Rencontre régionale pour les prédicateurs

Samedi 2 février 2019

 

Mission et tâche du prédicateur amateur

Rencontre régionalepour les prédicateurs de la Région Ouest

Samedi 2 février 2019

à Tours, avec retransmission

en direct à La Rochelle et Rennes

 

 

 

Mission et tâche du prédicateur amateur

Chers amis, frères et sœurs, je suis content de vous retrouver ! Je retrouve toujours la Région Ouest avec bonheur. D’ailleurs j’y viens régulièrement, à titre personnel, et parfois aussi, comme aujourd’hui, dans le cadre de mon ministère.

Ce ministère, je le dis d’un mot pour celles et ceux que je ne connais pas, m’a conduit dans des lieux très variés : en banlieue et en campagne, en grande ville et en extrême dissémination, à la présidence du conseil régional de l’Ouest et à celle du conseil national, mais aussi à la Mission populaire évangélique, en aumônerie de prison, en comité d’éthique, dans des lieux de formation et des réseaux œcuméniques et internationaux, etc. – j’ai eu beaucoup de chance. Et aujourd’hui, je suis pasteur d’une petite Église locale, dans Paris pour la première fois, une petite Église qui est au carrefour de défis multiples et qui, simultanément, s’interroge sur son chemin, son avenir ; j’essaie avec elle de discerner à quoi Dieu l’appelle.

Des prédicateurs amateurs

Voilà pour ce qui me concerne ! De votre côté, il y a des profils différents, m’a-t-on dit. Il y a parmi vous des prédicateurs et des prédicatrices confirmés, des prédicateurs débutants, des lecteurs et lectrices de prédications, des animateurs et animatrices de cultes, de futurs prédicateurs… Par commodité, j’emploierai dans mon propos, qui est limité, le terme de prédicateur et le verbe prêcher. Mais ce sera à entendre dans toute cette diversité, que je n’oublie pas.

Prédicateur… avec une épithète pour préciser et qualifier ce terme de prédicateur. On a longtemps dit, et on le dit parfois encore : prédicateur laïque. Ce n’est pas très heureux, parce que  ça sous-entend, de manière un peu vague mais immédiate, une sorte de dépréciation et, de plus, le terme laïc n’est ecclésialement pas très fondé. Du coup, notre Église dit maintenant : prédicateur mandaté[1]. C’est plus juste, parce que ça positionne exactement le prédicateur dans l’ensemble des ministères assurés dans notre Église. Mais c’est une expression qui se focalise sur le statut : qui nomme le prédicateur, pour quelle célébration et pour quelle durée. Pour notre réflexion et notre travail d’aujourd’hui, ce n’est pas le plus important, même si nous en reparlerons tout à l’heure.

Je parle volontiers de prédicateur amateur. Vous êtes, dans la diversité que je mentionnais tout à l’heure, des prédicateurs amateurs. Et ce mot amateur, je l’emploie dans un double sens.

D’abord, vous aimez prêcher. Comme on parle, au sens fort, d’un amateur de vins ou de musique par exemple, qui sait de quoi il parle, qui cultive ses compétences, qui est curieux d’esprit, qui élargit son domaine et sa pratique, vous êtes des personnes qui aimez prêcher, qui y consacrez du temps, de l’énergie, des ressources.

Ensuite, vous êtes des prédicateurs amateurs parce que ce n’est pas votre métier. Dans le ministère pastoral, prêcher est un acte incontournable. Il peut s’exercer avec des insistances variées et dans des cadres différents, mais le pasteur y revient régulièrement, le plus souvent chaque semaine. Vous, ce n’est pas votre métier et votre choix de prêcher, et le mandat que l’Église vous accorde pour cela, sont d’ailleurs peut-être d’autant plus engageants, et pour vous et pour elle.

C’est donc à des personnes qui ont choisi de prêcher parce qu’elles aiment cela que je m’adresse.

 

Le but de cet exposé

Pour vous dire quoi ? J’ai lu les attentes exprimées en réponse au questionnaire en ligne, qui accompagnait l’annonce de cette journée. J’y ai perçu beaucoup de choses, notamment le désir d’être soutenu dans ce ministère, le souhait de préciser le cadre dans lequel il s’exerce, le besoin d’articuler la théorie et la pratique, la recherche de ce qui fait la cohérence d’un culte, la préoccupation des actes pastoraux et notamment des services funèbres, etc.

Je ne vais pas répondre une à une à ces demandes. On pourra y revenir et préciser les choses dans le temps d’échange qui nous sera donné. Je n’oublie pas que des ateliers sont proposés cet après-midi et, pour ce qui concerne le culte et la prédication, les ateliers sont essentiels. Mais c’est de ces attentes que je pars. Je ne vous propose donc ni un exposé académique sur la prédication, ni une histoire de la prédication. Mon angle prioritaire sera celui du savoir-faire.

Disons que je vous proposerai des points théoriques, des affirmations, des thèses même – parce que le style de l’affirmation, de la thèse, donne de la clarté et permet à chacun de se positionner – nourris de ma pratique. Je prêche depuis 40 ans, ce qui me donne un peu de recul, et j’ai assuré de nombreuses formations à la prédication et à l’animation de culte. Soit dit en passant, toutes mes excuses à celles et ceux qui y ont éventuellement déjà participé et qui entendront des redites : cela tient au fait que je partage « ce qui marche » et donc je propose des réflexions patinées par une longue pratique.

