prédication du 3 janvier 2021

Ephèsiens 3 le mystère de la foi 

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Lecture

Ephésiens 3, 1C’est pourquoi, moi Paul, je suis prisonnier au service de Jésus Christ pour vous qui n’êtes pas Juifs. 2Vous avez sans doute entendu parler de la mission que Dieu, dans sa bonté, m’a confiée en votre faveur. 3Dieu, par une révélation, m’a fait connaître le mystère de son projet. J’ai écrit plus haut quelques mots à ce sujet 4et, en les lisant, vous pouvez comprendre à quel point je connais le projet de salut qui concerne le Christ. 5Dans les temps passés, ce projet n’avait pas été communiqué aux humains, mais Dieu l’a révélé maintenant par son Esprit à ses apôtres et prophètes. 6Voici ce projet de salut : par le moyen de la bonne nouvelle, ceux qui ne sont pas Juifs sont destinés à recevoir avec les Juifs les mêmes biens que Dieu réserve à son peuple ; ils sont membres du même corps et ils bénéficient eux aussi de la même promesse que Dieu a faite en Jésus Christ.

7Je suis devenu serviteur de la bonne nouvelle grâce à un don que Dieu, dans sa bonté, m’a accordé en agissant avec puissance. 8À moi, le moindre de tous les croyants, Dieu a accordé cette grâce d’annoncer à ceux qui ne sont pas Juifs la richesse infinie du Christ. 9Il m’a accordé de mettre en lumière, pour tous les humains, la façon dont Dieu réalise son projet de salut caché. Lui qui est le créateur de tout l’univers, il a tenu caché ce projet depuis toujours ; 10ainsi, maintenant, grâce à l’Église, les autorités et les puissances dans les cieux connaissent la sagesse infiniment variée de Dieu. 11Tout cela est conforme au projet éternel de Dieu, qu’il a réalisé par Jésus Christ notre Seigneur. 12Unis au Christ et par sa foi, nous avons la liberté de nous présenter devant Dieu avec une pleine confiance. 13Par conséquent, je vous le demande, ne vous laissez pas décourager par les souffrances que j’éprouve pour vous : elles vous donnent part à la gloire de Dieu

 

 

Predication 

 

Romans policiers, séries télévisées de Netflix ou autre, Escape  game, en cette période de fêtes, de vacances, de retrouvailles familiales (même masqué et sous effectif limité) sont des occupations bien agréables.

Le ressort est toujours le même : il y a un mystère, un plan secret qui doit être révélé ou découvert mais le plus tard possible sinon cela n’est pas drôle.

Parfois même on est un peu déçu quand on découvre finalement le mystère.

Or ici, Paul (qui aurait donc fait un très mauvais scénariste pour les séries télévisées) nous fait la révélation toute suite… et on n’est pas déçu, je pense !

Comme souvent dans le nouveau testament, le mot tel que nous l’employons dans langage courant  a un sens différent et même contraire : ici mystère veut dire révélation : tout nous est dit tout nous est annoncé.

Pourquoi cette révélation maintenant ? Pour qui cette révélation ?

 

A/ Pourquoi cette révélation au moment où Paul l’a faite ?

A-1 le contexte historique de Paul :

Selon la tradition, Paul serait en prison à Rome en attente d’être jugé par l’empereur Néron lorsqu’il écrit cette épître.

Si tel est bien le cas, on peut donc penser qu’il nourrissait quelques idées sur le fait que cela pouvait finir (je ne dis pas mal finir) dans un proche avenir.

Chacun connaît la réputation de bienveillance et de justice de Néron…

Dès lors, il n’est pas hasardeux de penser qu’il s’est empressé de délivrer un message, une épître, une lettre circulaire aux différentes communautés actuelles et à venir avec son message.

Ne perdons pas de vue que cette époque de la 2e partie du premier siècle est une époque troublée et même très troublée,  où les approches  peuvent se multiplier  et  se contredire ( cf. les évangiles apocryphes par exemple ou les variantes parfois relevées dans le nouveau testament qui n’en sont que la trace) .

Nous avons actuellement le sentiment (sans doute justifié) de vivre une époque troublée : gilets jaunes, COVID avec chacun qui a son avis sur ce qu’il faut dire, faire ne pas dire ne pas faire, crises internationales, difficultés de se déplacer, peur, inquiétude pour soi et ses proches, pour l’avenir des enfants.

Or, au moment où Paul parle : c’est bien pire !

Selon Marie-Noëlle Duchesne dans un article d’Évangile liberté du mois d’avril 2012 (et à propos des textes apocryphes) : « au premier siècle on distingue plusieurs communautés dont les hébreux attachés à leur judaïsme et les hellénistes dont sortiront les pagano chrétiens. Ils s’affrontent sur la dimension ethnique du judaïsme ou l’ouverture  aux paiens, sur le salut obtenu par observance de la loi de Moïse ou le salut acquis par la mort de Jésus… »

Dans la même revue, Rémi Gounelle soulignait que pour certains déjà à cette époque on trouve l’idée que le groupe Jacques, Pierre délivre des enseignements, des paroles qui ne sont pas à mettre entre toutes les mains mais destinées à des initiés (les circoncis).

