Le protestantisme en Septimanie au XVe et XVIe

Au XVIe s., la région bénéficia d’un essor démographique, dû à la fois à la disparition des épidémies, à l’accroissement naturel et aux immigrants venus du Nord et du Massif Central. L’économie était fondée sur la polyculture méditerranéenne : froment, vigne, olive, châtaigniers, jardins et élevage. La vigne s’étalait près des villages côtiers comme Frontignan et Mireval où se rendit Rabelais. En revanche, l’industrie stagnait. Il existait de petits centres textiles comme Uzès, Montpellier, Clermont-l’Hérault, Saint-Pons, Béziers, Limoux et Carcassonne.

Mais les étoffes étaient de qualité médiocre. Les toisons des ovins des Cévennes ne suffisant plus aux besoins, il fallut importer des laines d’Espagne. Les artisans du textile étaient d’ailleurs mobiles, entre Espagne, Catalogne et Languedoc.

On relevait cependant un point positif : les houillères d’Alès reprirent leur activité et on exportait le charbon cévenol. L’élevage du ver à soie progressait dans les Cévennes, concentré autour d’Anduze. Le roi Henri IV prit des mesures pour étendre sa culture. Au XVIIe s., Colbert, surintendant des finances de Louis XIV, introduisit la fabrique des bas de soie dans la région.

Sur le plan culturel, les hommes se distinguaient par l’usage de la langue : les groupes sociaux les plus favorisés devenaient bilingues, alors que les classes populaires ignoraient encore la langue d’oïl. Le français restait la langue du livre, des actes notariés, de la religion, des correspondances amoureuses ou de l’hérésie. Artisans citadins et marchands s’ouvrirent à l’écriture et c’est ce noyau d’instruits urbains qui offrit à la Réforme protestante son premier appui.

La Réforme

Elle arriva dans la région dans le premier tiers du XVIe s. et s’y enracina rapidement. Sa propagation suivit les grands axes, les plaines et les vallées, notamment la vallée du Rhône, importée par les universitaires, les marchands et les colporteurs de Bibles. Elle gagna d’abord les villes, en particulier Nîmes, Uzès, Montpellier, Pézenas, ou Mende.

Uzès, par exemple, devint une véritable capitale huguenote. Dès 1546, son évêque et une partie du clergé passèrent à la Réforme. De même, Aigues-Mortes devint vite un port protestant.

Entre 1525 et 1570 se mit en place la puissance huguenote des Cévennes : la montagne cévenole devint le personnage central du calvinisme occitan. La Réforme se propagea par l’artisanat des bourgs et les marchands de soie voyageant entre Genève et Anduze. Les cordonniers étaient surnommés les « huguenots du cuir » et leurs boutiques servaient d’officines de propagande.

La Réforme voulait interpréter différemment les textes sacrés et définir une nouvelle théologie. Elle estimait aussi que le catholique était encore entaché de paganisme et souhaitait en faire un homme nouveau.

Les protestants se lancèrent en campagne contre certaines coutumes : danses, festins, folklore, jeux. La messe fut proscrite, la Vierge-Mère dévalorisée. La diffusion des idées nouvelles s’accompagna d’une forme d’acculturation par les livres imprimés, pour la plupart, des livres d’Église. Signe de l’imprégnation du protestantisme dans les mentalités : les prénoms de saints furent remplacés par des prénoms tirés de l’Ancien Testament. En même temps, les protestants s’approprièrent la terre d’Église et refusèrent de payer la dîme.

Les guerres de religion

De 1559 à 1598, l’Europe fut déchirée par les guerres de religion. Dans la région, les protestants se soulevèrent, d’abord à l’est, à Nîmes dès 1560, puis dans les villes des Cévennes, de Camargue, à Aigues-Mortes, Montpellier.

