Message d’exhortation

Sur une session synodale d’une journée, comme dans tout synode régional, il n’y a pas obligation de message. Alors ce n’est pas un message, mais je n’ai pas trouvé d’autre mot à mettre sur l’emploi du temps. C’est plutôt une exhortation et un envoi.

            Une exhortation et un envoi parce que nous pourrions avoir l’impression d’avoir vécu ce synode électif de renouvellement du conseil régional et de nos délégations au niveau du synode national, en disant : « Bon, ben voilà, c’est fait ; c’est reparti pour quatre ans, plutôt trois ans et demi, on se retrouvera pour faire la même chose à ce moment-là. » comme si cela était banal. Je pense que tous ceux et toutes celles qui ont accepté une de ces responsabilités, l’ont fait dans un esprit de service conscients de dossiers, de réflexions de vie d’église, qui font que ce n’est jamais anodin d’accepter de se présenter au vote d’un synode. Ce n’est jamais anodin, parce que seul celui qui accepte sait avec quoi il accepte, avec quels dossiers, avec quelle force, avec quelles espérances, mais aussi avec quels doutes, avec quelles limites.

            En écoutant tout à l’heure le travail de retour des groupes, j’ai trouvé très intéressant de voir que le dernier synode avait lancé ces idées et qu’aujourd’hui parce que les groupes de travail n’étaient pas les mêmes, nous n’étions plus sûr de telle idée, de tel projet. Et que ce qui avait paru génial comme idée en novembre dernier, on n’en voyait peut-être pas aujourd’hui le sens. Je trouve que c’est significatif de la marche en synode. C’est peut-être de ne jamais être sûr du projet ou de la façon dont le projet se réalisera devant nos pas et avec nous, selon les partenaires qui répondront présents pour relever les défis, selon les dons qui seront mis au service des projets, selon aussi les moyens qui seront abandonnés à la réalisation des projets. Et je pense à la réponse qu’a faite Eric [Georges] tout à l’heure pour en savoir plus sur le projet d’un journal régional, je reprendrai cela comme exemple.

            Nous sommes nombreux, et moi le premier, à espérer voir une communication régionale en Nord-Normandie. Mais, je suis le premier à me dire aujourd’hui, dans le cadre de la desserte : « Est-t-on prêt en synode à déplacer un pourvoi de poste vers un informateur régional ? Est-t-on prêt à déplacer un pourvoi de poste vers un animateur régional jeunesse ? comme nous le souhaiterions » Peut-être que nous devrions être prêts. Mais, à ce moment-là, se pose la question de quel lieu de non pourvoi et des finances nécessaires à cela, alors qu’aujourd’hui aucune des églises locales de notre région dit au conseil régional et au synode : « Nous sommes vacants, mais on n’a pas besoin pour l’instant de pourvoi. »

            Nous sommes le premier synode de l’Eglise protestante unie en Nord-Normandie, nous sommes le dernier synode de l’Eglise protestante unie en région Nord-Normandie telle que nous la connaissons géographiquement. Au mois de novembre prochain, nous serons avec d’autres partenaires, nous serons avec d’autres attentes. Avec le trésorier du conseil régional, nous nous sommes tournés à l’occasion de la dernière commission nationale des finances, vers notre union pour dire : « Quels choix devons-nous faire et à quel prix ? » Choisir de faire des coupes franches, je crois que ce n’est pas la façon dont le conseil régional sortant a souhaité travailler. J’ai entendu et j’ai un peu souri quand Thierry [Fabian], tu disais de façon autoritaire : «  Il faut imposer des jumelages aux églises locales au sein de cette nouvelle région ». Je dis : « On peux toujours le faire, mais s’ils sont imposés de façon autoritaire, combien de jumelages alors vivront. »

            Je crois profondément que l’enjeu qui est devant nous, au-delà de ces aspects de choix de pourvoi, de choix de projets, c’est de choisir la communion. Et de dire : « Dans la façon de partager avec les autres, dans la façon de participer, qu’est-ce que je mets au service de la communion, de la communion des uns avec les autres, de la communion avec une Eglise qui dépasse les frontières de mon église locale ou de ma région? Qu’est-ce qui est du domaine de la communion au Christ ? ». Et depuis quelque temps, je médite à nouveau tous ces textes où il nous est parlé dans l’Evangile de l’abandon. Sommes-nous, pour pouvoir relever le défi, sommes-nous dans un temps où il nous faut savoir rêver et abandonner nos rêves. Car ce ne sont pas nos rêves qui deviendront réalité mais la réalité de demain sera nourrie de nos rêves.

            Je crois que l’être humain qui rêve sa vie et qui essaie de faire en sorte qu’elle soit réellement son rêve, prend le risque d’être un éternel insatisfait, un éternel triste parce que même s’il pense pouvoir construire sa vie, son existence est liée aux autres, elle a donc des dimensions qui lui échappent. Et je pense qu’il en est de même pour la vie de l’Eglise. Nous pouvons nous donner des règles, nous pouvons nous déléguer des tâches, nous pouvons penser des projets, mais au moment de choisir, sachons toujours réaliser humblement que la réalité qui va naître sera toujours un peu décalée du rêve, du projet, parce que la réalité nous ne la créons pas, elle nous est donnée. Certes, elle est habitée de tout ce que nous pourrons y apporter, de tout ce que nous pourrons investir, mais elle est toujours avec de multiples apports, toujours différente de nos rêves individuels, de nos désirs individuels ou collectifs.