Je vous proposerai des points théoriques, disais-je, passés au tamis de ma pratique, et cela en vue de votre pratique. Mon but, c’est de faciliter votre tâche. Par la recherche d’idées-socles, de clarté, de cohérence, de simplicité. Parfois je vous proposerai des recettes, parce que contrairement à ce qu’on dit parfois en prenant un air un peu pincé, les recettes c’est très efficace et très utile : on commence par les suivre scrupuleusement et, du coup, on ne court pas trop le risque d’échouer complètement lorsqu’on débute ; puis on les adapte progressivement à son goût, à son matériel, à ses ingrédients et aux circonstances ; puis on s’en éloigne et on innove ; puis on en propose à son tour, qui à leur tour s’amélioreront.

Je ferai tout ça assis sur ma chaise, sans bouger, sans diapos de présentations, sans tableau de papier parce que c’aurait été techniquement compliqué. Je me sens donc un peu coincé par le cadre, mais c’est le jeu et c’est très bien comme ça ! Les ateliers de l’après-midi seront plus souples.

 

Encore un mot

Encore un mot avant d’entrer dans le vif du sujet. Ce mot, c’est : merci. Merci pour votre engagement.

Vous êtes des prédicateurs amateurs. Vous aimez prêcher, vous aimez d’une manière ou d’une autre contribuer activement à la célébration du culte par l’assemblée, et ça vous apporte des satisfactions. Il n’empêche que ça vous coûte aussi. Ça vous coûte à vous, à votre conjoint, à votre entourage. Ça vous coûte du temps, de l’argent, de l’énergie, de l’angoisse parfois… Merci ! Merci pour ce service que vous rendez à votre Église. À vos auditeurs. Merci pour ce service que vous rendez à l’Évangile de Jésus-Christ.

Ma manière de vous dire merci plus concrètement, c’est de vous encourager. Et pour vous encourager, j’ai conçu mon propos en deux temps :

  • D’abord, je vous parlerai de la mission du prédicateur amateur. La mission, c’est-à-dire ce que vous êtes. Je vous en parlerai en trois affirmations.
  • Ensuite, je vous parlerai de la tâche du prédicateur amateur. La tâche, c’est-à-dire ce que vous faîtes. Je vous en parlerai en sept étapes.

La mission et la tâche ; ce que vous êtes et ce que vous faîtes ; trois affirmations, puis sept étapes : c’est parti !

 

  1. La mission du prédicateur amateur

D’abord, donc, la mission du prédicateur amateur, en trois affirmations. Ces trois affirmations, que je vais reprendre une par une, les voici : 1. vous êtes au service d’un événement de parole ; 2. vous êtes des ministres ; 3. vous êtes des témoins.

 

  1. Vous êtes au service d’un événement de parole

Première affirmation : vous êtes au service d’un événement de parole. En tant que prédicateur amateur, c’est votre raison d’être.

 

L’Église est le fruit d’une parole

Car l’Église est le fruit d’une parole. Elle naît d’une parole adressée. Jésus passe le long du lac et s’adresse aux pêcheurs occupés à leur travail. Il s’assied sur la montagne ou au bord du lac, et il s’adresse aux disciples et aux foules, qui le suivent. Paul est atteint en plein cœur par une parole qui lui est adressée et dont il ne sait pas encore d’où elle vient.

Le cœur, le noyau irradiant de cette parole, c’est l’Évangile, la Bonne nouvelle qui concerne Jésus-Christ. Christ a porté cette parole, il l’annoncée, incarnée, exposée en s’exposant lui-même. Car il est lui-même la parole de Dieu pour les humains. L’Église est toute entière créature de cette parole.

Elle naît d’une parole adressée et, dans le même mouvement, pour que cette parole soit ré-adressée. Les apôtres, et celles et ceux qui étaient avec eux, prennent la parole le jour de la Pentecôte. D’autres encore, comme Etienne, se mettent à annoncer la parole alors même que ce n’était pas leur service prioritaire. Paul, après avoir digéré son appel, se met à son tour à adresser la parole, au fil des rencontres qui lui sont données.

C’est exactement ce que signifie son nom, Église, ek-klesia en grec, un mot construit avec une préposition qui signifie hors-de et un verbe qui signifie appeler. L’Église est issue d’une parole qu’elle ne possède pas, une parole qui fait appel, un appel qu’elle reçoit ; et de l’Église s’ex-prime cette parole, ré-adressée comme en ricochet, cette parole qu’elle transmet.

Ce n’est pas un événement historique unique, une sorte de Big Bang originel qui aurait ensuite donné lieu à une organisation, une institution destinée à gérer et préserver cette parole. C’est un événement toujours au présent. Car ce ne sont ni les bâtiments, ni les institutions qui font l’Église : cela, ce sont des conséquences et des outils, qui viennent en aval de l’événement de parole. Mais c’est dans la mesure où cet événement de parole a lieu que l’Église émerge, qu’elle apparaît.

C’est d’ailleurs ainsi que la Réforme définit l’Église très concrètement : « la réalité visible de l’Église apparaît dans les assemblées des fidèles où la Parole de Dieu est droitement annoncée et reçue, les sacrements du baptême et de la sainte cène fidèlement administrés et reçus »[2]. La prédication, parole audible ; les sacrements, parole visible qui vient soutenir la parole audible.

Il y a d’ailleurs une parenté de sens entre le mot protestantisme et le mot prédication. Pro-tester, au-delà de la dimension historique du refus, c’est attester de manière proactive, c’est avancer une parole pour d’autres. Et la pré-dication, de la même manière, est la mise en avant, l’exposition d’une parole. Toutes les Églises chrétiennes accordent de l’importance à la prédication, mais les Églises protestantes lui accordent une importance singulière, centrale. On pourrait presque dire, en apportant des nuances qui pourront venir dans nos échanges, que si dans la tradition catholique l’eucharistie est le lieu de la présence réelle du Christ, c’est la prédication qui est ce lieu pour le protestantisme.