La réaction catholique ne se fit pas attendre. La même année, le comte Villars, lieutenant du roi en Languedoc, monta aux Cévennes à la tête de quelques bandes armées, dissipa les huguenots ou « mal sentants » de la foi et rétablit la messe. Mais la répression ne pu freiner le mouvement protestant.

Les principales églises cévenoles furent dressées en quelques mois. Dans certaines villes, les huguenots s’emparèrent du consulat, comme à Montpellier ou à Nîmes. Eglises, cathédrales, reliques et statues étaient saccagées, alors qu’on tuait des ecclésiastiques.

Calvin lui-même appela à la modération.

La résistance catholique s’organisa. Les escarmouches et les massacres se succédèrent : en 1562, par exemple, les réformés furent chassés de Narbonne, massacrés à Carcassonne.

À l’inverse, en 1567 eut lieu la « Michelade » de Nîmes au cours de laquelle environ deux cents prêtres et notables catholiques furent tués. La cité était alors qualifiée de Genève languedocienne.

En 1570, le catholique Henri de Montmorency, gouverneur de Languedoc, constitua le Tiers-Parti. Sa mission était de réaliser la tolérance dans la province. En 1572, la saint Barthélémy eut peu de conséquences en Languedoc, mais la guerre n’était pas finie pour autant. Montmorency assiégea Sommières défendue par des huguenots. Finalement, il conclut des trêves et décida de respecter le bloc des Cévennes constitué de quatre-vingt villages fortifiés d’où la messe avait disparu. Le roi jugea alors cette tolérance suspecte et, en 1574, limogea le gouverneur.

La région était alors divisée en deux : l’est réformé d’un côté, de l’autre l’ouest, plutôt papiste. Narbonne rejoignit notamment la Ligue catholique. Les huguenots organisèrent les « Provinces unies du Midi », fédération de petites républiques.

Le Midi protestant voulait la liberté de culte pour tout le royaume. Le Roussillon, profondément catholique, appartenait alors à l’Aragon et à la Castille et vivait à l’écart du mouvement réformateur.

Sur le plan social, les huguenots étaient en majorité des hommes jeunes et riches, bourgeois, marchands et artisans. La noblesse et le petit peuple restaient en général fidèles au pape.

Le protestantisme languedocien présentait une double originalité. D’une part, il réussit à s’enraciner dans un pays marqué par la romanité : les Cévennes et le Bas Languedoc constituent en effet l’un des très rares cas de réussite d’implantation de la Réforme en pays méditerranéen et latin. D’autre part, le protestantisme pénétra aussi le milieu paysan, souvent fermé aux idées réformées en France.

Intervention royale

Après quelques décennies d’accalmie, au cours desquelles catholiques et protestants se partagèrent les pouvoirs, la tension remonta.

En 1621, Montpellier et Nîmes, bastions du protestantisme, se soulevèrent. Le 30 août 1622, Louis XIII mena ses troupes sous les murs de Montpellier. Après des combats acharnés, la ville se rendit. La paix de Montpellier, signée en octobre, confirma l’édit de Nantes, mais la cité devait désormais supporter une garnison de l’armée royale. Une citadelle fut construite, tournée vers la ville pour mieux la surveiller. Montpellier allait devenir un point fort de la reconquête catholique.

Les guerres menées par le duc de Rohan et les protestants dans la partie occidentale des Cévennes s’achevèrent, elles aussi, par une défaite des rebelles. L’édit de grâce d’Alès confirma à son tour l’édit de Nantes, à condition que les fortifications des places huguenotes soient détruites.

C’est alors que les interdictions commencèrent : le culte réformé fut interdit dans certaines bourgades, comme à Gignac, ainsi que dans le diocèse de Narbonne ; en 1652, les protestants furent exclus du consulat ; en 1663 débuta le rasement des temples.

En 1685, Louis XIV proclama l’édit de Fontainebleau qui révoqua celui de Nantes. Une longue période de persécutions était dès lors ouverte, contraignant les protestants à la clandestinité, à l’abjuration ou à l’exil.

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