            Alors oui, Eglise protestante unie, région élargie tout doit trouver son unité. Et si pour tout cela nous acceptions tout simplement de voir nos faiblesses, nos limites pour réaliser que nous ne pouvons tout construire uniquement par nous même. Et si, face à cela, humblement nous nous abandonnions pour que Dieu nous le donne. Et qu’ainsi nous soyons ces vases qui sont façonnés, donnés, mais qui sont aussi remplis non pas par eux-mêmes, mais par un Autre. Alors vous voyez, oui rêvons et soyons heureux quelque part de ne pas savoir exactement où l’on va, même si on en perçoit certaines réalités, même si nous pensons que demain, dans nos agendas, il nous sera peut-être difficile de programmer cette fameuse sortie sur un week-end, de Cherbourg à Sedan, en passant par le Havre évoquée tout à l’heure. Il est bon que nous envisagions que cela soit possible, mais surtout ne prenons pas le risque de culpabiliser si cela ne devient pas réalité tel quel. Parce qu’alors nous pourrions croire passer à côté de la réussite d’une nouvelle région. Et je crois que c’est là que nous retrouvons la nécessité de l’honnêteté et de la confiance face au Christ, car jusqu’à présent rien n’est arrivé d’un projet de la future région tombé du ciel, et je ne pense pas que cela arrive. Par contre, cette réalité d’une nouvelle région, validée par une institution, le synode national du mois de mai, la recevrons-nous comme une réalité qui nous vient du Tout Autre, parce que dans son dessein, il y a là une façon de garder la vie à son Eglise et de faire croître son Eglise, même si, osons le dire, ces projets naissent de la gestion de certaines de nos faiblesses, de nos pauvretés…

            Alors oui, les interpellations viennent de notre souci et de nos capacités à pouvoir aujourd’hui mettre en œuvre les projets d’annonce de l’Evangile. Mais une fois que les projets sont là, je pense, je crois que Dieu donne autre chose, une autre mission que celle de la gestion des pauvretés. C’est en accompagnant nos pauvretés, c’est en les reconnaissant qu’alors la richesse d’un possible est donnée. Et c’est bien là que réside la vie de l’Eglise, non institutionnelle, mais corps du Christ. C’est bien là que réside cette puissance de l’Esprit-Saint, qui inlassablement, jour après jour, nous rassemble autour de sa Parole et nous donne la possibilité d’en témoigner. Alors, je suis sûr qu’au mois de novembre, lors de notre synode d’automne, les mêmes sujets reviendront, les mêmes attentes, les mêmes constats seront faits : avec quels moyens faire quels choix ? Il n’y a pas de réponse toute prête, car nous ne serons pas seul pour faire ces choix. Il y aura d’autres partenaires. Et ces choix certes devront être faits, conscients des moyens qui seront les nôtres, mais confiants dans les moyens que Dieu nous donne et nous donnera.

            C’est donc bien là, comme ce matin pour vous accueillir, que nous nous retrouvons  à placer toute notre confiance en Dieu, sachant que sur certains domaines, nous ne nous faisons peut-être que peu confiance.

            Voilà ce qui permet de dire : « C’est encore un synode où l’on a pu rêvé », mais c’est cela qui permet de dire : « Il y aura un prochain synode, nouvelle réalité, où l’on pourra encore rêver, toujours rêver. », et en même temps: « Dieu nous donne de réaliser qu’il accompagne ces rêves et qu’il nous fait de beaux cadeaux », parce que je suis sûr là aussi, convaincu, que nous allons découvrir des choses que nous n’aurions pas imaginées. En avons-nous peur ? Ou disons-nous que c’est peut-être là que se cachent les moyens, les dons, les compagnons de route qui permettront que le défi soit un réel témoignage à la Gloire de Dieu ?

            Alors oui, dernier synode de la région Nord-Normandie telle que nous la connaissons et en même temps prémices, prémices des débats, prémices des partages que nous allons élargir. Alors, si jusqu’à ce jour, nous nous sommes mis dans une dynamique d’accueil, essayons de passer maintenant à une dynamique de la connaissance et de la reconnaissance. Car au synode prochain, nous ne serons pas les seuls accueillants. Nos amis de Marne-Ardennes et de l’Oise nous accueilleront eux aussi dans leur vie d’Eglise, dans leurs communautés. Alors oui, nous aurons ce temps nécessaire à prendre, à habiter pour toujours mieux se connaître et se reconnaître, parce que Christ nous aura accueillis ensemble.

          Marc [Schaefer], tu nous as accueillis ce matin avec l’image de l’artiste, et je crois que tout le synode serait content d’avoir ce texte de ta liturgie de ce matin, je reprends cette image pour que nous quittions ce synode avec l’assurance que Dieu est un artiste dont nous ne percerons jamais totalement le mystère de l’oeuvre créatrice et rédemptrice, avec l’assurance que cette oeuvre sera demain comme hier source d’émerveillement, source de reconnaissance.

Oui, que Dieu fasse de nous, de notre région, de son Eglise une oeuvre merveilleuse.

 

                                                                                  Pasteur Olivier Filhol

                                                                                  Dieppe, le 16 mars 2013

Message oral retranscrit après enregistrement.

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