Application covid

Tribune contre son utilisation

L’inacceptable traçage

 

Le parlement vient de se prononcer en faveur de l’application stop-covid. Au-delà des considérations techniques qui requièrent toute notre vigilance, sa mise en œuvre pose fondamentalement de très sérieuses questions éthiques. Elles ont bien été relevées dans le débat tant sociétal que parlementaire. Malheureusement, les opposants ont pour l’instant, perdu la bataille.

 

Nous savons tous que nous sommes tracés de multiples manières avec les nouvelles technologies. Pour autant nous assistons à un basculement majeur. Pour la première fois de notre Histoire, une expérimentation technologique massive centralisée, organisée par l’Etat, peut suivre potentiellement tous les citoyens de notre pays. Certes, l’objectif affiché est louable : préserver la santé des français ; et le Secrétaire d’Etat argumente : l’Etat ne saura rien de qui nous rencontrons, ce système répond à une situation exceptionnelle et toutes les précautions seront prises.

Oui et surtout non. A partir du moment où le principe de cette application est acté, il est à craindre qu’elle soit utilisée pour autre chose que la lutte contre le covid. Il ne faut pas croire un seul instant qu’une fois mise en route, elle sera ensuite enterrée. Après une première fois, il y en aura une deuxième ! Grâce à cet accord parlementaire, un développement de l’application peut être envisagé afin que, par exemple, un pouvoir sache ce que fait tel citoyen à tel jour, à tel moment. C’est déjà possible techniquement. Tout cela pour de bonnes raisons bien sûr ! L’application stop-covid sera donnée en modèle pour vanter les mérites d’un outil indispensable pour lutter contre la d’autres causes. Lesquelles ? Les opposants politiques, par exemple. J’exagère ? Pas si sûr ! Les dérives autoritaristes d’un Etat peuvent vite frapper à notre porte. L’intrusion dans la vie privée est d’ailleurs l’un de leurs ressorts majeurs. Je n’en accuse pas ce gouvernement, mais le pas peut être vite franchi. Oui, Le parlement vient d’ouvrir une boîte de pandore qu’il ne maîtrise d’aucune manière. Au nom de quelle sagesse de nos futurs gouvernants, la France en serait-elle immunisée ? Nous entrons dans l’irréversibilité de l’usage.  Accepter de donner un tel outil à l’Etat fragilise les libertés individuelles car il ouvre la voie à une surveillance numérique institutionnalisée et invasive

 

Mais il nous est affirmé que le volontariat immunise toute dérive. C’est un autre mirage. Si un employeur oblige ses employés à la télécharger l’application, quelle sera leur liberté ? Aujourd’hui certains sont contraints de prendre leur température avant d’entrer dans leur lieu de travail. Pourtant, dans le « protocole de déconfinement » du ministère du travail, il est indiqué, page 17, que « le contrôle de température n’est pas recommandé et a fortiori n’a pas un caractère obligatoire et le salarié est en droit de le refuser ». Pour la température comme pour l’application, ce volontariat n’a donc parfois de volontaire que le nom. Il est tout à fait imaginable que la pression sociétale marquée par la peur de la maladie ou celle d’un autre confinement encourage vivement le téléchargement. Quelle sera alors le réel degré de liberté de conscience des uns et des autres ?

Par ailleurs, l’espèce humaine est ainsi faite que la servitude peut être volontaire ! L’Histoire nous l’a montré à de multiples reprises. En période de déconfinement, nous ouvrons ensemble les portes d’un monde hors de l’ordinaire.

De multiples craintes (maladie, emploi, besoin de sociabilité…) biaisent terriblement la réflexion. Caricatural -mais maintes fois constaté à Montauban, et sans doute dans toutes les villes de France et de Navarre- : des couples, qui dorment ensemble la nuit, mettent un masque le jour dans leur voiture !  Ils répondent aux conseils sanitaires, en oubliant tout bon sens commun.  Une partie de la population peut préférer pour un temps le besoin de sécurité et balayer la liberté et la responsabilité. Mettre en place une telle application dans une période traumatisante court-circuite le débat éthique, pour ne laisser place qu’aux besoins sécuritaires immédiats, sans distanciation critique suffisante.

 

Cerise sur le gâteau, des parlementaires se sont appuyés sur la position favorable de l’autorité scientifique. C’est la hisser à une hauteur qui n’est pas la sienne dans une démocratie. Ce n’est pas à elle de trancher de ce qui est bon ou pas pour notre pays, son régime et nos libertés individuelles. Il s’agit d’un débat éthique et c’est aux citoyens de se prononcer et de veiller à l’articulation entre les convictions fondamentales et la réalité.  Selon moi, les dérives d’applications similaires déjà pointées dans nombre de pays, comme la montée au pouvoir de dirigeants fantasques dans des pays démocratiques, devraient servir de signal d’alerte et conduire à refuser le principe même d’une telle application. Ses bénéfices pour la lutte contre le covid sont trop mineurs par rapport aux risques encourus pour l’ensemble de notre société.

 

Pasteur Alain Pélissier, président du conseil régional de l’EPUdF, région Sud-Ouest.

 

Article publié sur le site de l’hebdomadaire Réforme.

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