Chez les judéo-chrétiens Paul n’est pas très apprécié : il est vu comme celui s’opposant à la loi que les chrétiens judaïsant  continuent à respecter.

Si on ajoute à ça que Paul était en grande difficulté avec l’empereur et donc l’autorité politique…

On voit, en définitive, si vous m’avez suivi… qu’il est compliqué de s’y retrouver à l’époque et que, un peu comme aujourd’hui, chacun à son idée sur ce qu’il convient de faire ou d’attendre, de comprendre…

 

A–2 Le message :

je crois que, en réalité, tout cela n’a d’intérêt que par le fait qu’il met en évidence la force du message qui dépasse, fait éclater cette confusion générale pour parvenir jusqu’à nous.

Car, nouveau paradoxe : cette épître aux Ephésiens ne s’adresse pas aux Ephesiens que Paul connaît très bien, ou alors sur un mode un peu ironique peut-être (verset 2« vous avez sans doute entendu parler du service que Dieu dans sa bonté m’a chargé d’accomplir pour vous afin de réaliser son projet… ») : C’est une façon de se placer au-dessus de la mêlée, de s’adresser à tous pour révéler l’essentiel : «l’intelligence du mystère du Christ » c’est-à-dire la pleine compréhension de la révélation «… le pardon des fautes selon la richesse de sa grâce… » C’est ce que Paul énonce déjà dans son adresse.

J’avoue d’ailleurs préférer cette formule très moderne me semble-t-il à celle qui précède «… en lui nous avons la rédemption par son sang… » qui m’a parue plus crue, si je puis dire, mais peut-être aussi plus adaptée à des temps très troublés.

De même, un protestant ne peut pas ne pas être frappé par la notion (selon les traductions) d’héritage reçu : c’est la grâce reçue sans aucun mérite.

Nous savons bien qu’il s’agit là d’un point essentiel qui ne signifie pas qu’il n’y a qu’à rester les bras croisés à attendre !

D’ailleurs le protestant sera nécessairement frappé de retrouver dans ce court texte les 3 piliers de la réforme : la grâce seule, la foi seule, l’Ecriture seule.

  • l’écriture : le message délivré par écrit
  • la foi c’est celle placée en Dieu qui est central dans ce texte plus encore que Christ
  • enfin, je l’ai dit, la grâce qui est reçu sans avoir à la mériter mais qui nous oblige.

À nous de nous engager, partager ou porter cette bonne nouvelle avec la confiance que nous ne sommes pas jugés par nos mérites mais bien plutôt accompagnés, portés.

Et c’est ce que je trouve encore dans la référence que Paul fait à la « révélation par l’esprit »

C’est par lui que Dieu a révélé aux apôtres et prophètes ce qui veut dire que nous sommes nous-mêmes placés un bon niveau.

Mais attention, lire Paul, lire le nouveau testament oblige, vous le savez bien, non seulement à contextualiser historiquement le texte mais aussi à ne pas omettre le sens originaire des mots pour voir un peu plus loin.

Autrement dit, il faut avoir un dictionnaire de grec ancien… ou Yvelines Ricard à portée de  téléphone !

Alors,  on s’aperçoit opportunément que la référence à la révélation que Dieu fait aujourd’hui connaître par l’Esprit aux apôtres et à aux prophètes est non seulement une  façon de lier passé et présent mais c’est encore un envoi vers l’avenir :

En effet, apôtres vient du grec Apostolos : les envoyés.

Ainsi Dieu s’adresse aux envoyés pour le service : nous sommes des serviteurs éclairés par l’esprit.

 

B–alors pour qui cette révélation selon Paul ?

C’est évidemment un point essentiel du message et même le cœur de celui-ci, au moins dans ces versets.

La réponse vous l’avez entendue tout comme moi si bien qu’il ne semble pas nécessaire que je le souligne : pour tous !

La séparation, le mur qui à l’époque s’élève entre juifs et non juifs n’a plus lieu d’être.

Paul a déjà dit que Christ a abattu le mur de la clôture entre païen et juif : « car il est notre paix lui qui des 2 (païen et Israël) a fait une unité en abattant le mur de la clôture, la haine »

En fait et contrairement peut-être à ce que certains disaient à l’époque, Paul, avec son histoire personnelle qui n’a pas été toujours faite de tolérance, veut délivrer un message de réconciliation : avec Dieu, avec soi-même, avec les autres.

Il ne choisit pas entre recherche d’une paix intérieure et extérieure. Les 2 sont proposées ou plus exactement revendiqués et annoncés

C–alors pour nous : quel sens ? Qu’avons-nous à en tirer ?

C–1 Eh bien, je ne pense pas que j’aurai beaucoup de contradiction si je vous dis que nous sommes nous aussi dans une société divisée et qui divise !

Cela s’appelle enfoncer une porte ouverte.

