– Éthique de l’environnement: Gn.11,1-9

La technique au service de l’humain véritable (Gn.11,1-9)

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Introduction

Le chapitre 10 se termine en concluant que les habitants de la terre se subdivisent du temps de Péleg (v.25), et que des clans des descendants de Noé naissent tous les peuples de la terre, regroupés selon leurs langues, leurs pays et leurs nations, sans aucune connotation négative de cette évolution.

Notre chapitre propose une explication à cette évolution. La dispersion des peuples n’est plus une obéissance à la mission de remplir la terre (Gn.1,28 et Gn.9), mais comme une bénédiction pour empêcher le mal de la pensée unique.

Lecture

Pourquoi l’acquisition technique (briques cuites et bitume) devient-elle ici une mauvaise idée ?

v.3 : « La brique pour pierre et le bitume pour mortier. »

La science et la technique n’est pas mauvaise en soi. La science est un outil, un instrument pour comprendre et connaître les lois qui régissent l’univers et la création.

Mais c’est le sens que le système donne à la science et à la technique qui les fait s’égarer.

L’évolution en vigueur consistait à se disperser sur la terre (Gn.1,28 et Gn.10). Mais ici, le système de Babel voulait inverser cette évolution.

  • Le récit de création d’après Gn.1 désacralise les éléments de l’univers en les faisant dépendre d’une Parole créatrice.
  • Cette Parole diversifie les éléments de la création en les dégageant du chaos (Gn.1,1) originel. C’était aussi un chaos fusionnel et confusionnel, où les éléments étaient dépourvus de sens. Cette parole les oriente en leur offrant le courage de se donner un sens.
  • Elle les rassemble et les unit sans les uniformiser.
  • Elle les engage dans une lutte contre le retour au chaos.

Mais le système de Babel (mot qui peut signifier aussi confusion) voulait donner une autre orientation à la création. En bâtissant une ville, le motif était de « se faire un nom », se faire une identité par soi-même, au lieu de la recevoir d’un autre, d’une parole extérieure.

D’après Jacques Ellul, « ce n’est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique ». La technique devient alors une Technique sacrée. En 1935, à 23 ans, il écrit : « La technique domine l’homme et toutes les réactions de l’homme. Contre elle, la politique est impuissante : l’homme ne peut gouverner parce qu’il est soumis à des forces irréelles bien que matérielles, dans toutes les sociétés politiques actuelles. » Selon lui, la technique façonne la mentalité et la civilisation occidentale. Lorsque celle-ci se laisse tenter par le gigantisme, par la croissance illimitée, par la concentration des moyens, alors la « technique » tend englobe toutes les activités humaines.

Quel est le sens spirituel de la construction d’une ville ici ?

En construisant une ville pour se faire un nom, le système de Babel fait revenir la création au chaos de la fusion originelle, de la pensée unique et totalitaire, ne respectant pas la particularité culturelle et linguistique et défigurant l’humain, le rendant autre qu’humain.

Le système se forge comme objectif un bien, qui n’est pas humainement bien.

Dans quel sens l’uniformité de langue (et de culture) peut-elle devenir un danger d’après ce texte ?

v.6 : « L‘Éternel dit : Voici, c’est un seul peuple, et ils n’ont, eux tous, qu’un seul langage, et ils ont commencé à faire ceci ; et maintenant ils ne seront empêchés en rien de ce qu’ils pensent faire. »

En quoi est-ce un danger qu’ils ne soient empêchés en rien de ce qu’ils pensent faire ? Quel est, au fond, le danger pour l’humain de devenir comme des dieux ?

Dans les mythes du Proche-Orient Ancien, les divinités sont jalouses des performances des humains. Mais ici, dans le récit de la Tour de Babel, la toute-puissance de l’humain signifierait qu’il ne serait plus à sa juste place, en tant que vis-à-vis de Dieu. Le danger consiste dans la coupure de relation avec le Créateur, source de sa vie et de sa juste identité, qui résulterait de cette autosuffisance humaine, si cela arrivait.

Le péché consiste à vouloir se donner à soi une identité divine, non humaine ou inhumaine. La question se pose : qu’est-ce que l’humain, qu’est-ce qui est humain aujourd’hui ? La technique orientée par une logique de la performance ne risque-t-elle pas de déshumaniser l’humain et le vivre ensemble ?

Qu’est-ce qu’un univers centré sur l’humain ? Galilée fut condamné par Urbain VIII en 1633, 90 ans après les thèses de Copernic sur l’héliocentrisme. Un Dieu qui descend pour se soucier des humains aide ces derniers à comprendre que ce qui fondent ce qu’ils sont se situe dans le dialogue avec un Autre. L’humain n’est-il pas à maintes reprises tombé dans le piège de vouloir utiliser tout système, y compris la religion, au service de ses propres intérêts ? Le Dieu de notre récit l’aide à comprendre que l’univers est orienté au-delà des seuls intérêts humains. L’humain est plus important et ne peut pas se réduire à ses propres intérêts.

Quelles sont les conditions (spirituelles) requises pour que la technique humaine puisse être utilisée au service de l’environnement ?

Indications :

La technique et la science sont appelées à être des outils pour gérer, servir, cultiver et garder cette création. Elles seront alors au service d’un projet, d’une Parole radicalement autre. Cette parole les aide à éviter d’être sacralisées ou de satisfaire les convoitises de toute-puissance de l’humain, qui aliène et défigure ce dernier. Le système qui invente la technique est appelé à être au service de l’humain véritable, et non l’inverse. L’humain qui, par la grâce de Dieu, accepte d’être accepté par Lui malgré les limites inhérentes à la condition humaine, trouve le courage d’être humain avec ces limites. Le Christ lui-même a pris le risque d’habiter ces limites afin d’humaniser nos techniques humaines pour les utiliser au service de la création.

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