Méditation (aumônerie synodale 16 novembre 2013)

Quelle est notre épreuve aujourd’hui : certainement l’emploi du temps de ce synode jusqu’à notre coucher… Même si nous nous sommes réjouis d’être ensemble hier soir, nous allons continuer de nous réjouir avec la vie régionale et le rapport du conseil régional, nous allons prendre le temps sur la constitution et le règlement d’application, plonger dans les finances, partager sur notre manière de nous saisir de la question de la fin de vie à la suite du synode national, faire notre plus beau sourire pour immortaliser notre état avant l’assemblée générale de l’Acrepu de Nord Normandie, de prendre un temps sur le parc Auto et de relever la tête sur nos vœux.

Peut-être que le premier des vœux sera : pourquoi moi ? Pourquoi ai-je été appelé à cette mission synodale ? Etait-ce raisonnable de penser à moi ? Honnêtement, je ne suis pas Moïse. Sa vocation a un caractère exceptionnel, comme celle des autres personnages bibliques. Mais moi, pourquoi Dieu m’appelle, pourquoi nos paroisses nous appellent ainsi aussi au service en étant ici ?

Toutes ces questions ont peut-être traversé votre esprit quand ouvrant votre dossier synodal vous avez découvert la réalité de ce que cette journée nous réservait. Heureusement, Dieu à chacun et chacune d’entre nous, promet aujourd’hui comme demain encore sa force pour que nous puissions lui être fidèles. Cette force se reçoit comme une grâce qui nous est faite, là, maintenant. Oui, écoutons Dieu nous parle et nous ouvre notre route vers Lui, à son service et aussi vers nous-même. C’est pourquoi, je vous invite à prolonger notre chemin pour oser répondre quand Dieu appelle en passant maintenant à ce texte de l’appel de Jérémie, au chapitre premier de ce livre, les versets 4 à 10.

Lecture Jérémie 1, 4-10

Méditation (partie 2)

            Comme Jérémie nous sommes appelés par Dieu, comme lui nous doutons parfois d’être la bonne personne. Comme Jérémie nous luttons même parfois avec nous-même et le monde qui nous entoure. Mais alors comme Jérémie, même et j’oserai dire surtout, inexpérimenté, notre vie peut être marquée par notre relation à Dieu, sa parole d’assurance. Nous pouvons trouver dans cette relation la force de persévérer. Avancer avec courage, vivre jusqu’au bout la solidarité. Comme d’autres avant lui, comme nous peut-être aujourd’hui quand il nous faudra prendre la parole devant cette assemblée, « Jérémie a peur de ne pas être compétent, qualifié ou prêt. Mais Dieu repousse son excuse, l’envoie avec autorité vers sa mission et l’assure de sa présence. Dieu demande-t-il l’impossible ? Faut-il être un héros de la foi ? Le courage n’est-ce pas aussi d’accepter de ne pas être à la hauteur ? » Voilà autant de question que nous propose le commentaire en marge de notre passage dans Ze Bible valable pour Jérémie,  les autres personnages bibliques mais aussi chacun, chacune d’entre nous dans ce que nous vivons les uns et les autres.

Ici comme chaque jour de nos vies ce qui compte c’est la Parole du Seigneur. On ne sait pas pour Jérémie comment elle jaillit, en tous les cas, elle est donnée, digérée et va jusqu’à toucher déjà la bouche avant de prendre le chemin du cœur. L’objection d’être trop jeune est une mauvaise objection, il n’y a pas d’âge pour être appelé. Le pauvre Jérémie n’a pas vraiment le choix, il devra aller voir tous ceux vers qui il sera envoyé pas simplement pour les visiter mais pour leur dire tout ce que Dieu lui ordonnera. On peut penser ici à ce que vivra un autre prophète, le cher Jonas, qui est envoyé à Ninive et qui pense pouvoir échapper à sa mission en partant à l’opposé. La suite vous la connaissez, il ira bien à Ninive en passant par diverses étapes dont celle d’une Résurrection dans le ventre d’un gros poisson. Être appelé est toujours interpellant, on ne part pas toujours en courant dans la joie de notre mission. Il nous faut digérer l’appel, c’est pourquoi il y a en plus dans ce passage ce toucher de la bouche de Jérémie par la main de Dieu qui est à recevoir comme un passage de relais pour la Parole, ce relais de la Parole qui est  au centre de la mission du prophète.

