Romains 5, 1-5 – L’espérance

Aujourd’hui, nous fêtons la naissance de l’Eglise protestante unie de France. Les deux Eglises qui ont donné naissance à cette union, l’Eglise réformée de France et l’Eglise évangélique luthérienne de France, sont les héritières de la Réforme magistérielle, cette Réforme qui a puisé aux sources de l’humanisme et de la théologie.

Mais qu’est-ce qui était au cœur de la Réforme magistérielle ? Ce qui était au cœur de la Réforme magistérielle, c’était justement ce dont parle ce passage de l’épître aux Romains : la Réforme magistérielle a redécouvert ce que voulait dire être juste par la foi.

Seulement voilà, il n’est pas sûr que l’expression être juste par la foi, soit aujourd’hui comprise sans difficultés. De quoi s’agit-il exactement ? Qu’est-ce qu’être juste par la foi ?

En fait, la Réforme magistérielle a redécouvert une vérité anthropologique, une vérité qui concerne tous les hommes, quelle que soient leur époque et leur culture : elle a redécouvert que, par lui-même, l’être humain est incapable d’établir une relation de confiance avec Dieu et que c’est Dieu qui a rétabli cette relation saine et harmonieuse, que c’est Dieu qui a réconcilié l’être humain avec lui-même. C’est cela qu’on a appelé le salut par grâce, le salut par la seule grâce de Dieu.

Sur ce point, tous les Réformateurs étaient d’accord. Car c’est le cœur du message évangélique : Non pas l’être humain qui se réconcilie avec Dieu par lui-même, par ses propres capacités, mais Dieu, qui rend cette réconciliation possible. Qui la rend possible en supprimant ce que l’épître aux Ephésiens appelle le mur de séparation, le fossé qui existe entre la créature et le Créateur.

Dans l’épître où figure le passage que nous avons lu, l’apôtre Paul écrit à l’Eglise de Rome. Pour cette Eglise qu’il ne connaît pas, mais qui est d’une importance stratégique car elle se trouve dans la capitale de l’Empire, l’apôtre Paul écrit un traité théologique, un traité théologique où il expose les fondements de la foi chrétienne.

Le passage que nous avons lu tire toutes les conséquences de cette réconciliation de Dieu avec l’homme : Cette réconciliation, cette justice qui vient de Dieu, apporte des conséquences en chaîne. La justice nous conduit à la paix, la paix à l’espérance, l’espérance à la gloire de Dieu. Cette gloire de Dieu si chère à Calvin.

Oui, mais voilà, la vie du croyant n’est pas toujours aussi idyllique. Parfois le croyant rencontre des épreuves et des difficultés. Que dire lorsque les choses ne se passent pas on l’attendait ? Lorsque les épreuves et les difficultés viennent obscurcir la vie du croyant ? Lorsque la détresse semble avoir raison de tout ?

Eh bien dans les pires circonstances, l’apôtre indique une autre série de conséquences en chaîne : La détresse nous conduit à la persévérance, la persévérance à la fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée à l’espérance. Cette espérance ne se fonde pas sur des illusions qui viendraient de l’imagination humaine, mais sur la réalité concrète.

Et l’apôtre Paul sait de quoi il parle. Il en a connu, des épreuves et des difficultés. Il se souvient, dans la seconde épître aux Corinthiens, de la fatigue, de la prison, des coups reçus, des dangers mortels, et même d’une lapidation et d’un naufrage.

Cette conviction que la détresse conduit le croyant à l’espérance, Paul l’a reçue d’une Parole extérieure à lui-même. Cette parole extérieure à l’être humain traverse tout le protestantisme. Et on pourrait dire – le Père Jean-Pierre me corrigera s’il n’est pas d’accord – on pourrait dire qu’elle traverse tout le christianisme. Comme le dira le théologien Dietrich Bonhoeffer, croire, c’est fonder sa vie sur une base en dehors de soi-même.

Et c’est parce que le message évangélique est extérieur à nous qu’il est un fondement sûr. Au tout début de la Réforme, voici ce qu’en disait Luther, je le cite : Voilà pourquoi notre théologie est certaine : elle nous arrache à nous-mêmes et nous établit hors de nous, pour que nous ne prenions pas appui sur nos forces, sur notre conscience, nos sens, notre personne, nos œuvres, mais que nous prenions appui sur ce qui est en dehors de nous : la promesse et la vérité de Dieu, qui ne peuvent tromper.

Seulement voilà, il faut bien se rendre à l’évidence. Il faut bien reconnaître que c’est le contraire de l’idéal actuel. Aujourd’hui, l’autonomie de l’individu est valorisée au plus haut point. Oui, mais… lorsque chacun crée sa propre loi, c’est le règne du chacun pour soi. Ce n’est pas l’harmonie, mais le chaos. Ca ne marche pas.

Non, l’espérance dont parle Paul ne repose pas sur une illusion, car elle est toujours extérieure à l’être humain. Dans un cas, l’espérance vient de la déclaration que l’être humain est rendu juste aux yeux de Dieu par la foi en Jésus-Christ. Le fait que par la foi en Jésus-Christ l’être humain retrouve une relation saine et harmonieuse avec Dieu. Dans l’autre cas c’est la dureté de l’existence qui conduit le croyant à cette même espérance. De sorte que l’espérance devient le passage obligé de tout chrétien. Ce n’est pas mal, comme destinée.

Tout est à la fois déjà là et pas encore là. C’est pourquoi l’espérance est nécessaire. Mais la bonne nouvelle, c’est que l’espérance apparaît un but inévitable. Comme un aboutissement obligé. Que les choses se passent bien ou mal. Et nous venons de voir que cette espérance débouche sur la gloire de Dieu. Parce que pour l’apôtre Dieu fait triompher l’espérance dans toutes les situations, même les plus désespérées. Même les pires situations de détresse.

Ce message n’est pas circonscrit au siècle de la Réforme. Non, ce message n’est pas réservé au XVIe siècle. Il est de tous temps et de toutes les époques. Et c’est ce message qu’en ce début de XXIe siècle, notre nouvelle Eglise, l’Eglise protestante unie de France, a la responsabilité et le privilège de transmettre à nos contemporains.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

 

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