Un avenir et une espérance

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Chers Amis,

Chacun fait cette étrange expérience personnelle en ce moment, alors qu’une maladie nouvelle dans le monde nous contraint à renoncer à ce qui fait habituellement le sel de notre vie humaine – les rencontres, les relations et la richesse de leur diversité. Car l’humain est un animal social ! C’est déjà la sagesse antique d’Aristote qui l’affirmait. Nous voilà donc empêchés de vivre le cœur de notre humanité, d’être en lien avec les autres, de prendre notre place dans le concert des conversations, des fréquentations, des débats, des rapprochements et des échanges qui animent notre vie sociale.

Chacun perçoit cette situation avec plus ou moins de confort, avec plus ou moins de souffrance… Beaucoup le disent déjà : ce contexte nous met une fois encore face aux grandes inégalités de nos sociétés. En temps ordinaire, facteurs, caissières, éboueurs, livreurs, techniciens, etc. ne sont pas des personnes dont la profession est particulièrement considérée ; et pourtant ce sont elles, ce sont eux, qui poursuivent leur travail en ce moment pour assurer notre quotidien.

Et que dire de tous les personnels soignants, à l’hôpital ou dans les cabinets médicaux, dont on semble redécouvrir la valeur du travail, son extrême nécessité ainsi que la prise de risque qu’il implique ? En réalisant l’importance de ce qu’ils accomplissent dans cette crise sanitaire, nous nous trouvons aussi renvoyés à nos propres angoisses, à notre peur pour nous-mêmes et pour nos proches. Qui l’eût cru ? Dans ce confinement où nous imaginions peut-être trouver du temps libre, il y a beaucoup à penser, les préoccupations s’accumulent et nous submergent presque parfois, offrant un curieux contraste avec le calme apparent de nos journées.

C’est un trouble profond, où nous prenons conscience en partie du désordre de nos organisations : une économie ultra-libéralisée et mondialisée qui ne résiste pas à la circulation d’un virus ; un environnement saccagé qui trouve seulement du répit dans cette accalmie fortuite, à l’image de l’énorme nuage de pollution qui a disparu au-dessus de la Chine – comme l’évolution des cartes satellites nous l’ont révélé –, ou bien de l’eau des canaux de Venise qui redevient limpide, ou encore de ces habitants des villes qui découvrent le chant des oiseaux et la magnificence d’un ciel étoilé.

C’est aussi une expérience déconcertante pour une Église, pour notre communauté, pour nous tous qui trouvons dans l’Évangile le sens ultime de la vie. Certains considèrent ce temps comme une retraite au désert ; d’aucuns l’interprètent inconsidérément comme une punition divine et invite à la contrition – ce n’est certes pas notre cas. Mais la situation met en question nos habitudes et les fondements de ce qui nous unit : comment proclamer l’Évangile en étant confinés ? Comment témoigner de l’amour fraternel en Christ sans se rassembler ? Comment prendre soin des plus fragiles sans pouvoir se rejoindre les uns les autres ? Comment vivre la diversité et la complémentarité des dons de l’Esprit en Église, en ayant l’impression d’être un corps désarticulé ?

Au milieu de tous ces bouleversements, des questions surgissent : est-ce que rien ne sera plus comme avant ? Est-ce que tout reprendra à l’identique ? De quoi sera fait l’après confinement ? Entre la prise de conscience des dérèglements de notre société et l’inquiétude qui sourd en nous, l’interrogation sur notre avenir prend une teinte nouvelle.

*  *  *

Petit à petit, en nous mettant autrement à l’écoute les uns des autres, en nous mettant aussi peut-être différemment à l’écoute de Dieu, nous essayons de répondre à ces défis. C’est un chemin fécond à poursuivre ensemble. La solidarité s’organise avec des appels téléphoniques, des SMS échangés. On prend soin les uns des autres, on prend des nouvelles. Certains ont peut-être inventé dans leur quartier une solidarité de proximité : faire les courses pour celles et ceux qui se déplacent difficilement, se parler à la fenêtre… Nous inventons des propositions spirituelles aussi : à 18h, un temps de prière en communion avec tous, des cultes en vidéo à retrouver sur le site Internet, des Lettres de nouvelles qui entretiennent le lien communautaire, etc.

Le culte de Pâques sera sans doute très différent de ce à quoi nous nous attendions. Des familles ont dû reporter le baptême qui devait être reçu alors par leur enfant. Mais ce sera aussi l’occasion de nous renouveler spirituellement, de laisser l’essentiel se frayer une route jusqu’à nous. C’est déjà cette Parole qui nous rejoint quand nous écoutons le prophète Jérémie (Jr 29, 11) :

« Je sais bien les projets que je forme pour vous, dit le Seigneur. Ce ne sont pas des projets de malheur, mais des projets de paix, car je veux vous donner un avenir et une espérance. »

Un avenir et une espérance, voilà l’éclatante promesse offerte par Dieu à celles et ceux qu’il aime ! Promesse pleinement accomplie pour nous en Jésus-Christ. Ce qui est devant nous, c’est la paix, elle nous est déjà donnée par le Ressuscité. Notre avenir, c’est l’Évangile, il est déjà à vivre aujourd’hui. Notre espérance, c’est de recevoir cette vie nouvelle qui fait de nous des femmes et des hommes libres, responsables, engendrés par l’amour que Dieu porte à notre monde et à tout ce qui y vit. Frères et sœurs, ne craignons rien, posons plutôt dès maintenant les premières pierres de ce monde nouveau !

Le Seigneur notre Dieu vous bénit et vous garde dans son amour, son compagnonnage s’offre fidèlement à chacune et à chacun. Même au plus sombre de nos solitudes, il est là et sa paix nous est un sûr réconfort !

 

Pasteur Geoffroy Perrin-Willm


 

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