SRRP 2018 : Message du président du Conseil Régional

Chères frères et sœurs, modérateur et vice-modératrices, délégués et invités.

Nous voici réunis pour une nouvelle session synodale, à mi-chemin du mandat qui nous a été confié. Quelques mots tout d’abord pour resituer dans le temps les principaux thèmes synodaux de cette mandature :

  • Il y a deux ans nous avons débattu d’un avis à donner au projet de Déclaration de Foi de l’Eglise protestante unie de France. Nos délibérations et nos délégués ont participé à l’adoption de la Déclaration de foi que nous venons d’écouter.
  • L’année dernière notre synode régional a essentiellement travaillé en ateliers pour alimenter (avec nos « 5 pains d’orge et nos deux petits poissons ») les projets de nos Eglises locales, leur témoignage, et donner des indications aux services et consistoires.
  • Le prochain synode aura comme sujet l’écologie. L’union nationale nous transmettra très prochainement les questions que nous travaillerons au 1er semestre 2019 dans les Eglises locales et dans une année au synode régional.
  • Au cours de cette session, nous sommes appelés, ainsi que les 8 autres régions, à une révision de la Constitution et des Statuts. Pour la région réformée parisienne et l’Inspection luthérienne de Paris nous débattrons aussi du projet de la « région unie » (entre parenthèse, puisque nous faisons référence à la Constitution, il serait plus avisé de parler du projet d’une région luthéro-réformée en région parisienne – ou luthérienne réformée comme l’écrivent les rapportrices. Nous sommes dans une Eglise unie, communion luthérienne et reformée, quelque soient les organisations à adopter dans le cadre de sa Constitution présente et à venir).

Ces thèmes successifs sont le fruit de l’écoute de la Parole de Dieu, de questionnements, de prises de conscience, de vœux, de suites données collégialement à des décisions prises antérieurement. Ils nous aident à travailler au témoignage de notre Eglise.

Et cela, alors que notre monde est déchiré par les affrontements entre la globalisation et les replis identitaires, les déclarations de guerres, les racismes, discriminations, exclusions, les violences aux personnes différentes ou étrangères, les égoïsmes plus forts que les pétitions de principe. L’actualité de ces derniers jours est venue fortement nous le rappeler avec un concentré de commémorations de l’armistice de 1918, de tensions internationales, de crises sociales, de clivages. Quel avenir pour notre humanité, lorsque les efforts de paix (et j’englobe les questions de changement climatique et de justice) sont contrecarrés par des puissants intérêts personnels et nationalistes ?

Envisager notre vocation d’Eglise synodale et locale dans ce contexte, c’est reconnaitre, et confesser que nous vivons en notre sein ces tentations et réalités dans notre façon même de vivre en Eglise. C’est accepter de ne pas positionner en surplomb, de donneur de leçons qui juge la société. C’est s’interroger sur le décalage qu’il peut y avoir entre nos craintes, effarements et colères, ce que nous vivons et ce que nous sommes appelés à vivre dans notre d’Eglise et par nos ministères.

J’entends au fond de moi une petite voix qui dit : nous n’en sommes tout de même pas là, dans notre Eglise, pas à ce point… Certes, nous n’en sommes pas là. Comme d’ailleurs dans la société, nos fragilités et nos contradictions vont de pair avec des réalités lumineuses qui nous sont données par grâce.

Il me semble maintenant utile de nous demander où nous en sommes de notre vocation à vivre dans l’unité, en tant que Région de l’Eglise protestante unie de France.

Le préambule de la Déclaration d’union de notre Eglise stipule, je cite : « en affirmant que la condition nécessaire et suffisante de la vraie unité est l’accord dans la prédication fidèle de l’Evangile et l’administration fidèle des sacrements, elle reconnait que l’unité donnée en Jésus-Christ est toujours à construire et à manifester, petit à petit, mais de la manière la plus visible possible, en vue du témoignage et du service de l’Eglise dans le monde ».

Une unité donnée, à construire et à manifester. Je vous invite à penser au ministère d’unité et aux engagements que nous avons pris, au fait que le conseil presbytéral et le ministre sont au service de l’unité du corps du Christ et de sa mission. Il en va bien sûr de même pour notre synode.

