Matthieu 28, 16-20 – Je suis avec vous

 

Pasteur Bernard Mourou

La fin d’un ouvrage est le moment où l’auteur récapitule tout ce qu’il a voulu dire au fil du texte, le moment où il conclut, où il revient à l’essentiel. C’est ce passage capital que la liturgie nous invite à réfléchir ce matin en nous proposant de lire les dernières lignes de cet évangile selon Matthieu.

Ce passage s’occupe de la question du doute et de la transmission, un thème tout à fait d’actualité à l’heure où les Eglises, toutes confessions confondues, ont tendance à se vider à un rythme plus ou moins rapide.

Dans notre récit, les disciples se rendent en Galilée, comme Jésus le leur a demandé. Ils se retrouvent de nouveau là où tout a commencé, trois ans plus tôt. Ils ont regagné leur terre d’origine, leur lieu de vie.

Et là, ils montent sur une montagne. Dans les Ecritures, la montagne a un sens symbolique. Elle le lieu privilégié des révélations divines. C’est sur une montagne que Moïse a reçu les tables de la Loi, c’est sur une montagne que Jésus a été transfiguré.

Et maintenant, sur cette montagne de Galilée, les disciples voient le Ressuscité. Cela suscite chez eux un profond respect : ils se prosternent tous.

C’est donc une théophanie que nous avons ici. Voyons comment elle se présente.

Ce qui est frappant, c’est que dans ce texte Jésus se montre à ses disciples de manière très formelle. En effet, le récit suit le schéma des édits royaux. Les édits royaux étaient construits selon un même modèle. Le roi disait : « J’ai reçu tel pouvoir, donc j’ordonne de faire telle chose. »

En s’exprimant ainsi, le roi signifiait que son pouvoir n’émanait pas de lui, mais que ce pouvoir, il le recevait. Les anciens procédaient ainsi parce qu’ils avaient compris qu’il est capital pour celui qui détient l’autorité de dire qu’il ne la tient pas de lui-même, mais qu’il l’a reçue des institutions du pays. Ici, Jésus se présente comme ayant reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre.

La véritable autorité ne vient pas de la personne qui l’exerce, sinon elle serait un pouvoir qui reposerait sur le charisme personnel d’un individu et déboucherait tôt ou tard sur des abus spirituels. Elle vient d’ailleurs, elle se fonde sur des institutions, sur une histoire commune ou sur Dieu lui-même, mais en tous cas elle dépasse l’individu qui l’exerce. 

L’étymologie de notre mot « autorité » le montre bien car il renvoie à l’idée d’augmentation : la véritable autorité, c’est celle qui « augmente » l’autre, c’est-à-dire qui lui permet de grandir. Un chef charismatique fait le contraire : il se sert des autres pour se mettre lui-même en valeur.

Le fait que Jésus s’exprime ici comme le ferait un souverain de l’époque dans un édit royal traduit cette volonté de Jésus de se mettre au service de ses disciples. L’auteur souligne par là que Jésus a une autorité qui ne repose pas sur le charisme personnel d’un individu. L’Evangéliste souligne l’autorité de Jésus-Christ.

Le second aspect de cette vision, c’est que nous n’avons pas affaire ici à une apparition corporelle qui qui permettraient aux disciples de faire l’économie de la foi. Alors il se passe alors l’inévitable : certains eurent des doutes, nous dit le texte.

La transmission de la foi n’est pas incompatible avec le doute, car cette théophanie s’adresse à tous les disciples : à ceux qui croient comme à ceux qui doutent. Les doutes sont inhérents à la foi et nous voyons bien que Jésus n’essaie pas de les éradiquer. Au lieu de cela, il leur propose un programme d’action : De toutes les nations faites des disciples ! Ne faisons donc pas de nos doutes une excuse pour ne pas nous engager dans l’Eglise, au contraire.

Alors qu’il leur a d’abord demandé de revenir en Galilée, maintenant il leur propose comme terrain d’action le vaste monde.

Ce sera ce programme d’action qui combattra le doute, tant il est vrai que souvent agir est le seul remède pour venir à bout de réflexions stériles. Les juifs ont coutume de dire : « Fais, et tu comprendras. »

Ce programme d’action se décline en trois volets :

–  d’abord de transmettre la foi : c’est ce que nous appelons parfois l’évangélisation ;

–  ensuite d’intégrer les nouveaux croyants dans l’Eglise par le sacrement du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit – c’est la seule fois que cette expression apparaît dans tout le Nouveau Testament : par le sacrement du baptême, les nouveaux croyants sont accueillis dans l’Eglise ; 

–  et enfin de les accompagner pour qu’ils puissent bien vivre leur nouvelle foi : c’est toute l’importance de la formation.

Ces trois éléments, la transmission de la foi, l’accueil des nouveaux croyants et la formation tout au long de la vie, car on n’a jamais fini d’apprendre, sont les fondements de l’Eglise.  

Et puis en plus de ce programme d’action, Jésus donne aussi une promesse à ses disciples : donne aussi une promesse, celle de sa présence perpétuelle : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est une caractéristique de l’évangile selon Matthieu que d’insister sur cette présence : déjà au début de cet évangile, Jésus était appelé Emmanuel, Dieu avec nous.

Au terme de cet Evangile, les disciples sont encore aux prises avec leurs doutes, mais ils ont devant eux un programme et une promesse.

Le doute fait partie de la foi. N’en ayons donc pas peur : il est salutaire, il nous montre que nous faisons preuve de réflexion. Nier le doute, ce n’est pas le faire disparaître, c’est juste faire naître de la culpabilité chez soi ou chez les autres.

Transmettre la foi, accueillir celles et ceux qui nous rejoignent et leur permettre de se former, c’est le programme que Jésus nous propose comme antidote au doute. Ce sera notre manière de résister à la sécularisation.

Amen

 

 

Contact