 

Qu’est-ce qu’une parole ?

Or justement, qu’est-ce que c’est : une parole ? Spontanément, nous dirions que c’est quelque chose comme le bruit que je suis en train de faire avec ma bouche : une voix, qui émet des sons, qui – dans le meilleur des cas ! – vous disent quelque chose. Mais la parole ne se réduit pas à la voix. Déjà, elle peut être transmise autrement que par la voix : par des gestes et des signes, par exemple, ou par un écrit. Mais quand bien même elle est exprimée par la voix, la parole n’est que brièvement sonore : l’essentiel de sa vie demeure silencieuse et cachée, avant et après son prononcé.

Car il ne faut pas confondre parole et communication. Les animaux communiquent, par exemple les abeilles, les loups et les cétacés ; au regard de leurs besoins, ils communiquent même beaucoup plus efficacement que nous. Mais ils ne parlent pas. Pour nous, il y a de la parole en amont et en aval de son expression, avant et après sa communication. Et même lorsque nous ne communiquons pas, la parole nous habite.

Fondamentalement, la parole est un événement intérieur. D’ailleurs, en nous, elle ne cesse pas. Prêtons-y attention : même dans le plus grand silence autour de nous, notre for intérieur est comparable à un espace où des voix s’entremêlent et résonnent, sans repos.

La parole opère une distinction entre un ressenti brut et sa signification, entre une chose et sa représentation, entre moi et ce qui n’est pas moi, entre moi à un moment et moi à un autre moment. La parole introduit un écart entre le monde et moi. Elle vient donc déployer une intériorité, qui me permet d’habiter humainement ce monde. La parole est ce qui constitue et ce qui révèle la singularité de chacun, avant même de se donner éventuellement à entendre.[3]

L’humanité de chacun naît de cette intériorité, et réciproquement. On en a la confirmation a contrario en observant les totalitarismes qui, toujours, s’acharnent à détruire l’intériorité de ceux qu’ils veulent déshumaniser, pour les tenir en sujétion.

Un événement de parole, une parole qui nous est adressée par quelqu’un, une parole que nous adressons à quelqu’un, c’est ce qui vient faire naître et renaître notre humanité. Prêcher, c’est donc un événement de parole dont la source est en Dieu, un événement né de l’Évangile et issu de lui, un événement porteur de cet Évangile et qui vient le faire résonner. Et celui qui a reçu cette parole et qui la transmet, qui prêche donc, de même que celui qui la reçoit à son tour, naissent tous deux à leur authentique humanité d’enfants de Dieu, grâce à lui.

Pour le dire encore autrement : le prédicateur est comme un interprète, qui permet à une parole venue de quelqu’un, d’atteindre quelqu’un d’autre. Il permet à deux personnes de s’entendre.

Il y faut de nombreuses ressources, à commencer par de la technique et de l’entraînement. Mais on pressent bien que c’est d’autre chose qu’il s’agit, au fond. Car un interprète peut paraître brillant, mais passer complètement à côté de la parole qu’il reçoit et complètement à côté de sa transmission. Il lui faut entrer dans la logique et les intentions de l’un, et également dans la logique et la réception de l’autre. Être interprète, en-deçà et au-delà du moment technique d’élocution, c’est une question de présence à l’un et à l’autre, une présence dans laquelle l’interprète s’avance, s’expose complètement, et à la fois dont il se retire, pour laisser la place aux deux interlocuteurs.

Votre raison d’être, en tant que prédicateur amateur, c’est d’être au service de cet événement de parole, dont le cœur rayonnant est l’Évangile de Jésus-Christ. C’est la première de mes trois affirmations à propos de la mission du prédicateur.

 

  1. Vous êtes des ministres

Deuxième affirmation : vous êtes des ministres. C’est le mandat qui vous porte.

 

Prédicateurs protestants

Ce que je viens de vous dire peut paraître un tantinet écrasant… Qui suis-je, pour être cet interprète-là ! Qui suis-je pour être au service d’un tel événement de parole, qui met en jeu Dieu, l’Évangile, l’intériorité et donc l’humanité de chacun !

Heureusement, vous n’êtes pas seul. Et vous n’avez pas à tout réinventer chaque fois que vous prêchez. Car vous êtes un prédicateur protestant. Vous êtes précédé par toute une tradition, et cette tradition vous porte, vous nourrit et vous libère. Elle vous allège même d’une bonne part de la charge, car elle est comme une sorte de grammaire qui vous est donnée. Une grammaire, c’est l’articulation d’une langue. C’est ce qui permet de s’y repérer, de situer et d’anticiper ce que l’autre dit, d’anticiper et d’organiser ce que l’on dit à son tour. Le protestantisme, c’est une grammaire particulière de la langue chrétienne.

Ces grammaires, il y en a un certain nombre, car il y a beaucoup de manières légitimes de vivre la foi chrétienne, en fonction des lieux, des époques, des cultures, des histoires collectives et personnelles, des héritages, des choix théologiques, etc. Parmi ces nombreuses possibilités, le protestantisme délimite un champ, avec d’ailleurs pas mal de variété en son sein, mais des variétés néanmoins limitées. Le protestantisme, c’est le cadre d’interprétation qui est le nôtre. Est-ce le meilleur ? Ça, on peut en discuter – mais on ne le fera pas aujourd’hui ! En tous cas, c’est le nôtre et, je le répète, c’est avant tout un soutien et non pas une contrainte.

Je rappelle ici, très brièvement évidemment, quelques principes théologiques fondateurs du protestantisme. Pas tous ! J’en rappelle seulement trois, mais qui me semblent les plus importants.