Probablement avons-nous, chacune et chacun, plusieurs et différentes précompréhensions de la notion d’unité :

  • Celle d’une armée : un même pas, un même combat, un même uniforme, des armes, l’autorité des gradés, pas d’objection possible aux ordres même s’ils sont inexécutables. On peut comprendre que l’armée soit unie s’il s’agit de se donner les moyens de se défendre d’un régime tyrannique, mais est-ce adapté à notre mission ? (Une armée du Salut, oui !).
  • Celles de philosophes, qui ont influencé la pensée et une certaine mystique judéo-chrétienne et maintenant d’écoles de pensées humanistes pour qui l’un est au-dessus de tout. Une unité fusionnelle, qui me semble mettre l’individu, le moi au centre de tout, mais quelle place à l’accueil d’une altérité ?
  • Celles des sciences dites exactes, avec le un comme unité de base de toute mesure. Une unité qui est extrêmement fonctionnelle (nous en sommes au bénéfice dans notre vie de tous les jours) mais réductrice, sans nuance, c’est 1 ou c’est 0.

2 autres vécus d’unité :

  • Celle de notre vie œcuménique. Au vingtième siècle (Cf. les 70 ans de l’assemblée fondatrice du Conseil œcuménique des Eglises, née en 1948) nous avons beaucoup progressé vers l’unité de l’Eglise, grâce à la lecture de la Bible, la prière, la réflexion théologique, les rencontres et dialogues, les communautés monastiques, les mouvements de fraternité, la recherche d’une unité spirituelle… Et nous sommes maintenant conscients, motivés, outillés pour vivre la communion dans la diversité (CF. la contribution de Didier Crouzet à une journée de formation des conseillers presbytéraux).
  • Celle d’un orchestre ou d’une chorale qui s’accordent. Dans le chant, il y a une petite note qui s’appelle « service », si petite qu’on l’entend à peine. Mais les musiciens nous disent que sans elle, la mélodie est incomplète. Pour que la musique soit belle, il faut que toutes les voix, tous les instruments soient au service les uns des autres, jusqu’au geste du chef ! Notre Eglise a besoin de la petite note « service » : sans elle l’égoïsme devient tonitruant, la vie se durcit, puis s’étiole, et la mélodie de l’histoire se brise. Et puis il y a la composition si fragile et forte de l’unité : parfois simple, mais pas toujours, et les musiciens nous disent que même un unisson peut être grinçant ; parfois complexe quand une même œuvre marie des diversités, des oppositions et même des dissonances.

Pour que dans notre Eglise nous vivions une unité suscitée par le Seigneur, pour un monde qui a tant besoin du chant de l’unité, contre les égoïsmes de toute sortes, les nationalismes arrogants, les sexismes et le racisme qui le déchirent, je vous propose de méditer ce que l’apôtre Paul nous dit, dans un passage fondateur qui emploie, pour la première fois dans le langage biblique, le mot d’unité.

Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier, dans le Seigneur, à marcher en accord avec la vocation que vous avez reçue : avec entière humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns et les autres dans l’amour, vous efforçant de garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix.

(Ephésiens 4, 1-3), (traduction du commentaire de Michel Bouttier).

Cette exhortation à l’unité est la conséquence de la bénédiction, annoncée dans les 3 premiers chapitres de l’épitre, qui rend grâce à Dieu pour Jésus-Christ en qui elle a été accomplie, nous faisant passer de la mort à la vie, juifs comme non-juifs, anciens étrangers ou exilés, tous concitoyens des saints, membres de la maison de Dieu. Une vision de la croissance du corps du Christ suivra cette exhortation à vivre l’unité donnée – et c’est très important de souligner cela. Nous ne sommes pas appelés à vivre dans l’unité pour être unis. Ce n’est pas une fin en soi. Mais nous sommes appelés à vivre l’unité donnée pour favoriser la croissance du corps du Christ afin que des hommes et des femmes de notre temps accueillent dans leur vie la Bonne Nouvelle. 

Quelques indications et questions suite à cette exhortation.  Juste un mot d’abord pour souligner qu’il s’agit d’une exhortation, et c’est tout en programme ! Non pas un ordre, non pas une opinion parmi d’autres possibles, mais un appel de l’apôtre Paul, figure de courage, et porteur de l’esprit.

Marcher. La racine hébraïque de ce verbe, c’est l’homme, en tant que créature de Dieu qui marche sur cette terre devant la face de son Seigneur (Abraham). Ici, il s’agit de marcher ensemble. Ce que nous faisons en synode, et pas seulement en synode. Le synode, c’est toute l’année, dans nos Eglises et conseils.

L’accord. Quelle cohérence vivons-nous entre l’appel reçu et la foi confessée ? Entière humilité, douceur, patience : ce vocabulaire recouvre celui du Sermon sur la Montagne, qui rapporte au corps du Christ ce que Jésus proclamait du Royaume. C’est dire son importance. Nous avons été appelés, sans doute de manière bien particulière pour chacune et chacun d’entre nous, mais très probablement toujours par quelqu’un, ou plusieurs témoins. Nous avons été appelés, nous avons fait notre cette vocation, quel accord avec ce que nous vivons ?

