Des femmes puissantes

Voici un nouvel épisode de notre feuilleton Kiliba. J’ai envie de vous parler des femmes qui vivent dans le village. Ce sujet est impossible à traiter si ce n’est en partageant avec vous de très belles rencontres. Voici en quelques touches le portrait de certaines de ces femmes.

Je commencerai par celle qui est mon amie : Marie Angelina Tulizo. Elle s’est mariée avec un Réverend  pasteur qui lui a donné 9 enfants. La famille était très heureuse. Malheureusement Marie Angelina s’est retrouvée veuve. Deux de ses enfants ont été élevés par la famille qui est très présente. Pour élever ses autres enfants, elle a dû faire des études pour devenir institutrice. Aujourd’hui elle enseigne à l’école primaire et est responsable, en plus,  des 40 boursières dont nous nous occupons ici. Elle les considère comme « ses filles » et les aide à devenir des femmes instruites et responsables.

Vous connaissez la mère de Solange, vous l’avez vu en photo dans un de nos épisodes. C’est la jeune dame qui tient avec délicatesse le bras de sa petite fille qui sort de l’hôpital après des soins douloureux. Les mamans sont souvent très proches de leurs enfants et l’amour maternel n’est pas un vain mot.

Malheureusement, il arrive que la vie soit cruelle. Dorcas a subi un inceste et il lui est né une petite fille. La société rejette les mamans seules mais pensez à notre comportement d’Occidentaux d’il y a 50 ans ! Dorcas a du mal à vivre en complicité avec sa fille.

Deux sœurs ont été opérées de la cataracte par le Docteur Bineau il y a quelques années. Une des sœurs a non seulement retrouvé la vue mais peut se déplacer grâce à un fauteuil roulant. Cette jeune femme qui ne pouvait quitter la maison a maintenant une vie sociale dans le village car, entre autres choses, elle peut chanter dans une des nombreuses chorales.

La directrice de l’école maternelle est une petite femme déterminée qui prend à bras le corps sa responsabilité. Non seulement elle est très soucieuse de promouvoir la meilleure pédagogie qu’elle peut apporter aux jeunes enfants mais elle a œuvré pendant plusieurs années pour que les 3 classes de son école soient reconstruites. C’est chose faite aujourd’hui.

 

Le rôle principal des femmes est de tenir la maison mais aussi de cultiver le manioc. Les hommes vaquent à d’autres occupations. Ce travail est dévolu exclusivement aux femmes. Quand on sait que le manioc est l’aliment de base de la famille, le moindre empêchement d’une maman à travailler aux champs est catastrophique pour la famille. C’est la raison pour laquelle il est important que les femmes apprennent à diversifier l’alimentation. C’est ce que Mama Tulizo  enseigne à nos boursières lors de séances d’atelier cuisine.

Le dénuement est une chose terrible :

Une  jeune maman qui ne mangeait pas à sa faim n’avait plus de lait à donner à son enfant. Elle n’avait pas non plus l’argent pour lui acheter du lait maternisé (le Nido).Elle a donc pensé bien faire en lui donnant du lait de vache. Malheureusement, l’enfant n’a pas supporté cette alimentation inadéquate et s’est retrouvé à l’hôpital dans un état grave.

Une maman a accouché de jumeaux. Comment subvenir aux besoins de 2 enfants fragiles quand on ne peut leur donner du lait spécial et de ne pouvoir acheter qu’un biberon pour deux !

Beaucoup d’enfants meurent en bas âge. C’est un drame à chaque fois.

Si j’ai donné le titre de « Femmes puissantes » à cet épisode, c’est en particulier à cause d’une rencontre que j’ai faite avec environ 400 femmes lors de la fête des femmes un 8 mars. Elles sont venues à pied ; quelques unes ont fait une route de 70 km dans la montagne pour assister à cette fête dont j’étais l’invitée d’honneur. Nous nous sommes retrouvées à l’église pour un culte et pour chanter. Elles avaient mis leurs plus belles robes et 5 ou 6 chorales se sont produites. C’était la fête. Puis elles m’ont demandé de leur expliquer comment les femmes vivaient en France. J’ai donc parlé de la vie ici mais ce qui les a le plus enthousiasmé c’est quand je leur ai dit que les femmes en France avaient des cuisinières pour cuire les aliments, que nous avions l’eau sur l’évier… Mais ce qui a été le plus grand choc ça été la machine à laver. Depuis, elles en rêvent !!

Nous avons ensuite parlé de leurs projets. Elles veulent aller de l’avant. Devenir autonomes. Passer le permis de conduire pour aider les femmes disséminées dans la campagne à rentrer avec leur lourde charge de manioc. Conduire les tracteurs pour ne plus travailler la terre à la houe. Se mettre en associations etc…  Voilà où elles nous attendent pour que nous puissions les aider à monter des projets solidaires.

 

La plupart des femmes ont beaucoup d’enfants, une moyenne de 8 je crois. Beaucoup aimeraient prendre un contraceptif. Ce médicament approprié aux pays chauds existe. Il s’agit d’une puce que l’on met sous la peau et qui est actif pendant 3 ans. Malheureusement il coûte environ 15 $  ce qui est trop cher pour beaucoup d’entre elles.

Depuis plusieurs années  maintenant, des femmes veuves sont soutenues par l’Eglise et ont organisé des ateliers que nous supportons aussi. Exemple : un atelier couture.

 

Le changement de mentalité viendra en particulier par les femmes. C’est pour cela qu’il est indispensable que toutes les filles puissent aller à l’école. Ce sont elles qui éduqueront leurs filles et leurs garçons pour que chacun trouve sa place en complémentarité et dans le dialogue.

Je terminerai cette série de portrait par Rachel. Elle a été une de nos boursières pendant plusieurs années. Elle a refusé un mariage car elle voulait faire des études supérieures. Elle a été aidée par certains d’entre nous. Elle a étudié pendant 3 ans à l’institut pédagogique à Uvira. Elle est  devenue professeur d’informatique à l’école secondaire de Kiliba depuis quelques semaines. Son rêve s’est réalisé.

*Certains noms de protagonistes ont été changés

Vous pouvez maintenant, c’est ce que j’espère, après cette série de portraits,  vous promener en imagination dans le village et rencontrer telle ou telle de ces femmes puissantes.

 

Martine Durand avril 2015    

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