Premier principe théologique : si nous pouvons vivre en accord avec Dieu, si nous pouvons vivre devant Dieu, c’est parce qu’il le veut, et pour aucune autre raison. C’est le choix souverain et libre de Dieu que de nous aimer sans condition, de nous reconnaître avant que nous le connaissions, de se lier à nous avant que nous nous tournions vers lui. Ce choix d’amour de la part de Dieu nous précède absolument. Il ne dépend en rien – j’insiste : en rien – de nos capacités, de nos qualités, de nos envies.

Beaucoup de religions proposent un chemin qui conduit de l’homme jusqu’à Dieu. Mais l’Évangile, la Bonne nouvelle que nous recevons et que nous annonçons, c’est que Dieu est venu jusqu’à nous. C’est qu’il vient jusqu’à toi. Il le manifeste en Jésus, le Christ, venu au ras du sol, s’approchant de chacune et de chacun, traversant de part en part la mort la plus maudite qui soit, la mort où il s’est senti absolument abandonné de Dieu. En Jésus-Christ, Dieu est venu jusque dans ce lieu-là, et ainsi jusqu’à toi et jusqu’à moi. Il est venu et il vient s’ajuster à notre humanité, à nous et même, en nous, à ce qui semble aux antipodes de lui. Il s’ajuste à nous, parce qu’il le veut. Et c’est pourquoi on dit, en jargon théologique, que nous sommes justifiés par grâce.

On comprend dès lors, et c’est la deuxième insistance, le deuxième principe théologique que je rappelle, que notre relation à Dieu n’est pas affaire d’assentiment à une doctrine. Elle n’est pas plus conditionnée par la mise en pratique d’une loi, morale ou religieuse. Notre relation à Dieu est une affaire de confiance. Dieu vient à nous, il nous connaît par notre nom, il nous rencontre, il se confie à nous. Et ce mouvement de rencontre qui, par Jésus-Christ, va de Dieu vers nous, éveille en retour notre confiance en lui.

Vous le savez : c’est parce qu’on nous fait confiance que nous pouvons à notre tour faire confiance. La confiance reçue est source de la confiance donnée. C’est parce qu’un adulte tend des mains confiantes à un bébé que ce bébé se lance, fait un pas, puis un autre, puis encore un autre, vers ces bras qui sont tendus vers lui. Il ne réfléchit pas ; il ne pèse pas le pour et le contre ; il est mis en route par cette confiance manifestée. Cette confiance, ou bien encore cette foi, car c’est le même mot, est cette sorte de dynamique qui vient de Dieu et qui nous met en route. La foi n’est pas notre réponse à Dieu au sens où, indépendamment de lui, nous déciderions de faire une partie du chemin ; la foi est comme l’écho dans notre vie de Dieu qui nous rencontre. En jargon théologique, on dit que nous sommes justifiés par grâce, par ou plus exactement au travers de la foi.

Justifiés grâce à Dieu seul, on disait en latin : sola gratia. Justifiés grâce à Dieu seul au travers de cette confiance, on disait en latin : sola fide. Et cette double affirmation est notre manière protestante de penser le cœur de l’Évangile, le cœur de ce message incarné par Jésus-Christ et qui nous parle de lui, ce message dont nous sommes serviteurs comme prédicateurs.

Où trouvons-nous cet Évangile ? Comment est-il venu jusqu’à nous ? Il est une parole vivante, portée déjà par les prophètes, concentrée et comme précipitée en Jésus-Christ, reprise par les apôtres, transmise par la nuée des témoins qui nous relient à lui. Et cette parole vivante a laissé des traces, des traces écrites maintenant anciennes, qui ont traversé les siècles, toujours réinterprétées et toujours résistantes à toutes les interprétations : ce sont les Écritures.

Écritures dites saintes, car elles n’ont aucune autorité en elles-mêmes ; elles n’ont aucune autorité qui dépendrait de décisions d’Églises ; elles sont là et elles ont autorité dans la mesure où elles nous conduisent toujours à nouveau à rechercher, à recevoir, à transmettre la parole que Dieu nous adresse.

Les Écritures sont irremplaçables pour que résonne la parole de Dieu ; mais elles ne sont pas elles-mêmes cette parole de Dieu.[4] Elles nous arrachent à nos subjectivités, elles travaillent nos projections, pour nous établir devant lui. En cela, elles sont irremplaçables ; en cela, elles sont la référence dernière, en-deçà de nos interprétations, nécessaires, ou de nos confessions de foi, utiles. C’est pourquoi nous recevons l’Évangile, en définitive, en référence aux Écritures seules. On disait en latin : sola scriptura.

Le message de l’Évangile est lié aux deux premiers principes que je rappelais : Dieu nous rencontre, dans sa souveraine liberté et dans une confiance inconditionnelle, qui suscite notre propre confiance. La référence de cet Évangile, là où nous le découvrons, ce sont les Écritures. Et cet Évangile devient à son tour l’angle sous lequel nous lisons les 66 livres des Écritures, si variés à tous points de vue. Il y a comme une circularité, qui repasse toujours par les Écritures, où nous découvrons l’Évangile, qui nous fait interpréter les Écritures, et ainsi de suite. Dans une belle formule, Michel Bouttier écrit : « Source de la foi et de la vie, l’évangile précède l’Écriture et émane d’elle dans un mouvement toujours à reprendre (…). Sola gratia marche en tête, locomotive de l’évangile, sola scriptura suit, convoi de ravitaillement ».[5]

Telles sont, pour des prédicateurs protestants, quelques ressources qui indiquent des priorités, des points d’appui, que l’on aura toujours intérêt à reprendre, à approfondir, pour ne pas avoir chaque dimanche matin à réinventer toute la théologie !

