Synode régional 2013/1-La Baume/Prédication culte synodal

1 Pierre 2 : 1-10 – Psaume 127

 

Chers amis du synode régional, pour ce premier synode de l’Eglise protestante unie je suis allée à la recherche de fondements. Un texte fondamental. Pierre s’est imposé à moi, d’abord pour son image des pierres vivantes, et après, heureuse surprise, aussi pour son début. Le début qui parle aux chrétiens comme à des nouveaux nés.


largeCar oui, d’une certaine manière, nous sommes dans une Eglise nouveau-né. Nouveau-né avec un peu d’assistance médicale de diverses commissions, synodes et changements de statuts….. mais voilà, nous y sommes, elle est là. Et ce n’est pas mal de s’entendre dire maintenant, avant toute chose, ces trois verbes de vie : désirer, goûter, grandir. Avant toute chose, écrit Pierre aux chrétiens, il faut savoir comme un nouveau-né désirer le lait de la parole, goûter combien le Seigneur est bon afin de grandir.


Désirer, goûter, grandir ; personne ne peut le faire à ma place. Si l’enfant nouveau-né nous impressionne toujours par sa volonté de vivre, (pourquoi si non les bébés sont-ils capables de crier à cette force-là ?) cela vaut pour nous aussi : ce qui nous est promis avant toute chose, à chacun de nous, est que la parole de Dieu est une force de vie. Nous sommes invités à y retourner, chacun de nous personnellement. Non pas par formalité, mais parce que c’est notre vie qui est en cause. Désirer, goûter, grandir. Personne ne peut le faire à ma place. C’est premier.


Mais le texte est composé de deux parties, cette première partie autour de l’image du nouveau-né, puis la deuxième autour de l’image des pierres vivantes édifiées dans une maison spirituelle. On change d’univers. De la maternité à la maçonnerie. Pierre n’a pas peur de passer d’un univers à un autre dans l’espace de quelques versets, et j’aime bien ça. Car les deux images s’influencent quand même. On aurait pu penser en restant juste dans l’image du nouveau-né : c’est la gratuité, tout est donné, il ne suffit qu’à ouvrir le bec, et ça y est. On aurait pu penser, (et c’est souvent ça qui est pensé dans l’Eglise !) en restant dans l’image de la maçonnerie : au boulot ! Il faut travailler dur, apporter chacun sa pierre à l’édifice, et on sent déjà qu’on commence à avoir mal au dos.


Or, Pierre, n’a pas peur de mélanger allègrement les deux images. De passer de l’une à l’autre. Regardons de près son image des pierres vivantes. Dans la Bible, il y a plusieurs images pour parler de l’Eglise. Il y a le corps avec ses différents membres cher à Paul, il y a le cep et les sarments chez Jean… Dans ces deux images-là, l’unité est très organique. Si je suis une main, je ne peux pas me couper du corps, et si je suis un sarment, sans cep, je ne suis plus rien, je ne peux pas m’en séparer.


Dans l’image des pierres vivantes, c’est un peu différent. Un mur, ça n’est pas quelque chose d’organique, ça se construit par des mains humaines. Mais ce n’est pas non plus que une construction humaine, car Pierre a cette expression ambivalente, qui peut être traduite de deux manières : édifiez-vous pour former une maison spirituelle : attitude active, ou bien : vous êtes édifiés dans une maison spirituelle, attitude : laissez-vous édifier, laissez-vous utiliser dans cette construction.


Il y a donc deux côtés dans cette image. Pas de mur sans collaboration humaine, c’est certain, et en même temps : laissez-vous édifier dans cette construction. C’est double. C’est ça l’image de l’Eglise chez Pierre. Non pas : apportez votre pierre et cassez-vous le dos, mais plutôt : laissez-vous prendre dans la construction. Dieu a besoin de vous, de vous, pas de toutes vos contributions, mais de vous, de votre personne au départ, tel que vous êtes.


Je suis tombée en cherchant pour le culte de ce synode sur un très beau texte de Hermas, un texte de 150 après Jésus Christ, qui reprend très joliment cette image des pierres vivantes.


large« Pour bâtir l’édifice, il faut des pierres.


