Matthieu 28, 16-20 – Une présence

Notre passage vient clore l’Evangile de Matthieu. Il relate un acte d’obéissance : les disciples se rendent en Galilée comme Jésus le leur a demandé.

 

La Galilée, c’est leur terre d’origine, leur lieu de vie. Nous voyons que pour l’instant, leur activité missionnaire ne concerne pas des territoires lointains, mais leur environnement immédiat, la terre qui leur est familière.

 

Dans ce dernier récit, les disciples gravissent une montagne. La montagne a un sens symbolique dans les Ecritures, elle le lieu par excellence de la révélation divine : c’est sur une montagne que Moïse a reçu les tables de la Loi, c’est sur une montagne que Jésus a été transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean, et maintenant c’est encore sur une montagne, une montagne de Galilée, peut-être le Mont Thabor, que Jésus apparaît à ses disciples. Ils le voient, et cette vision provoque chez eux d’abord une attitude de grand respect, qui se traduit par le fait qu’ils se mettent tous à se prosterner

 

La manière dont Jésus leur apparaît est intéressante : il se présente comme ayant reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre, et il le fait de manière très formelle. Il adopte le schéma des édits royaux. Les édits royaux étaient en effet construits suivant un même modèle. Le roi disait : « J’ai reçu tel pouvoir, donc j’ordonne de faire telle chose. »

 

« J’ai reçu tout pouvoir » : Il est capital pour ceux qui détiennent une autorité de souligner qu’ils ne la tiennent pas d’eux-mêmes, mais qu’ils l’ont reçue. En s’exprimant ainsi, le souverain signifiait que son pouvoir n’émanait pas de lui, mais que ce pouvoir, il le recevait.

 

Cela traduit une certaine sagesse : c’est une manière de se prémunir contre le pouvoir qui reposerait sur le charisme personnel d’un individu. L’étymologie de notre mot « autorité » renvoie à la notion d’augmentation : la véritable autorité, c’est celle qui donne à l’autre la possibilité de grandir. Un chef charismatique fait le contraire : il profite des autres pour se mettre en valeur. C’est pour cela que la véritable autorité ne doit pas venir de la personne qui l’exerce, mais qu’elle doit venir d’ailleurs, de plus loin.

 

C’est pour cela que Jésus s’exprime ici comme le ferait un souverain de l’époque dans un édit royal. Lorsqu’il lui fait dire cette ultime affirmation : « J’ai reçu tout pouvoir, donc j’ordonne que vous fassiez des disciples, que vous les baptisiez et que vous les enseigniez », l’Evangéliste souligne l’autorité de Jésus-Christ. Oui, de cette manière d’affirmer les choses il y a une grande force.

 

Pourtant, dans cette vision, nous n’avons pas affaire à une apparition corporelle, matérielle, qui rendrait la foi inutile. Et il se passe alors ce qui doit arriver : certains disciples eux ont des doutes.

 

Et Jésus n’essaie pas d’éradiquer leurs doutes, comme il l’avait fait précédemment avec Thomas. Non, il se contente juste de leur donner un ordre nouveau : celui de diffuser la parole évangélique.

 

C’est tout un programme qui s’ouvre devant ses disciples. Ce sera cette action qui se révélera un antidote au doute. Parfois, agir est le seul remède pour venir à bout de réflexions stériles. Vous savez, les juifs ont coutume de dire : « Fais, et tu comprendras. »

 

Le programme que Jésus donne à ses disciples comporte trois volets : Il s’agit d’abord de transmettre la foi, ensuite d’intégrer les nouveaux croyants dans l’Eglise par le sacrement du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit – c’est la seule fois que cette expression apparaît dans tout le Nouveau Testament – et enfin de les enseigner pour qu’ils puissent bien vivre leur nouvelle foi.

 

Dans ce programme nous avons tout :

  • nous avons la transmission de la foi, c’est-à-dire la prise de contact
  • nous avons l’intégration dans l’Eglise, c’est-à-dire l’accueil
  • nous avons l’enseignement, c’est-à-dire la progression
  •  

Ces trois points sont indispensables pour une vie ecclésiale saine. Si un des éléments est défaillant, c’est toute la construction qui s’écroule et l’Eglise est bancale.

 

Jésus laisse à ses disciples un programme d’action, mais il ne s’en tient pas là, il fait plus : il leur donne aussi une promesse, celle de sa présence perpétuelle. Et cette présence est aussi pour nous. Elle n’est pas perceptible par nos cinq sens et elle peut donc se heurter à nos doutes, mais cela ne l’empêche pas d’être bien réelle.

 

L’Evangile de Matthieu insiste plus que les autres sur cette présence. C’est cet Evangile qui dans le récit de la Nativité reprend à son compte un nom donné dans l’Ancien Testament au futur Messie, ce beau nom d’ « Emmanuel », qui signifie « Dieu avec nous », et c’est ce même Evangile qui se termine avec cette belle affirmation : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

 

Au terme de cet Evangile, les disciples ne sont pas complètement délivrés de leurs doutes. Mais ils ont devant eux un programme et une promesse.

 

Cela nous montre une chose : c’est que transmettre la foi n’est pas incompatible avec le doute. Nous voyons clairement ici que le doute fait partie de la foi. Car la vision s’adresse à tous les disciples : à ceux qui doutent comme à ceux qui ne doutent pas. Ne faisant donc pas de nos doutes un frein ou un alibi pour notre implication dans la vie de l’Eglise.

 

La prise en compte de nos doutes est salutaire. Dans certains milieux, il n’est pas de bon ton de douter. Alors les gens n’osent plus exprimer leurs doutes pour ne pas paraître de mauvais chrétiens. Mais nier le doute, ce n’est pas le faire disparaître, c’est juste faire naître de la culpabilité. Ce n’est pas en refusant de voir nos doutes que nous les chasserons, ils seront toujours là et nous n’aurons réussi qu’à mettre les autres mal à l’aise. La parole évangélique ne culpabilise jamais.

 

Le doute fait partie de la foi. N’en ayons donc pas peur. Mais n’en restons pas là non plus : avançons tous ensemble, en transmettant la foi, en prenant soin de notre Eglise et en enseignant ceux qui nous rejoignent.

 

Transmettre la foi, prendre soin de la vie ecclésiale et enseigner ceux qui vont venir nous rejoindre, c’est le programme qui va nous être proposé par le « Voyage au pays de la foi », qui commencera la semaine prochaine.

 

Amen.

 

Bernard Mourou

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