 

Prédicateurs de l’Église protestante unie de France

Mais vous n’êtes pas seulement des prédicateurs protestants. Vous êtes, plus précisément, des prédicateurs mandatés par l’Église protestante unie de France. Concrètement, vous êtes selon les cas mandatés par le conseil régional ou le conseil presbytéral, et cela fournit des ressources supplémentaires de trois types.

D’abord, cette Église vous mandate, c’est-à-dire qu’elle vous reconnaît. Vous n’êtes pas un prédicateur autoproclamé. Peut-être avez-vous demandé à l’être, peut-être vous a-t-on sollicité sans que vous l’ayez demandé et, à un moment ou à un autre, vous l’avez accepté. Cela signifie que vous bénéficiez d’une validation de la part de frères et de sœurs, dont c’est la tâche de discerner des charismes, des dons, des talents. Appuyez-vous sur cette reconnaissance, qui s’est exprimée lors d’une reconnaissance liturgique de ministère. Je connais des prédicateurs qui tiennent mordicus à avoir dans leur Bible, le petit papier qui signifie ce mandat. Ce n’est nullement un goût de la paperasse ou du règlement, mais c’est le signe, spirituellement très fort, qu’ils ne sont pas seuls, lorsqu’ils travaillent, lorsqu’ils prennent leur voiture au petit jour, lorsqu’ils prêchent dans leur temple habituel et plus encore à l’extérieur, par exemple lors de rencontres œcuméniques. Ils sentent ainsi qu’ils ont le soutien de toute une Église qui les reconnaît et les porte.

Être un prédicateur mandaté par l’Église protestante unie, c’est aussi avoir le secours de sa Déclaration de foi.[6] Là encore, je connais des prédicateurs qui l’ont glissée dans leur Bible, non pas comme un surveillant, mais comme un appui et un guide. C’est notre charte de prédicateurs. Mon expérience en paroisse, depuis qu’elle a été adoptée, me montre qu’elle est efficace, qu’elle « marche bien », qu’elle est un bon outil.

Enfin, troisième type de ressources, puisque vous êtes un prédicateur de l’Église protestante unie de France, vous pouvez et vous devez bénéficier du soutien des pasteurs, de l’accompagnement de la part de votre conseil, d’évaluations périodiques qui sont des rendez-vous précieux, de formations régulières comme celle d’aujourd’hui. Et si tel n’est pas le cas, demandez à en bénéficier !

Puisque vous êtes au service d’un événement de parole et que vous exercez ce service dans la tradition protestante, mandaté par l’Église protestante unie de France, vous exercez un ministère, un service d’Église, vous êtes des ministres, des serviteurs, portés par un mandat.

 

  1. Vous êtes des témoins

Vous êtes au service d’un événement de parole, vous êtes des ministres et, dernière affirmation de cette première partie centrée sur votre mission : vous êtes des témoins. C’est là le moteur de votre engagement.

Vous êtes attendu

Être témoin, cela veut dire d’abord que vous êtes attendu. Il y a des motivations dans le fait de prêcher, à commencer par le message évangélique lui-même, bien entendu. Mais si vous prêchez effectivement, c’est parce qu’il y a un auditoire ! Il y a des personnes qui vous attendent. Qui vous attendent très prosaïquement tel jour, souvent le dimanche et parfois un autre jour, notamment pour un service funèbre par exemple ; qui vous attendent à telle heure, souvent 10h30 et parfois une autre heure ; qui vous attendent à tel endroit, au temple, au cimetière, dans une maison. On ne prêche pas dans le désert… sauf s’il y a du monde dans ce désert, parce qu’on prêche pour des gens.

Il y a donc un point de départ, disons : le message à transmettre. Mais il y a aussi, et bien plus : les personnes à qui le transmettre. Et je dis « bien plus » parce que c’est cela le fait déclencheur de votre prédication. Cela veut dire que vous êtes appelé à une double fidélité. Vous êtes appelé à la fidélité à l’Évangile, bien sûr, au message que vous avez préparé, c’est-à-dire travaillé, reçu vous-même et mis en forme. Mais vous êtes aussi appelé à la fidélité à votre auditoire, aux personnes pour qui vous allez prêcher. C’est-à-dire que, dans votre travail de préparation et dans le fait de donner la prédication, vous devez prendre en compte ces personnes, leurs attentes, leur contexte, le moment et l’occasion dans lesquels vous prêchez, etc. Vous ne savez pas tout, bien sûr, et vous faîtes avec ce dont vous disposez ; mais ce que vous savez, ce que vous connaissez de votre auditoire est capital.

Comment faire ce travail essentiel ? En écoutant. Écoutez celles et ceux pour qui vous prêchez. Écoutez leur vie personnelle, familiale, professionnelle. Écoutez leur vie communautaire et leur vie d’Église. Écoutez leur vie spirituelle, ses richesses, ses sècheresses. Écoutez leur vie sociale, politique, économique. Écoutez leurs attentes quant au culte, à la prédication, au prédicateur. Sans vous inquiéter, sans mener d’enquête, sans vous angoisser, mais en vous demandant tout simplement, qu’est-ce que j’ai entendu de celles et ceux pour qui je vais prêcher ? Cela vous nourrira, cela vous aidera à être fidèle à cet auditoire, cela vous fera grandir dans votre mission de témoin puisque vous vous adresserez mieux à celles et ceux que vous aurez devant vous.

Si vous voulez être entendu, écoutez.

 

Vous êtes personnellement témoin

Et puis, si vous êtes témoin, c’est non seulement parce qu’un certain auditoire vous attend, c’est aussi parce qu’il vous attend d’une certaine manière.