Supportez-vous. Nous sommes probablement enclins à entendre par là une forme de constat du type : il faut bien, pour vivre ensemble, se supporter voire souffrir avec patience, endurer. On peut aussi entendre l’exhortation à être des supporters exclusifs d’une cause.

Ici, nous avons « supportez-vous les uns les autres dans l’amour ». Et c’est la condition du maintien de l’unité. Il s’agit, dans les épîtres de Paul de la solidarité entre frères et sœurs, littéralement de tenir, de porter l’autre de bas en haut, quand, je cite : « les tensions caractérielles ou psychologiques prennent le pas sur la vie spirituelle » (Michel Bouttier, qui renvoie au livre de Dietrich Bonhoeffer : « de la vie communautaire »).

Vous efforçant de garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix. Comment pourrait-on mieux exprimer cette vocation qui nous est adressée ? Tout est là. Un effort à garder ce que nous avons reçu de plus précieux.

  • L’unité de l’esprit par le lien de la paix n’est-elle pas effectivement à garder lorsque, dans notre Eglise, la solidarité n’est pas à l’ordre du jour des volontés d’effort, des objectifs, des décisions à présenter ?
  • L’unité de l’esprit par le lien de la paix n’est-elle pas effectivement à garder lorsque la vision de l’unité d’une personne, ou d’un conseil, devient celle qui impose aux autres sa vérité en excluant ?
  • L’unité de l’esprit par le lien de la paix n’est-elle pas effectivement à garder lorsque l’accueil ou participation à des rencontres avec des possibles différents n’est ni encouragée, ni même relayée ?

L’exhortation de l’apôtre Paul à l’unité de la paix n’appelle ni à la mièvrerie ni à l’absolutisme, mais à conjuguer engagement personnel et vie communautaire.

Parmi les synodaux de la région parisienne qui sont décédés cette année, dont nous avons eu connaissance, quatre nous laissent un témoignage.  2 laïcs et 2 pasteurs, 4 ministères au service de l’Evangile de Jésus le Christ, 4 frères avec des convictions, qui se sont engagés très personnellement et ont aidé à supporter, à « porter de bas en haut » les personnes et communautés :

  • Didier Brown, de la paroisse de Luxembourg, trésorier du conseil régional de 2003 à 2009 puis actif à la Fondation du protestantisme. Tous ceux qui l’ont connu ont été au bénéfice de son sens du service, qui allait de pair avec le courage de proposer des choix à opérer.
  • Charlie Eldin, qui fut pendant plus de 30 ans une des voix de la radio Fréquence protestante : animateur, commentateur, témoin. Vous pourrez l’entendre jusqu’à la fin de l’année, dans une émission préenregistrée : « l’invitation à la prière » (le lundi, à minuit !)
  • André Lanvin, qui a vécu à Madagascar où il a été consacré pasteur en 1968. Il a fait de l’aumônerie de jeunesse, scolaire et universitaire. Il a été aumônier de prison à Poissy, puis pasteur à la Cimade. Il a ensuite été pasteur à Cergy-Pontoise de 1991 à 2002, date de sa retraite.
  • Louis Simon, pasteur à Palaiseau-Vallée de Chevreuse de 1961 à 1971. Il a contribué à construire et développer le rayonnement du témoignage de cette Eglise, puis il a été président du conseil régional de notre région de 1971 à 1976, et président de la Mission populaire, avant de partir à Montpellier pour un nouveau poste pastoral. Louis Simon fut un pasteur marquant par sa prédication décapante, fondée sur une approche biblique très approfondie, d’où une Eglise non religieuse mais à l’image de Jésus, ouverte au service des petits, des sans classe, des exclus. (Un recueil de prédications, sous le titre « Mon Jésus » est disponible à la librairie).

Ces évocations, bien trop brèves, nous portent dans l’action de grâce. Et je voudrais y associer l’action de la jeunesse de notre Eglise régionale et de leurs responsables qui se sont réunis les 3 et 4 novembre à Notre Dame de l’Ouÿe, au WE Connexions « à quoi es-tu appelé » ? Il en sera donné des échos demain (Vous en avez déjà un dans vos enveloppes).  Le témoignage de ces jeunes est très enrichissant et encourageant.

Que notre synode et nos vies d’Eglise soit au service de ce don que nous avons reçu de Dieu en Jésus-Christ, qui nous fait marcher ensemble, unis, malgré nos fragilités et nos endurcissements.

Je vous remercie de votre attention et tout particulièrement de me supporter, de me porter « de bas en haut ».

Bertrand de Cazenove

16 novembre 2018

Contact