Historique

 

Parcours historique de la paroisse réformée de Poitiers

Le XVIe siècle

Peu de temps après que Luther eût rédigé les «Grands Écrits Réformateurs» (1520), ce qui provoqua sa condamnation par le Pape (1521), ses idées parvinrent, par la mer et les îles d’Arvert, jusqu’au Poitou. En 1531, le Parlement condamna au bûcher, comme hérétique, un habitant de Loudun.

Trois ans plus tard, en 1534, Jean Calvin, originaire de Noyon (nord de Paris), converti aux idées luthériennes et, de ce fait, poursuivi par la Sorbonne, arriva à Poitiers. Âgé de 25 ans, ayant déjà soutenu son doctorat en droit et publié, il est accueilli par des universitaires et honoré car il avait été l’hôte de la reine de Navarre. Il resta deux mois dans la ville. C’est alors qu’il décida de se séparer de l’Église de Rome et de fonder sa propre Église.

Il exposa ses idées sur l’eucharistie dans des réunions secrètes. La légende veut qu’il ait célébré alors sa première Cène. Rien ne l’atteste sinon, plus tard et par dérision, un écrivain catholique. A-t-il prêché devant des étudiants dans une des nombreuses grottes dites «de Calvin» ? Dans les caves du Collège Sainte Marthe (l’actuel Collège Henri IV) sûrement.

Calvin a laissé quatre disciples qui propagèrent ses idées sur la Réforme en ville et alentours. Parmi eux, un procureur et un professeur de droit romain.

Trois abbayes des environs passèrent à la Réforme. Un premier noyau s’établit alors qui toucha des universitaires, des juristes et de riches commerçants.
Les persécutions furent violentes: un libraire fut brûlé en 1541.

Sous Henri II, elles redoublèrent. Ceux qu’on appelait encore hérétiques, encouragés par Calvin qui leur écrit de Genève, se réunissaient en secret, lisant la Bible et chantant les Psaumes. Mais, jusqu’en 1554, Calvin leur conseilla de s’abstenir de la Cène «puisqu’il n’y a pas de pasteur pour baptiser les enfants.»
Il leur envoya, en 1555, un des premiers pasteurs formés à Genève, pour organiser l’Église de Poitiers qui est ainsi «dressée», selon l’expression consacrée. Deux ans plus tard, en 1557, des juristes, membres de l’Église, élaborèrent des textes qui définissaient les rôles respectifs des ministres, des diacres et des anciens, élus selon des règles démocratiques. Ce sont les «Articles polytiques de l’Église de Poitiers.»

A la fin de 1558, une assemblée de pasteurs des environs se réunit, sous la direction du pasteur de Paris, Antoine de Chandieu, dans l’hôtel édifié quatre ans plus tôt par un riche marchand de soie, Jean Beaucé. Elle décida de la tenue du 1er Synode de l’Église réformée, qui se réunit à Paris, clandestinement, en 1559. Celui-ci rédigea la Confession de Foi, dite de La Rochelle, et une discipline qui s’inspira largement des «Articles polytiques». Ceux-ci furent donc à l’origine du système presbytéro-synodal des Églises de la Réforme calvinienne.
En 1561, c’est à Poitiers que se réunit le second Synode national.
L’année suivante marqua un arrêt définitif dans le rôle de Poitiers comme capitale protestante de l’Ouest. En mars 1562 débutèrent en effet les guerres de religion qui se poursuivront pendant 40 ans. Louis de Condé, alors à Orléans, était le chef des armées protestantes. Il fit occuper la ville de Poitiers dès le mois de mai et envoya un de ses amis comme gouverneur. Jeanne d’Albret lui expédia du Béarn une troupe de Gascons qui traversèrent la ville et la pillèrent. Les trésors des églises furent fondus dans les dépendances de l’Hôtel Beaucé.

Les chefs réformés de la ville organisèrent alors un iconoclasme sélectif, encore visible sur les façades de la Cathédrale et de l’église Notre-Dame la Grande. Reprise par les troupes royales au début d’août, la ville avait perdu tout son éclat. Elle bascula définitivement dans le camp catholique.
Coligny en fit le siège, sans succès, dans l’été 1569. Deux mois plus tard, son armée fut décimée à Moncontour. De nombreux chefs huguenots furent tués ou faits prisonniers.