Au passage, certains mauvais esprits (en dehors de ce temple) qui n’ont pas compris ce que laïcité veut dire pourrait se demander si, dire cela, ne serait pas une entorse à loi à la loi de 1905 qui interdit de tenir un discours politique dans le cadre d’un culte.

Mais je suis serein, car si on me cherchait des noises, je sais que je trouverai parmi vous plus plein de bons avocats capables d’expliquer que l’Évangile n’est pas un recueil de contes et légendes, qu’elle parle des maux de toute société et surtout du chemin de réconciliation entre les hommes.

Malheureusement nous avons nous aussi des murs, des clôtures à abattre car elles nous bouchent l’horizon.

Quelle différence de ce point de vue entre le Ier siècle, celui de Paul et le nôtre : il y a des exclusions, des pauvres, des réfugiés, des fanatiques qui sont sûrs d’avoir raison et de devoir faire triompher leurs raisons (qui est d’ailleurs l’exact contraire de ce que nous connaissons nous modernes comme la raison).

Alors, à un moment donné n’est-il pas simplement sage de proclamer que le seul chemin valable est celui de la réconciliation des hommes, du partage d’une espérance commune sans naïveté : les différences existeront toujours (entre juifs et non juifs ou païens par exemple mais pas seulement bien entendu et chacun voit très bien ce qui nous divise aujourd’hui…)

La haine qui est présente, à nouveau ne disparaîtra pas comme ça… Mais si, déjà, nous parvenions, nous chrétiens, nous protestants à contribuer  à ce que cette haine et ces différences ne lèvent plus un mur de clôture entre les hommes en leur les empêchant d’envisager un avenir commun : voilà le plan de Dieu !

A nous d’y travailler, c’est sans doute notre service !

 

C- 2 Alors, c’est bien joli mais qui pouvons-nous, nous ?

Nous ne sommes qu’une petite communauté (même avec ZOOM et les réseaux sociaux) pourtant nous faisons déjà beaucoup et nous faisons sans avoir recherché un quelconque mérite, ce qui libère pas mal : il n’y a qu’à voir : l’entraide, le panier, les demandeurs d’asile accueillis, accompagnés, l’ACAT et que sais-je encore…

Évidemment, il y en aura toujours pour vous dire que ça ne change rien que ça ne compte pas….

Et bien si ça compte ! Si ça change ! Celui qui reçoit un repas mange, celui ou celle qui n’a pas de toit est accueilli, ceux qui ne connaissent pas le français sont aidés pour l’apprendre. Ceux qui sont seuls trouvent un accueil. C’est peut-être pas suffisant pour faire écrouler le mur mais souvenons-nous par exemple de celui de Berlin : quand tout le monde s’y est mis, il a bien vite disparu (il a même fallu préserver des morceaux à certains endroits).

En résumé, nous agissons et nous continuerons d’agir pour faire vivre cette bonne nouvelle : les murs peuvent tomber quand on s’y met !

C–3 enfin, le meilleur pour la fin comme on dit, nous le faisons en confiance, vous le faites depuis un certain nombre d’années et je sais que vous  continuerez à le faire en 2021 car, c’est aussi la bonne nouvelle, vous êtes portés, nous sommes portés par l’Esprit qui insuffle la force, le courage, l’élan nécessaire.

Si je disais ça ailleurs que dans ce temple, je suis sûr que je déclencherai une crise de rires ou alors on me dirait peut-être que je me crois dans Star Wars en invoquant l’esprit et sa force.

Pourtant il n’y a rien de mystérieux : c’est ce qui nous a été annoncé. Simplement nous croyons et partageons cette bonne nouvelle qui fait qu’en cas de découragement on repart, quand on craint pour la relève : elle arrive !

Je répondrai donc assez facilement d’ailleurs que chez nous les retraités ne passe pas leur journée devant la télé à attendre que les heures tournent et que même en période de confinement on trouve les ressources pour réussir de façon extraordinaire une belle vente de l’Avent qui permettra d’apporter un peu plus de soutien encore à ceux qui en ont tant besoin.

Je pense même pouvoir dire que dans chaque famille on a l’exemple d’un jeune qui ne semblait peut-être pas très intéressé par ces histoires de bible, par le  KT et qui  va ou qui a déjà  étonné tout le monde par ce qu’il (elle) entreprendra ou a déjà entrepris pour aider, accueillir… tout simplement aimer son prochain.

Ne perdons pas espoir : l’esprit, sa force sont plus grands que les jeux vidéo et les réseaux sociaux !

C’est pourquoi, pour vraiment finir, je n’ai pas de vœux particuliers à formulé car je suis, comme vous, confiant mais  je voudrai simplement ou d’une façon peut-être un peu lyrique que vous me pardonnerez  proclamer avec Ésaïe (60.–6) le premier texte des lectures du jour : « debout Jérusalem ! Brille avec éclat : en effet, ta lumière arrive, la gloire du seigneur se lève sur toi ! »

Amen

 

Franck Dremaux

3 janvier 2021

Eglise Protestante Unie Marly le Roi  et environs

 

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