24 mars 2019 – Va, je t’envoie : je serai avec toi – Exode 3, v.1-12a – B. Marchand

Exode 3.1-12a (Traduction Nouvelle Bible Segond)

1 Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, qui était prêtre de Madiân ; il mena le troupeau au-delà du désert et arriva à la montagne de Dieu, à l’Horeb. 2 Le messager du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant, du milieu d’un buisson. Moïse vit que le buisson était en feu, mais que le buisson ne se consumait pas. 3 Moïse dit : Je vais faire un détour pour voir ce phénomène extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? 4 Le Seigneur vit qu’il faisait un détour pour voir ; alors Dieu l’appela du milieu du buisson : Moïse ! Moïse ! Il répondit : Je suis là ! 5 Dieu dit : N’approche pas d’ici ; ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sacrée. 6 Il ajouta : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se détourna, car il avait peur de diriger ses regards vers Dieu. 7 Le Seigneur dit : J’ai bien vu l’affliction de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses tyrans ; je connais ses douleurs. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et pour le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel, là où habitent les Cananéens, les Hittites, les Amorites, les Perizzites, les Hivvites et les Jébusites. 9 Maintenant, les cris des Israélites sont venus jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que les Égyptiens leur font subir. 10 Maintenant, va, je t’envoie auprès du pharaon ; fais sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites ! 11 Moïse dit à Dieu : Qui suis-je pour aller auprès du pharaon et pour faire sortir d’Égypte les Israélites ? 12 Dieu dit : Je serai avec toi ; […].

Prédication

Ce texte du livre de l’Exode, qui est proposé aujourd’hui à la lecture, me semble bien convenir pour introduire les assemblées générales de nos associations cultuelles. C’est un récit d’appel et d’envoi, avec une mission : faire sortir le peuple d’un pays de souffrance pour le mener vers un pays “bon et vaste”, nous dit le texte.

Regardons d’abord cet appel.

Moïse a une vie ordinaire. Il s’occupe d’un troupeau. Mais lors d’un jour ordinaire, ses pas en recherche d’herbe verte au-delà du désert le conduisent dans un lieu où il fait la rencontre de Dieu.

Cette expérience nous est sans doute déjà arrivée. Un jour, qui s’annonçait comme les autres, s’est transformé en un jour de rencontre, une rencontre qui modifie notre journée, et qui modifie peut-être même le cours de notre vie. Une fleur, un arbre, un oiseau…peuvent nous arrêter sur notre chemin, nous interpeller et transformer notre relation à notre milieu de vie. Une personne, par un regard, une parole, un visage, peut faire entendre en nous une question, un appel. Notre vie s’en trouve modifiée, pour un moment, parfois pour la vie. Notre compréhension de qui est Dieu nous fait peut-être reconnaître Dieu dans ces interpellations. La personne rencontrée, la fleur, l’arbre, l’oiseau ont été des messagers de Dieu pour nous.

Quand Moïse conduit son troupeau, il s’arrête face à un “phénomène extraordinaire”, une “grande chose à voir”, pourrait-on aussi traduire. Il y a, à proximité, un buisson en flammes, mais le buisson ne se consume pas. Moïse se laisse surprendre par ce qu’il voit. Il se demande “pourquoi” : “Pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ?” Il se laisse interroger par cette vision. Il se laisse même dérouter, mais c’est bien son choix d’y faire un détour. Le texte hébreu insiste sur ce choix : “Oui, je vais faire un détour”, dit Moïse. Oui, je vais porter mon attention sur ce qui m’interpelle. Oui, je me laisse interroger par cette rencontre.

Dieu relève bien que Moïse a fait ce choix du détour : “Le Seigneur vit qu’il faisait un détour pour voir”, dit le texte. Moïse n’a pas passé son chemin ; il n’a pas négligé cette interpellation, non. Il a prêté attention à ce signe qui porte un message pour lui, qui tient le rôle de “messager du Seigneur”. Moïse est prêt à accueillir la rencontre, à accueillir une parole.

Après avoir vu le signe, Moïse entend une parole d’interpellation, un appel : “Moïse ! Moïse !” Et Moïse est bien prêt ; il y répond : “Je suis là !” Je suis présent à mon appel, parce que j’y étais attentif.