Bien sûr, on est en droit d’attendre d’un prédicateur qu’il ait bien travaillé le texte biblique. Il doit ensuite élaborer un message. Il doit savoir le donner et donc, par exemple, savoir un tant soit peu parler en public. C’est pourquoi il est important de se former et de le faire régulièrement. Il est clair que si un prédicateur ne fait pas ce travail de fond, ou bien son ministère ne durera pas, ou bien il fera des ravages. C’est indispensable, mais ce n’est pas l’essentiel.

Je vais vous dire un secret : l’essentiel, c’est qu’il y croie. Qu’il croie non seulement à ce qu’il dit, mais aussi qu’il croie à ce qu’il fait, et qu’il croie en son auditoire si je puis dire. Qu’attendent donc les auditeurs le dimanche matin et plus encore lors d’obsèques ? Ils n’attendent pas l’exposé brillant d’un savoir exégétique. Ni une argumentation infaillible. Ils viennent pour expérimenter ceci : au culte, lors de ce service, j’ai entendu, j’ai vu, j’ai rencontré quelqu’un qui y croit. Le prédicateur, à un moment, a dit une erreur ? Sur tel point, il a été un peu faible ? Ce n’est pas grave, si j’ai senti, perçu, éprouvé que j’avais affaire à quelqu’un qui y croit, quelqu’un pour qui Jésus-Christ c’est vital, quelqu’un pour qui l’Évangile est une lumière. C’est cela qui est décisif.

C’est plus important aujourd’hui que jadis, parce que les Églises se vident, parce que l’ignorance progresse, parce qu’une minorité de personnes a été catéchisée, parce que l’Évangile est une idée neuve. Mais dans ce contexte difficile, il suffit d’un seul témoin pour que quelque chose se passe. Et vous avez ici un atout par rapport aux pasteurs : le pasteur c’est son métier, pour le dire prosaïquement « il est payé pour ». Mais vous qui êtes prédicateur amateur, vous êtes un témoin d’autant plus inattendu et donc potentiellement d’autant plus important.

Si une personne qui vous a écouté se dit : « Celle-là, celui-là, il y croit », cette personne pourra un jour poursuivre par : « Moi aussi, alors, je peux peut-être y croire ». Si elle se dit : « Pour lui, pour elle, l’Évangile est vraiment une lumière », cette personne pourra se dire : « Et si l’Évangile était, pour moi aussi, une lumière ? ». Cette question  ne surgit pas si on a le sentiment d’écouter un savant ou un professionnel ; mais elle peut naître si on rencontre un témoin.

Nous avons de la peine à être personnellement des témoins. Il y a à ça quelques bonnes raisons mais beaucoup de mauvaises – passons, ce n’est pas le sujet du jour. Mais je termine ce point en vous indiquant trois étapes dont on ne peut pas faire l’économie, me semble-t-il, pour devenir témoin de l’Évangile :

  1. Pour être personnellement témoin, il faut, sur le plan spirituel, lâcher prise.

Ce que nous avons reçu vient de Dieu, y compris notre foi. La transmission, c’est donc d’abord son affaire. Remettre à Dieu notre vie personnelle, notre vie d’Église, la rencontre et la transmission, c’est l’attitude spirituelle fondamentale.

  1. Pour être personnellement témoin, il faut, sur le plan théologique, clarifier notre foi.

Nous ne pouvons transmettre que ce qui compte pour nous. Un témoignage vivant, c’est un témoignage sur ce que nous vivons, pas sur ce que d’autres ont vécu – des ancêtres ou des théologiens admirables par exemple. Je dois donc devenir capable de dire ce qui dans l’Évangile est important pour moi et, pour cela, ne pas craindre d’utiliser les mots très simples, directs et crus de la foi.

  1. Pour être personnellement témoin, il faut, sur le plan de la communication, oser dire les doutes.

L’Évangile n’a pas réponse à tout il n’est ni un prêt-à-penser, ni une recette à appliquer. Puisque nous croyons que les questions et même les révoltes font partie de la foi, puisque nous sommes attachés à une démarche critique d’intelligence de la foi, ce peut être une spécificité de protestants luthéro-réformés que de les intégrer dans notre témoignage. D’ailleurs, lorsque j’ose m’interroger devant autrui, j’ouvre du même coup un champ à ses interrogations, je les rends légitimes et je lui permets ainsi d’avancer à son tour.

Vous êtes prédicateur et ce qui est attendu de vous, qu’on vous le dise ou non, c’est que vous soyez personnellement un témoin de l’Évangile.

 

Dans cette première partie, consacrée à la mission du prédicateur amateur, je vous ai donc dit trois choses :

  • Vous êtes au service d’un événement de parole. C’est votre raison d’être.
  • Vous êtes des ministres. C’est le mandat qui vous porte.
  • Vous êtes des témoins. C’est le moteur de votre engagement.

Je rassemble tout cela dans une définition de la prédication que je vous propose, et qui va faire le lien avec la deuxième partie, consacrée à la tâche du prédicateur amateur.

Une prédication, ce n’est pas un cours, dans lequel on montre comme on a bien lu des commentaires et comme on a bien pris des notes – même s’il peut y avoir un moment, pas trop long, où on donne des informations historiques par exemple. Une prédication, ce n’est pas une exhortation morale : l’Évangile n’est pas une morale – même s’il y peut y avoir un moment, rapide, où on parle de morale car la vie est aussi faite de cela. Une prédication, ce n’est pas une tribune pour régler ses comptes avec le prédicateur de dimanche dernier (je l’ai vu), le récent synode (je l’ai vu aussi) ou le candidat aux législatives (je ne l’ai pas vu mais j’en ai entendu causer !). Une prédication, ce n’est pas passer un savon à ces paroissiens qui pourraient faire un effort pour être plus engagés, plus généreux et plus présents… dont je vous rappelle en passant qu’ils sont présents puisqu’ils vous écoutent.

