarqué que leurs présents ne sont pas du tout adaptés pour un petit enfant ? Que peut faire un petit enfant avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe ? Pas grand-chose. Et ses parents, que peuvent-ils en faire ? Pas grand-chose non plus. Quelle drôle d’idée d’apporter de l’or, de l’encens et de la myrrhe à un petit enfant !

Mais l’or, l’encens et la myrrhe sont-ils des présents aussi inadaptés qu’ils paraissent ? En fait, ces trois présents, l’or, l’encens et la myrrhe, sont riches de significations. Chacun de ces présents renvoie à une réalité spirituelle.

Premier présent : l’or. L’or est le métal plus précieux. L’or est un métal inaltérable. C’est le présent que l’on fait à un roi. C’est aussi le métal largement utilisé dans le culte juif. L’or recouvrait les parties les plus sacrées du sanctuaire. Il recouvrait l’arche d’alliance et ses chérubins, l’autel des parfums, la table des pains, les plats, le chandelier qui diffusait sa lumière. En tout, le tabernacle contenait près d’une tonne d’or. Plus tard, l’or recouvrira non seulement les accessoires du culte, mais aussi l’intérieur du Temple.

Deuxième présent : l’encens. L’encens est aussi une substance très précieuse. L’encens de bonne qualité se présente sous la forme d’une résine blanche. L’encens était aussi lié au culte. On brûlait de l’encens devant le Seigneur. L’encens évoquait la prière qui monte devant Dieu. Le psalmiste illustre cela quand il s’écrie : Que ma prière te soit offerte comme l’encens !

Troisième présent : la myrrhe. La myrrhe n’était pas moins précieuse que l’or ou l’encens. C’était un parfum, un parfum purificateur. Avec la myrrhe, on parfumait les lits et les vêtements. Mais, comme l’or et l’encens, la myrrhe était aussi utilisée pour le culte : elle entrait dans la composition de l’huile sacrée, qui servait à oindre l’arche d’alliance et ses accessoires. Mais la myrrhe n’avait pas qu’un aspect agréable : la myrrhe était aussi un parfum caractérisé par son amertume. Et puis, la myrrhe était aussi employée pour embaumer les cadavres ; elle était donc liée à la mort.

Nous voyons que ces trois présents, l’or, l’encens et la myrrhe, ont deux points communs :

D’abord ils sont tous les trois extrêmement précieux. Les mages offrent à Jésus ce qu’ils ont de mieux.

Ensuite ils renvoient tous les trois à la vie cultuelle. Tous les trois ont été employés dans le Tabernacle au désert, puis dans le Temple à Jérusalem.Mais à part cela, ces trois présents renvoient à des réalités divergentes. Ainsi, il y a une tension entre le symbole du premier présent, l’or, qui renvoie à la royauté, à l’inaltérabilité, à l’incorruptibilité. Il y a une tension entre ce que symbolise cet or, et ce que symbolise la myrrhe, qui renvoie au contraire à la corruption, à la fragilité humaine, et finalement à la mort. Avec son amertume et son usage funéraire, la myrrhe apporte comme une dissonance à côté de l’or et de l’encens. Il y a cette idée que Jésus est à la fois Dieu et homme. C’est tout le mystère de l’Incarnation qui est évoqué dans l’or et dans la myrrhe.

Et entre les deux, entre l’or et la myrrhe, il y a le deuxième présent, l’encens, l’encens qui symbolise cette prière qui monte vers Dieu, cette prière qui est offerte à Dieu, cette prière qui est toujours en tension entre nos réalités terrestres et les réalités célestes. Car s’il y avait unité entre ces deux réalités, la prière n’aurait pas lieu d’être. La prière est là parce que dans notre réalité terrestre cette unité n’est pas encore réalisée. La prière fait le lien entre la terre et le ciel. Et Jésus est celui qui a ouvert pour nous ce chemin. C’est lui qui le premier a offert à son Père céleste sa prière comme l’encens. C’est lui qui a unit le ciel et la terre. Alors, nous le voyons, ces présents apportés à Jésus par les mages, cet or, cet encens et cette myrrhe, ne sont pas du tout inadaptés, comme nous aurions pu le croire. Au contraire, cet or, cet encens et cette myrrhe conviennent parfaitement à celui qui est venu faire le lien entre le ciel et la terre. Jésus nous a montré le chemin. Par lui nous pouvons prier Dieu qui est devenu notre Père. Par lui, nous pouvons, à la manière du psalmiste, lui offrir notre prière comme de l’encens. Par Jésus, notre humanité est reliée à la divinité. Que cela nous encourage à exercer ce privilège de la prière qui a été ouvert pour nous.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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