Nous pouvons en effet nous demander si nous ne passons pas parfois à côté des signes, des messagers que Dieu nous envoie, personnellement dans notre vie, mais aussi collectivement, pour notre Église. Entendons-nous les appels que Dieu nous adresse ? Répondons-nous, chacun et tous ensemble : Je suis là, nous sommes là ? Une personne qui ose pousser la porte de notre temple pour la première fois ; une famille qui s’adresse à notre Église dans l’attente d’une parole, d’un geste liturgique ; une personne en souffrance à notre seuil et qui n’ose rien demander ; une nature qui montre son déclin…Sommes-nous présents à ces appels ? Je crois que nous ne pouvons pas cesser de nous poser cette question. Notre attention ne peut pas se relâcher, aussi exigeant que cela puisse être.

Moïse est présent à son appel, et fait l’expérience de la rencontre avec Dieu, à travers ce messager qu’est devenu le buisson flamboyant. Le buisson, cet autre, par lequel Dieu se fait entendre, est le lieu de la présence de Dieu. Il est “une terre sacrée”, nous dit le texte, c’est-à-dire une terre mise à part, du fait de la présence de Dieu. Cet autre invite au respect que l’on doit à Dieu : “Ôte tes sandales de tes pieds”, dit le texte. Cette marque de profond respect — comme de détourner son regard — m’engage à considérer l’autre dans sa capacité à être messager de Dieu pour moi. Car c’est bien un Dieu personnel qui se montre. Le Dieu de Moïse est “le Dieu de [s]on père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob”. Dieu n’est pas un Dieu impersonnel ; il est pour chacun, chacune, singulièrement. Il rejoint chacun, chacune dans ce qu’il est, ce qu’elle est.

Voilà. Un jour ordinaire et une rencontre extraordinaire. Extraordinaire, car j’y ai prêté attention ; j’ai fait le détour, et ce détour m’a permis de rencontrer Dieu personnellement à travers l’autre, cette personne qui sera comme le buisson flamboyant de Moïse, les animaux ou les plantes peut-être aussi. J’y ai entendu un appel.

Mais quel appel ? Venons-en enfin à l’objet de cet appel.

Dieu s’adresse à Moïse pour l’envoyer en mission. Pas bien loin : en mission chez lui, au milieu de son peuple. Pourquoi Dieu a-t-il besoin de Moïse ? Parce que nous découvrons que Dieu voit la réalité de notre humanité : “J’ai bien vu”, dit Dieu à Moïse. Nous découvrons que Dieu fait attention, se rend compte, fait l’expérience, comprend ce qu’éprouve notre humanité. Ce sont autant de façon de dire, de traduire que Dieu “connaît” nos peines, notre “affliction”, notre humiliation : “Je connais ses douleurs”, dit Dieu à Moïse au sujet de son peuple. Dieu les connaît en lui-même ; il les éprouve lui-même, et il veut se rendre proche de cette humanité en peine. Il n’est pas resté — entre guillemets — “dans les hauteurs”, loin de sa création. “Je suis descendu”, dit-il, comme il est venu dans le monde en la personne de Jésus le Christ. Dieu vient pour faire sortir son peuple de ses peines. Il confie cette mission à Moïse : faire sortir le peuple hors d’un pays de mort, symbolisé par l’Égypte, vers un pays de vie. “Maintenant, va, je t’envoie […] ; fais sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites.”

Ici, il est sans doute utile de rappeler le sens que portent les mots “vie” et “mort” dans la Bible. Il ne s’agit pas de vie et de mort biologiques : quand notre cœur bat, que nous respirons, ou quand le cœur s’arrête. Il s’agit de vie et de mort spirituelles, c’est-à-dire la vie qui donne sens à notre existence, qui nous enthousiasme et nous lie les uns aux autres, dans une énergie qui nous met en mouvement, alors que la mort spirituelle est emprisonnement, tourment, rupture des relations, etc. C’est de cette mort-là que Dieu veut nous faire sortir.

“Maintenant, va, je t’envoie”. Dieu nous adresse aujourd’hui cet appel à travers ce texte biblique qui nous fait signe et nous interpelle. Alors peut-être réagissons-nous comme Moïse : “Qui suis-je pour aller […] et pour faire sortir […] ?” Mais Dieu accompagne cet envoi d’une promesse : “[Oui,] je serai avec toi”. Ici aussi, le texte hébreu insiste sur ce choix. “Oui, je serai avec toi”, dit Dieu.

Écoutons la parole que Dieu nous adresse : Maintenant, va, je t’envoie. Fais sortir d’Égypte mon peuple. Je serai avec toi. Amen !

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