Qu’est-ce que c’est, au fond, une prédication ? Dans la droite ligne des trois affirmations de cette première partie qui s’achève, je vous en propose une définition opératoire, concrète, qui pourra vous aider à avancer : prêcher, c’est présenter à une assemblée Jésus-Christ aujourd’hui.

Maintenant, nous allons essayer de voir une méthode simple et claire pour réaliser cette tâche.

 

 

  1. La tâche du prédicateur amateur

 

Je vous disais tout à l’heure que j’emploierais l’expression de prédicateurs amateurs par commodité, comme une expression générique qui couvre, dans la réalité, des fonctions et des profils beaucoup plus diversifiés. Je vous disais également que j’emploierais le terme prêcher pour les mêmes raisons de commodité. C’est le moment d’apporter une double précision.

D’abord, la prédication déborde largement le cadre du culte dominical. Il y a, cela va de soi, les actes pastoraux. Mais la catéchèse a aussi à voir avec la prédication. Et l’entretien ou la visite également. Et la diaconie, bien sûr. Si, en disant prédication, prédicateur et prêcher, nous avons plus particulièrement à l’esprit cet exercice qui se fait à un pupitre ou en chaire le dimanche matin, il nous faut aussitôt affirmer fortement que ce n’est en rien le seul lieu, la seule occasion de prédication. Disons que la prédication lors du culte dominical est le lieu-type, la situation classique, qui peut servir de point de référence pour notre propos qui, sinon, risquerait de trop se démultiplier.

Deuxième précision. La prédication dominicale n’est pas forcément une prise de parole de 12 à 25 minutes, par une seule personne et d’un seul jet, coincée entre deux cantiques dans un déroulement cultuel immuable. Le culte du dimanche matin peut prendre des formes différentes, des formes très différentes. Nous sommes sans doute dans une phase où l’on diversifie ces formes et c’est heureux. On pourrait sans doute le faire plus encore. C’est en tous cas mon expérience et ma conviction : en matière de culte, on peut à peu près tout se permettre, pourvu que ça ait du sens pour l’assemblée et que ce soit au service de l’annonce de l’Évangile. Je n’oublie pas qu’un atelier sera consacré cet après-midi aux cultes dits « autrement », et c’est très bien. Ce matin, pour ne pas trop déborder et parce que c’est l’exercice de base, je m’en tiens à la prédication dans sa forme classique – chacun adaptera.

Voici maintenant sept étapes pour préparer une prédication. Je présente chaque étape avec plus ou moins de détails, mais en tous cas très brièvement.

 

 

  1. Travaillez le texte biblique

Ça va sans dire ? Croyez-moi, ça va mieux en le disant… Puisque sola scriptura, puisque les Écritures sont notre référence, c’est auprès d’elles qu’il faut s’alimenter, c’est à elles qu’il faut se frotter, c’est là qu’il faut toujours venir et revenir.

Quand je dis : « travaillez le texte biblique », je dis bien : le texte. Un texte biblique, c’est bien suffisant. Nous savons bien, comme auditeurs, que nous sommes incapables de tenir ensemble sérieusement, à la simple écoute, deux ou trois textes ; alors n’infligeons pas cela en tant que prédicateurs. Ca n’empêche pas, chemin faisant dans la prédication, d’en citer d’autres au bon moment, voire d’en lire d’autres, assez brefs tout de même. Mais comme point de départ et référence, choisissons un seul texte.

Lequel ? On pourra en parler tout à l’heure si vous le souhaitez. Il y a plusieurs possibilités, qui ne s’excluent pas. En tous cas, il n’est pas nécessaire d’avoir des principes trop stricts en la matière.

Quand vous travaillez le texte, ne cherchez pas votre salut dans des commentaires. Résistez à ce qui est une tentation. Peut-être un commentaire pour vérifier qu’on ne passe pas à côté de quelque chose d’énorme ou qu’on ne fait pas un contresens majeur, mais pas plus. En revanche, il faut quelques outils, par exemple une concordance, un petit guide biblique comme pas mal de bibles d’étude en proposent au travers de leurs notes, de leur glossaire et de leur carte.

Surtout, il faut une méthode simple, à adapter au texte mais qui soit un guide pour vous permettre d’avancer pas-à-pas. En annexe, je propose une méthode en sept points. Je n’ai pas le temps de la présenter oralement, mais Guillaume la diffusera à celles et ceux qui souhaitent en prendre connaissance.

C’est la première étape, et elle se fait à genoux : travaillez le texte biblique.

 

 

  1. Brassez les actualités

Après avoir travaillé le texte, avoir brassé tout ce que vous y avez découvert, noté, pensé à propos du texte biblique, réservez-le comme on dit en cuisine. Laissez-le reposer un peu. Il faut qu’il lève et, pour cela, il faut un peu de temps pendant lequel on ne s’en occupe plus.

Pendant qu’il est sur le coin de votre cuisinière de prédicateur, brassez tout ce qui marque l’actualité de l’assemblée que vous allez rencontrer. Notez sur un papier les éléments de contexte que vous repérez. Il peut y avoir l’actualité de l’assemblée elle-même – par exemple un événement qui est arrivé à une personne bien connue. L’actualité de l’Église locale – un temps fort prochain, un travail en cours, une décision à mûrir ou à prendre. L’actualité de l’Église protestante unie – un synode, une publication. L’actualité du village, du quartier ou de la ville. L’actualité nationale et internationale. L’actualité culturelle. L’actualité liturgique, bien sûr. Notez précieusement tout cela.

