Prédication (culte synodal 17 novembre 2013)

Prédication par le pasteur Marc Schaeffer lors du culte synodal du 17 novembre 2013

Matthieu 28, 16-20

Prédication

Nous aussi nous venons d’adorer le Seigneur avec nos prières et nos chants, nous avons également si j’ose dire atteint le sommet de cette session synodale et nous regardons devant nous.

Cette disposition de ce lieu de culte m’a d’abord gêné, je ne le vous cache pas et finalement, je ne suis pas mécontent qu’en regardant chacun devant nous, vous puissiez voir des frères, des sœurs et qu’à la différence des autres dimanches ou d’une bonne partie de ce synode, ce n’est pas leur dos que vous voyez mais leur visage car vous êtes envoyés, nous sommes envoyés ensemble.

Oui, vous êtes, nous sommes cette Eglise prête à partir en mission et à répondre à un appel. Mais bizarrement, c’est peut-être une parole du début du synode qui vous revient malgré tout en tête : « oh làlà, quel chantier » ! Il y a plein de ton pour le dire mais là, c’est bien quand même celui teinté du doute. Or le doute, n’est-il pas l’autre face de la foi, les deux ne s’entremêlent –ils pas régulièrement.

Je cherche et je doute, je trouve et je crois, je questionne ou je suis questionné, et je doute à nouveau, et puis j’avance, encore, dans la confiance et finalement avec certitude. C’est dans cette tension, plus ou moins forte heureusement, selon les circonstances et les événements, entre la foi et le doute, que le Seigneur pourtant nous accompagne.

Jésus est-il ressuscité ? La réponse à cette question ne s’invente pas. Elle se reçoit dans la confiance en celui qui s’approche et me parle. Jésus parle aux disciples, d’abord de lui-même. Le missionnaire, c’est d’abord celui qui, bouleversé, troublé, transporté ailleurs par le séisme de la résurrection, retrouve la paix dans l’adoration et l’écoute de son Seigneur qui est aussi le Seigneur de l’univers.[1]

Alors après le parcours vécu ces derniers jours, j’oserai ajouter finalement sur un autre ton, celui presque de l’émerveillement quand du haut d’une montagne on observe le monde qui s’ouvre devant nous : quel beau chantier ! Quel beau chantier avec au cœur ce point de départ de notre mission commune : le Seigneur Jésus-Christ, celui qui bouleverse nos vies, qui justement nous accompagne et dont Olivier nous disait qu’il était dans notre chantier tout à la fois la fondation, le mur maître, la raison des cloisons, l’obligation des fenêtres et la bénédiction nécessaire.

            Il y a même là une véritable porte qui s’ouvre au couleur de l’espérance au milieu de nos pensées qui ont été empreinte de doutes. Nous pouvons lever la tête et repartir, continuer de répondre à l’appel qu’il nous a été un jour lancé, nous préparer à rendre compte de la mission qui nous était donné pour ce week-end sans omettre une fois encore d’entendre cette parole de Jésus :

« Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc auprès des gens de toutes les nations et faites d’eux mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. Et sachez-le : je vais être avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

Ce n’est pas rien, cette Parole, elle vient peut-être même finalement nous toucher les lèvres. Certains d’entre nous lors d’un baptême nous l’avons prononcé et tous nous l’avons déjà entendu, réentendu alors il est temps de saisir ce relais. Cette Parole nous rappelle comme hier matin la Bonne Nouvelle que Dieu résiste à mon propre projet pour Lui ! Dieu ne fait pas ce que je veux et, je vous le disais hier, c’est une vraie bonne nou­velle puisque Dieu n’est pas mon prisonnier, puisque c’est Lui qui règne et non pas moi. Lui et lui seul pourra me li­bérer de moi, il pourra me libérer de ma propre tyrannie. Il pourra faire de moi un homme, une femme vraiment libre, un sujet.

Et c’est justement comme sujet qu’il m’envoie auprès de tout le monde quel que soit sa couleur, son origine ethnique, son sexe, son âge, sa situation sociale afin que ce monde connaisse Jésus Christ et qu’en le reconnaissant chaque individu demande à son tour le baptême ou le confirme.

Il y a donc, comme le rappelait Olivier vendredi dans son message, une place pour chacun et chacune que l’Eglise nous dicte et ce de génération en génération.  Alors, il nous faut être ensemble une Eglise de l’audace, une Eglise de l’accueil. J’oserai même dire qu’à la suite des versets qui précèdent notre passage où à la différence des autres évangiles, Matthieu met en scène un tombeau qui s’ouvre, nous sommes même invités à renouveler les relations brisées. 