Malgré l’Édit de pacification de Saint Germain, favorable aux Réformés, les prêches ne furent pas autorisés à Poitiers. En 1572, la Saint Barthélemy ne toucha guère la ville mais on nota cependant des départs vers l’étranger ou les places de sûreté.
En 1577, Henri III signa, au Doyenné Saint Hilaire, l’Édit de Poitiers qui restreint, une fois de plus, les droits des Réformés. Le culte se fit alors chez François de la Noue, à Montreuil Bonnin puis à Châtellerault.
En 1588, Poitiers se jeta avec enthousiasme dans le camp de la Ligue. Les chefs de famille réformés et leurs amis catholiques modérés durent s’exiler pendant cinq ans jusqu’au rachat de la ville par Henri IV, en 1593.

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Le XVIIe Siècle

Le roi signa en 1598 l'{{Édit de Nantes}} qui accorda un temple pour Poitiers. Celui-ci fut rapidement construit, hors des murs de la ville, sur le plateau Ouest, au lieu dit des Quatre Piquets (rue Rique Avoine). Les Réformés furent tout de suite en proie à des tracasseries, redoublées à partir de la session des Grands Jours du Parlement qui se réunit en 1634. Dans la première moitié du 17ème siècle, 17 couvents furent implantés dans la ville pour contrer l’influence de la Réforme. Néanmoins, en 1664, on comptait encore 120 familles protestantes conduites par trois pasteurs, dont les deux familles qui payaient le plus d’impôts au roi.

En 1659, le roi avait autorisé, à contrecœur, la tenue, à Loudun, du tout dernier Synode national. Les difficultés se succédèrent pour qui professait la foi réformée. Les abjurations se firent nombreuses: la plus célèbre est celle du pasteur de Poitiers, Samuel Cottiby, en 1660.
Puis l’Intendant du roi en Poitou, Marillac, envoya sur ses terres, dès 1681, les premières «missions bottées» qui s’étendirent, en 1685, à la France protestante sous le nom de Dragonnades.
Cette même année, Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes, ce qui accéléra les départs vers l’étranger, que l’on appelle le Refuge.

Le temple des Quatre Piquets fut détruit. La chaire en fut confiée à l’église Notre Dame la Grande. Contrairement à ce que l’on croyait jusqu’à présent, ce n’est pas celle que l’on peut voir actuellement dans cette église, car cette dernière provient du couvent des Filles de Notre Dame. La chaire du temple a disparu, probablement à la Révolution.
Après une certaine accalmie, les persécutions reprirent: un prédicant fut brûlé à Poitiers en 1738, et en 1750 un seigneur huguenot fut pendu.
La Révolution française ne trouva plus de protestants dans la ville, sauf 14 soldats suisses en soins à l’Hôtel-Dieu.

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Le XIXe Siècle

Les articles organiques octroyés par Napoléon en 1802 accordèrent un Consistoire à Rouillé où de nombreux protestants avaient été recensés. En 1852, il fut transféré à Lusignan.
Des pasteurs itinérants assurèrent la désserte jusqu’à l’arrivée, en 1827, du pasteur Pierre Souché.Personnalité marquante, il fut le président du Consistoire jusqu’en 1868, dix années avant son décès. Poitiers faisait partie de ce consistoire mais la communauté réformée mit longtemps à se reconstituer. En 1841, elle comptait 45 fidèles réunis autour du Préfet Ernest de Pelet et de sa famille. Celui-ci sollicita la création d’un poste de pasteur qui fut accordé l’année suivante par le Ministre des Cultes. Le pasteur Pertuzon arriva mais ne resta pas.

Il fallut attendre 1843 pour que le pasteur Pierre Poupot, un ami de Souché, soit installé à Poitiers, tout d’abord comme suffragant puis comme titulaire; trois ans plus tard. C’était un brillant intellectuel, de tendance libérale, opposé aux évangélistes fondamentalistes. Républicain, il se présenta aux élections mais ne fut pas élu.
Dans son ministère, il eut tout à créer, or il desservait 39 communes. Il fit de l’évangélisation à Châtellerault et à Neuville où il créa une école protestante. Il était chargé de l’enseignement religieux des élèves protestants du Collège, mais il eut beaucoup de difficultés à contacter les pauvres à l’hospice, les malades à l’hôpital ou les prisonniers à cause de l’hostilité de la direction de ces établissements. Poitiers était alors considérée comme une seconde Rome, le protestantisme n’était pas le bienvenu.

Poupot fit d’abord le culte dans une salle prêtée par les Francs Maçons puis, dès 1855, dans la salle de Justice de Paix. Juste avant sa mort, survenue en 1863, il écrivit au Maire afin d’obtenir un temple pour la paroisse.
Celui-ci fut érigé, quelques années plus tard, dans la foulée de la construction de la Préfecture: un projet classique de grande envergure fut proposé en 1869 par l’architecte du département. La guerre de 1870 arrêta le projet. La 3ème République manquant d’argent, ce fut un petit temple de style néogothique qui fut construit en 1873 et inauguré en 1874. Moins imposant, il avait l’avantage de jouxter le presbytère et d’être bien situé.
Mais pendant longtemps il n’eut pas de système d’éclairage.