Puis, brassez votre texte biblique, tel que vous l’avez travaillé, et l’actualité, telle que vous l’avez parcourue. Brassez-les ensemble pour chercher des associations, des échos, des questions de l’un à l’autre. Ça peut venir par un mot, une idée, une préoccupation, une analogie, une conversation. Dégagez le plus de ponts, d’associations, d’échos possibles, entre texte biblique et actualités.

C’est la deuxième étape, et elle se fait à genoux : brassez les actualités.

 

 

  1. Discernez la bonne nouvelle

Prêcher, j’ai dit ce que ce n’était pas : un cours, de la morale, une tribune, une revue de presse, etc. Prêcher, c’est présenter à une assemblée Jésus-Christ aujourd’hui. Et présenter Jésus-Christ, c’est une bonne nouvelle. C’est toujours une bonne nouvelle. C’est toujours, toujours et toujours, sans exception, une bonne nouvelle.

Il est tout à fait possible que cette présentation de Jésus-Christ soit à un moment déstabilisante, qu’elle renverse des choses que l’on croyait acquises, qu’elle fasse violence à une tranquillité, qu’elle prenne à rebrousse-poil. Mais présenter Jésus-Christ, c’est toujours une bonne nouvelle. Qui relève, qui guérit, qui ouvre les tombeaux, qui étonne, qui réjouit…

Si vous ne discernez pas de bonne nouvelle, ne prêchez pas. Ou changez de texte biblique, car il y a des textes qui, délimités d’une certaine manière par exemple, ne sont pas porteurs d’une bonne nouvelle. Gardez ces textes pour une discussion, une étude biblique, mais pas pour une prédication.

La question à se poser ici, c’est : en rapport avec l’actualité de l’assemblée pour laquelle vous allez prêcher, de quelle bonne nouvelle le texte biblique est-il porteur ?

C’est la troisième étape, et elle se fait à genoux : discernez la bonne nouvelle.

 

 

  1. Formulez votre message unique

Vous avez travaillé le texte biblique. Vous avez brassé les actualités. Vous avez discerné une ou plusieurs bonnes nouvelles. Il vous faut maintenant choisir une idée. Pas trois idées, pas deux idées, mais une seule idée centrale et directrice. Au fond, maintenant, qu’est-ce que je veux leur dire ? Votre seul et unique message, c’est la réponse à cette question-là. Votre message, c’est celui que vous voudrez donner ce jour-là.

Du point de vue du savoir-faire et de l’élaboration de la prédication, c’est sans doute la clef la plus importante, l’étape décisive. Choisir un seul et unique message.

Travaillez ce message. Peaufinez-le. Épurez-le jusqu’à ce qu’il n’en reste que l’indispensable. Ce message doit pouvoir tenir en une seule phrase. Travaillez-le jusqu’à ce que vous y arriviez. Tant que ce n’est pas possible, il y a toutes chances que ce soit encore trop flou, ou trop lourd, ou que vous ne sachiez pas vraiment ce que vous voulez dire, bref : c’est un mauvais message.

Quand vous tenez ce message – ah mais oui, c’est bien ça que je veux leur dire ! –, écrivez-le, en gros, en haut d’une page. Dorénavant, là où vous en êtes parvenu, ce ne sera plus le texte biblique, les actualités ou la théologie qui vous guideront pour la suite : ce sera ce message.

C’est la quatrième étape, et elle se fait à genoux : formulez en une phrase votre message unique.

 

 

  1. Déployez votre plan

Le plan de votre prédication doit être élaboré en fonction de ce message. Le plan est au service de ce message, pour le proposer, l’articuler, le déployer. Le plan doit permettre à votre auditeur d’avancer et de vous suivre, d’intégrer et de s’approprier votre message.

Il y a beaucoup de plans différents possibles. Il faut choisi un plan simple, logique et qui corresponde au message annoncé.

Dans la construction du plan, ne visez donc pas l’exhaustivité, ne cherchez pas à tout mettre : il y a des choses que vous aurez notées et pensées que vous ne direz pas. Ne visez pas non plus les effets oratoires : la séduction n’est pas une vertu évangélique. Dans la construction du plan, ne gardez que ce qui est nécessaire. Visez l’efficacité.

Sur la feuille où vous avez écrit en gros votre phrase-message, rédigez chaque étape de votre plan sous forme d’une phrase. À la fin de ce travail, le squelette de votre prédication est prêt. Vous savez où vous voulez aller et comment vous voulez y aller.

C’est la cinquième étape, et elle se fait à genoux : déployez votre plan, au service de votre message.

 

 

  1. Rédigez votre prédication

Le saint Esprit n’est pas plus présent dans la spontanéité que dans le patient travail. Ne faîtes pas de pari sur votre spontanéité du dimanche matin. Ce que vous direz devrait pouvoir être lu ; sinon, c’est que la qualité en est insuffisante. Le conseil de base que je vous donne, discutable bien sûr, c’est de rédiger intégralement la prédication.

Mais attention ! Vous n’écrivez pas une pièce de littérature. Vous écrivez un texte qui sera dit. Votre prédication sera entendue. Il vous faut donc écrire au service d’une parole orale.

Avec une prédication qui aura été rédigée, vous serez plus ferme, vous habiterez mieux votre message, vous le servirez mieux. Et puis, très concrètement, vous craindrez moins les baisses de forme ou les distractions dues à du bruit dans l’assemblée, s’il y a des enfants par exemple.

Et du coup, sans même vous y forcer, vous serez plus disponible pour sentir les réactions de l’assemblée. Et puisqu

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