Oui, « Allez donc auprès des gens de toutes les nations et faites d’eux mes disciples »

 

Même si c’est un envoi, l’accent ne porte pas sur le verbe « aller », ni sur une mission de conquête géographique, mais sur une ouverture à tous les humains, sans distinction ni discrimination. Puisque, comme il a été dit, Jésus a tous pouvoirs, tous les êtres humains sont invités à placer leur vie sous cette autorité. Qu’est-ce alors que la mission pour Matthieu ? Des hommes et des femmes qui, ayant été touchés par le Christ au point que leur vie en a été transformée, en témoignent auprès d’autres et partagent avec eux cette expérience. Ne sommes-nous pas une Eglise de témoins comme nous l’affichons dans nos temples ou salle paroissiale avec une récente exposition ?

“Allez !”, dit le Christ, ne restons pas figés, paralysés, ne nous laissons pas enfermer dans le doute, ni non plus d’ailleurs dans une attitude d’adoration, mais “allez” et vivons pleinement, essayons d’expérimenter, joyeusement pourquoi pas, cette tension vive entre le doute et la foi. Et surtout, faisons circuler la parole que nous avons reçue. Ne la gardons pas pour nous et ne la ruminons pas, lorsque nous sommes rongés par le doute ; cela nous ferait mal pour rien, et ne restons pas non plus muets, bouche bée, prostrés ou prosternés dans l’adoration, mais “allez !”.

Pour paraphraser cette phrase télévisuelle que les jeunes répètent sans cesse, je dirai : « non mais allez quoi ! Tu crois en Jésus le Christ et tu n’en dis rien. C’est comme si tu me disais il a bouleversé ma vie et que tu avais finalement décidé de ne rien changer. »

Oui le Christ a besoin de gens qui évidemment marchent avec lui, croit en lui mais disent pourquoi, il croit ainsi en lui.

« Car si nous ne parlons pas librement de lui, si nous ne partageons avec personne ni nos doutes ni notre foi, qui le fera à notre place ? […]Il s’agit d’oser dire : Ecoutez, il y a eu un jour une parole pour moi, une parole qui a eu une grande importance, qui peut aussi être une parole pour vous ! Ecoutez, cette parole, j’en vis, à vrai dire, et j’aimerais tant partager pour mieux comprendre et mieux entendre. Car, voyez-vous, je crois et je doute, je doute mais aussi je crois. Il s’agit donc d’être avec d’autres, avec d’autres des disciples de Jésus-Christ. Non pas devenir pour eux  “maîtres ès sciences religieuses”, non pas spécialistes ou donneurs de leçons, en la matière c’est vraiment insupportable, mais disciples avec eux pour écouter, pourquoi pas chez d’autres que nous, l’écho d’une même parole, l’écho de la parole du Christ. »[2]

La mission n’est donc pas l’expansion d’une idéologie, elle est bien plutôt un partage d’un enracinement d’une vie dans le Christ, une vie qui a reconnu un amour qui le fait vivre.

 

Car « dans le désert du monde, puis-je [encore continuer de] cacher la source qui me fait vivre « [3]. L’amour qui me fait vivre m’engage à ne pas le garder pour moi et à prendre le relais de cette Parole qui est source de vie. Dieu est avec nous, Jésus nous le témoigne et nous rassure une nouvelle fois en nous murmurant à l’oreille : qu’il est avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. En quelque sorte, il nous montre le chemin et nous pouvons lui dire, Seigneur : merci de passer devant et de m’ouvrir un chemin vers ce Royaume qui est là devant et que je n’ose encore à peine imaginer, mais avec Toi je peux m’y risquer avec confiance car Ton amour est bien plus fort que tout. Avec Dieu, la vie est sans cesse re-suscité : oui, quelle belle aventure ce chantier !       

              Amen

 

[1] D’après Christophe SINGER, Rubrique « Lire la Bible », in : Réveil (mensuel de l’ERF Centre-Alpes-Rhône), novembre 2001 (p. 13).

[2] François CLAVAIROLY, Méditations radiodiffusées. FPF, 15.06.2003.

[3] Christophe SINGER, Rubrique « Lire la Bible », in : Réveil (mensuel de l’ERF Centre-Alpes-Rhône), novembre 2001 (p. 13).

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