Il y a les pierres carrées, qui s’ajustent bien les unes aux autres, grâce à leurs angles. Sans trop de mal, elles font place aux autres pierres et, parmi celles-ci, reçoivent leur place. Il y a celles qui s’effritent, et celles aussi qui sont fendues ou fêlées…


Il y a enfin celles qui sont sans défaut, sans aspérité aucune. Parfaites de forme, et parfaitement rondes… Mais elles ne peuvent entrer dans la construction ; elles n’offrent aucune prise aux autres pierres chez lesquelles elles ne peuvent en trouver pour elles-mêmes. C’est, nous dit-on, qu’elles sont toutes remplies des richesses du monde, et comblées…


Mais, si l’on rogne la richesse qui les empêche de se conjoindre aux autres pierres, si on les taille, si elles laissent aller un morceau d’elles-mêmes et deviennent anguleuses, plus rustiques, elles pourront alors devenir utilisables pour la construction.»


C’est très beau. Pour faire un mur, on ne peut rien faire avec des pierres parfaites. Il faut qu’il y ait une prise : des angles, des coins, des imperfections qui se complètent. Et si les pierres sont trop parfaites, il faut peut être qu’elles laissent un morceau d’elles-mêmes et deviennent plus anguleuses, moins lisses.


Ah, ça, c’est une image de l’Eglise qui me plaît ! Non pas pour dire que dans les paroisses, on connait, des gens pointus, fêlés, anguleuses etc, mais parce que j’en suis, de ces gens-là. Cette Eglise m’a fait une place. C’est un souvenir émouvant pour moi de mon premier culte dans ce qui s’appelait ERF à l’époque, à Dole. Petite paroisse, pas d’organiste, mais un « à toi la gloire », lancé à capella au ciel par un vieux monsieur au moment de la Sainte Cène. Un moment d’Eglise extraordinaire pour moi qui venait d’une riche Eglise du nord ; et de me dire que cette Eglise m’a fait une place….


Donc, première partie : nous sommes comme des nouveau-nés, appelés à désirer, goûter, grandir. Deuxième partie : laissons-nous édifier dans une maison spirituelle. Pierre s’est adressé à chacun de nous, à des individus, il s’est adressé à des chrétiens qui participent à une communauté, pour être finalement intégré à un peuple. Le peuple de ceux qui sont passés des ténèbres à la lumière. Ce peuple dépasse notre Eglise, l’Eglise visible. C’est le peuple que Dieu seul connaît.


Cher conseil régional, je m’adresse à vous qui allez être reconnus dans votre ministère parmi nous. Votre tache est certainement lourde, mais vous n’êtes pas appelés à vous casser le dos à faire de la maçonnerie d’Eglise. Ce qui est premier pour chaque chrétien, et donc pour vous, est d’être nourri à la parole de Dieu. C’est la source, l’origine. C’est donné. Si le Seigneur ne bâtit la maison, ses bâtisseurs travaillent pour rien. L’Eglise n’est pas notre œuvre. A la base, tout est donné.


largeVous connaissez cette blague de pasteur qui aime le dimanche après midi aller se balader et se coucher sur le dos dans l’herbe à côte d’une voie ferrée. Il fait ça tous les dimanches, et on lui demande, mais pourquoi tu fais toujours cette même ballade, pourquoi tu te couches toujours là dans l’herbe juste à regarder passer les trains ? La réponse de ce pasteur : une fois par semaine, j’aime regarder quelque chose qui avance tout seul sans que ce soit moi qui pousse derrière.


Nous connaissons tous cette fatigue, ce sentiment qu’il faut toujours pousser, stimuler, être derrière. Vous, le conseil régional, vous allez prendre entre autres l’engagement suivant : « vous veillerez sur les Eglises, vous les visiterez, vous les exhorterez, vous resserrerez les liens, vous préparez les travaux des synodes, vous veillerez à l’application de leurs décisions ». Ce n’est pas rien comme engagement. C’est un ministère qui peut être lourd.


Alors, j’avais envie de revenir à ce fondement qu’est l’épitre de Pierre. Vous êtes appelés à être des pierres vivantes dans la maison spirituelle, mais c’est Lui qui nous édifie en une maison spirituelle.

Pasteur Ottilie Bonnema

 

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