Trois pasteurs succédèrent à Poupot jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905. La paroisse comptait, au début du siècle, 760 protestants répartis sur les territoires de Poitiers, Châtellerault, Neuville, Vivonne et La Chapelle Montreuil.
Les articles organiques n’avaient pas autorisé la reprise des Synodes nationaux; ils furent rétablis en 1872 par la Troisième République. Jusqu’à la fin du siècle, s’opposèrent alors, dans le protestantisme, les orthodoxes, ou évangéliques, et les libéraux, chaque faction ayant ses propres assemblées. L’Église de Poitiers, libérale mais modérée, aspirait à une union de ces tendances, tout en gardant le libre examen de la Bible et rejetant l’usage de la Confession de Foi.

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Le XXème siècle

C’est un libéral, le pasteur Dumas, qui eut pour tâche de déposer à la Préfecture, en 1906, les statuts de la nouvelle Association Cultuelle de l’Église réformée de Poitiers. Le Conseil presbytéral devint alors le propriétaire du temple dont les frais incombaient à la paroisse. Il fallut aussi revoir le système des cotisations pour assurer les salaires et les retraites des pasteurs. Le Conseil songeait, malgré tout, à construire un temple à Neuville.

Le jeune pasteur Valette arriva en 1910; deux dames sont alors autorisées à siéger aux réunions du Conseil. Le pasteur est mobilisé en 1914 et remplacé en 1918 par le pasteur Lhoumeau. Le pasteur de Neuville avait assumé l’intérim.
En 1920, une troupe d’éclaireurs se forme à Poitiers, mais à Neuville on ne dénombre plus aucun protestant (le terrain prévu pour le temple sera vendu).
C’est alors qu’est achetée une petite automobile Peugeot pour desservir le reste de la paroisse, en particulier Châtellerault où on espère un poste de la Société Centrale d’Évangélisation.
L’année 1938 vit enfin l’unification de la majeure partie des Églises réformées sous la dénomination d’Église Réformée de France, à la satisfaction des paroissiens de Poitiers qui se souvenaient avoir été, en 1558, à l’origine du système synodal.

La guerre de 39-45 amena un afflux de réfugiés qui augmenta le nombre des fidèles; le temple devint trop petit. La paroisse fut amputée de sa partie orientale par la ligne de démarcation.
En 1942 arriva le pasteur Jean Rivierre; il restera 20 ans et eut une tâche difficile pour ses débuts. Par manque de carburant la desserte était aléatoire; il avait à visiter des prisonniers répartis dans plusieurs camps et n’obtenait pas toujours l’aval des autorités.. Enfin, dans la nuit du 13 juin 1944, le temple fut anéanti lors d’un bombardement qui ravagea la ville. Seuls restèrent la Bible sur la table de communion et, heureusement, le presbytère et ses occupants.

Quelques mois auparavant, Jean Rivierre obtint du Conseil le rétablissement de la lecture d’une Confession de foi dans la liturgie, marquant ainsi la réalité de l’union des Églises réformées.
Après la guerre, il fallut reconstruire le temple. Le pasteur et le Conseil presbytéral, sous l’impulsion de son vice président, M. Hugues et du secrétaire, Pierre Dez, se démenèrent auprès des autorités pour obtenir des dommages de guerre ainsi que des subsides du Conseil Oecuménique des Églises. Les paroissiens eurent à fournir de gros efforts financiers.
Le nouveau temple fut inauguré le 3 mai 1951, en présence de 1400 personnes qui débordaient largement sur la rue des Ecossais. Le pasteur Boegner, assisté des 25 pasteurs du Consistoire et d’anciens pasteurs de la paroisse, en assura la dédicace, tandis que Madame Marie-Louise Girod inaugurait le nouvel orgue par un concert.

Un an plus tard fut inauguré à Châtellerault un petit temple situé Boulevard Blossac. Il sera revendu en 1963; la paroisse s’installe alors au sud de la ville.

L’Église de Poitiers hébergea, en 1958, son 2ème Synode national, après celui de 1561. Cet évènement fut l’occasion pour le pasteur Rivierre, éminent historien du protestantisme, de rappeler à tous les participants les débuts glorieux de la Réforme dans la ville.

 

†Arlette Roy

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