L’être humain n’est pas à vendre

 

Que dire de ce “slogan” ?


Déjà constater que le fait même de l’énoncer avec un point d’exclamation révèle qu’il constitue une revendication, une affirmation à défendre et à faire exister alors qu’il semblerait simplement aller de soi “avec un peu de bon sens”.Ensuite, noter le piège qu’il nous tend : celui de restreindre sa portée. Il n’est pas uniquement question de lutter contre une marchandisation du corps humain et de ses différentes potentialités (de travail, de ressources génétiques, de plaisirs en tous genres, de procréation, …). Un être humain ne se limite pas à un corps, mais a aussi un esprit, des capacités relationnelles, émotionnelles, intellectuelles, créatives, sensibles, etc. C’est bien toutes les facettes de l’être humain qui peuvent être « marchandisées » et qui le sont bien trop souvent. Se rendre compte, aussi, que l’enjeu ne se limite pas à nous dans nos rapports aux autres, mais qu’il concerne aussi notre rapport à nous-même : arrêter d’agir comme si quelque chose de l’autre était à vendre, mais aussi arrêter d’agir comme si quelque chose de nous-même était à vendre.
Le défi lancé par le slogan est de grande envergure. Rares sont les aspects de nos vies qui pourraient ne pas être concernés. Comment penser la “valeur” de l’être humain autrement qu’en termes s’apparentant de près ou de loin à une marchandisation ? Et, au-delà de la simple pensée, comment éviter, en pratique, toute marchandisation de l’être humain ? Le tout sans nier la réalité des dimensions matérielle et “économique” de la vie humaine et la nécessité
d’une certaine gestion de l’espace et du temps dans lesquels elle se déploie ?
Il y a bien des combats à mener contre l’exploitation de l’être humain par l’être humain et les possibilités d’engagements ne manquent pas.
Au quotidien, un chemin sur lequel nous pouvons nous engager est celui de la redécouverte de la gratuité. Oser la liberté de la gratuité. Lui laisser place. Reconnaître sa grandeur. La cultiver. Sans cesse lutter contre l’idée que ce qui n’est pas évaluable en termes marchands n’a pas de valeur. Petit à petit, pas à pas, pour qu’à travers nous il devienne manifeste, comme une évidence à constater, que l’être humain n’est pas à vendre.
Ce chemin est long, et peut-être n’en apercevrons-nous pas le bout. En tout cas, sur ce chemin de vie, nous sommes précédés et attendus : « A celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement » dit Dieu (Apocalypse 21,7).

Emmanuel Rouanet, pasteur

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