Alors même si nous n’avons pas reçu cette main posée sur nos bouches pour relayer la Parole de Dieu, je suis sûr que « Dieu a quand même un plan pour chacun d’entre nous. Dieu a une volonté précise pour nous, pour notre vie. Il nous appelle [même] à employer notre vie d’une certaine façon. »[1]

 

« Et c’est là que tout se complique, naturellement, puisque Dieu, mon Seigneur, veut se servir de moi !… Lorsque Dieu me dit : je t’ai prévu pour telle chose, à telle place, et c’est ta place ; ta place dans le monde, ta place dans mon projet, c’est d’être ceci, c’est de faire cela. Alors je ne comprends pas, ou même je trouve de très bons arguments contre. Parce que j’ai moi-même ma propre conception de ma place dans le projet de Dieu et dans le monde. Je sais très bien ce qu’il me faut faire, où il me faut être, ce qu’il me faut dire et taire, garder et changer. Je connais ma place et je passe ma vie à essayer d’y conformer le monde entier. Oui, je connais ma place, et je passe ma foi, je passe mes prières, à essayer d’y conformer le projet de Dieu. […]Mes frères et sœurs, voici donc une bonne nouvelle : Dieu résiste à mon propre projet pour lui ! Dieu ne fait pas ce que je veux. C’est une vraie bonne nou­velle, même si c’est parfois douloureux de le réaliser […]! C’est que Dieu est plus grand que les ca­ges dorées où je veux l’enfermer, il est plus grand que ma vision du monde et de moi-même. Alors oui, vraiment, puisque Dieu n’est pas mon prisonnier, puisque c’est lui qui règne et non pas moi, alors lui, il pourra me li­bérer de moi, il pourra me libérer de ma propre tyrannie. Il pourra faire de moi un homme vraiment libre, un sujet. Mais en attendant, moi, je résiste… « Je suis trop petit », « Je ne sais pas parler », etc… Ça, vous pouvez le décliner sur tous les tons : « Je suis trop vieux », « Je ne suis qu’une femme », « Je ne suis qu’un homme », « D’autres le feront mieux que moi », « Il faudrait être plusieurs »… J’en passe, et des meilleures ; je vous laisse imaginer ou vous rappeler les vôtres, d’excuses, lorsque Dieu s’est adressé à vous, lorsque Dieu s’adresse aujourd’hui à vous, par la voix de l’Eglise, ou d’un frère, ou d’une sœur, par celle d’un étranger, ou par deux lignes d’un texte biblique, par un songe ou par une vision,…[…]Finalement, ce que nous enseigne Jérémie dans le récit de sa vocation, ce que nous enseignent toutes ces histoires bibliques où tel homme, telle femme, est appelé par Dieu à son corps défendant, c’est que le secret de ma vie est dans la parole du Dieu qui s’adresse à moi. »[2]

Oui Seigneur,

« Tu as gravé nos noms dans la paume de ta main, non pas les noms que donnent nos traditions, non pas les noms qui nous enferment dans la répétition. Mais un nom unique qui raconte qui nous sommes, le nom avec lequel nous entrons dans ton royaume.

Tu as gravé nos noms dans la paume de ta main. Tu n’y as pas gravé nos codes génétiques mais la musique intime d’un nom par toi seul connu.

Tu as envoyé ton fils comme pour ouvrir ta main. Qu’il y déchiffre pour nous ce nom que tu nous donnes. […]

Il nous faudra peut-être une vie pour porter notre juste nom. Mais ne permet pas, Seigneur que nous entendions le tien sans qu’il nous déplace et ouvre en nous l’espace pour ta Parole. »[3]

 

[1] Prédication de Jean-Christophe ROBERT pour le 28.01.2001 au temple de Saint-Germain-en-Laye.

[2]Prédication de David MITRANI pour le 09.11.2003 à Châteauneuf & Jarnac (16).

[3] Marion Muller Colard, Comme la première foi. Prier, Editions Passiflores, 2013, p.40s.

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